Hélène, la narratrice, relate son histoire et celle de son frère. Les chapitres alternent entre la vie d'Hélène aujourd hui (auprès de son mari Adem et de leur fils de 6 ans, Melih) et l'histoire de l'enfance d'Hélène et de son frère.
J'ai beaucoup aimé la façon d'Hélène de parler à son frère : les chapitres, où elle raconte la période de leur enfance jusqu'au drame, lui sont adressés et l'utilisation du « tu » fait réagir le lecteur plus que si elle avait employé le « il » pour désigner son frère.
Un jour chez le boucher, Hélène entend parler d'un vagabond qui vit dans le parc et tout de suite elle pense à son frère qu'elle n'a plus vu depuis des années depuis leur séparation lorsque son frère a été placé en foyer (psychiatrique ?). Et peu à peu Hélène perd pied, sa mémoire, déjà fragile, lui joue des tours, elle rencontre le vagabond, (qui ne la reconnaît pas), le poursuit, lui parle, le persuade de se laver, lui apporte à manger.
Ces deux êtres se rapprochent, Hélène cherchant par la conquête de l'affection de ce vagabond à évacuer la culpabilité qui la ronge : Elle a abandonné son frère et son père est mort.
En parallèle, le mari observe, il reste au début attentif et bienveillant, puis il se rend compte que cela menace l'équilibre de la famille et celui de son petit garçon.
Le petit garçon, Melih, est touchant, rieur, adorable et très mûr pour son âge : il partage LE secret avec son père.
Régulièrement, on se demande la part de vérité dans les paroles d'Hélène, réalité ou cauchemar. Plusieurs fois, par petites touches, elle évoque ce fameux jour du ciel des chevaux où le monde s'est écroulé pour elle, son frère et ses parents.
Le frère est émouvant également dans sa volonté de vivre dehors en vagabond plutôt que dans un foyer spécialisé, où il pourrait être l'objet de soins attentifs et vivre mieux que dans une cabane de chantier au fonds du parc. On se pose des questions sur sa « maladie ».
La fin est très réussie et étonnante : je n'avais rien vu venir et j'en suis restée abasourdie enchantée aussi. le dernier chapitre (assez dur) relie tous les petits indices parsemés tout au long du livre et enfin on comprend tout…..
Un coup de coeur ce livre …..
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Lorsque la rumeur commence à se propager dans la ville, elle parvient tout naturellement aux oreilles de Lena. On murmure qu'un jeune homme, presque un adolescent, hante le parc voisin, racontant des histoires aux enfants venus y jouer. Il est revenu... lui dont elle n'a jamais parlé à quiconque, l'homme qui a partagé ses jeux d'enfant... La seule personne qu'elle informe de cette réapparition est sa mère avec laquelle elle ne communiquait plus depuis des années. Depuis la mort de son père. Depuis le jour où son frère a disparu... Aujourd'hui, Lena est marié à un homme qui ne sait rien de sa vie passée et dont elle a un petit garçon. Pour autant, elle ne cesse de penser à l'adolescent qui a élu domicile dans le par cet ne peut s'empêcher, à l'insu de tous, de partir à sa rencontre...
Malgré la tristesse du sujet, c'est un roman envoûtant, servi par une grande sensibilité et une poésie omniprésente. Il nous ouvre des fenêtres sur le sens de l'existence.
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C'est très noir, psychologiquement difficile.
Mais c'est aussi très beau, très bien écrit, avec un suspens troublant.
On est comme le fils d'Hélène, Melih, on sent, on pressent, on se demande.
Oui, c'est une histoire étrange, aussi belle que triste.
Les personnages, elle, son mari Adem, son voisin aveugle Carmine, sont des anges comme il y en a peu sur terre!
Si dénouement il y a, il est en réalité inscrit entre les lignes tout au long du livre; je n'ai pas été surprise, seulement un peu plus triste peut-être....
C'est un livre qui parle à tous les rêves, toutes les folies, tous les mensonges, tous les fantasmes qui sont profondément ancrés en chacun de nous..plus ou moins...
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Les médecins ont diagnostiqué une maladie complexe, un trouble plutôt- c’était un mot étrange, « trouble », comme une eau opaque, l’œil indéchiffrable d’une flaque sur un chemin boueux – dans lequel certains enfants finissent par sombrer jusqu’à n’avoir plus aucun contact avec le monde extérieur. Le monde dans lequel ils vivent est autre, disaient-ils, ils y grimpent comme dans un petit grenier, une minuscule cabane en haut d’un arbre, et ils tirent la porte derrière eux pour un moment, pour quelques heures et parfois pour toujours. Maman a pleuré mais en te retrouvant dans l’antichambre où l’on t’avait envoyé attendre, elle n’a pu y croire, son petit garçon au visage si tendre qui avait appris à compter, à lire, à écrire presque en même temps que sa grande sœur.
Les médecins ont diagnostiqué une maladie complexe, un trouble plutôt – c’était un mot étrange, « trouble » comme une eau opaque, l’œil indéchiffrable d’une flaque sur un chemin boueux- dans lequel certains enfants finissaient pas sombrer jusqu’à n’avoir plus aucun contact avec le monde extérieur.
Et puis il y avait notre père. Il élevait des chevaux, disait-il. Quand il rentrait le soir, il dégageait une forte odeur de fumier qui nous faisait éternuer, et ses ongles, les lignes de ses paumes étaient incrustées de la crasse noire qu’y laissait le poil des bêtes. A tour de rôle, nous avions le droit de lui récurer les mains avec une brosse de poils durs. Bien sûr cela nous émerveillait, nous tournions autour de lui en flairant cette odeur animale inconnue et il y a avait mieux encore ; parfois il travaillait le dimanche, il arrivait à travers champ en tirant derrière lui un cheval attaché à une corde. De notre chambre nous les entendions s’ébrouer ou hennir dans le pré derrière le portillon du jardin, et nous nous précipitions dehors en criant. Souvent c’étaient de vieux chevaux au chanfrein gris, parfois ils boitaient ou paraissaient malades, mais nous les trouvions magnifiques ; après cela nous chevauchions pendant des jours des bâtons au bout duquel nous avions attacher les fines soies que l’on trouve à l’extrémités des épis de maïs, nous refusions même de mettre pied à terre dans la maison.
Où dors-tu la nuit ? T'es-tu construit un lit d'herbes sèches comme un renard, ou dors-tu entre les branches comme un oiseau ? Reposes-tu sous un buisson, au bord d'une allée, comme une pierre repoussée du pied, dont l'éclat précieux est voilé par la poussière ? T'es-tu construit un palais plus beau que ceux des princes ?
Il manque des années à ma vie comme il manquerait des doigts à ma main, quelques centimètres à l'une de mes jambes, je boitille sans relâche d'un bout à l'autre du ruban, quelqu'un a coupé le fil, les deux extrémités flottent librement et il m'est impossible de les renouer.
Rencontre avec Dominique Mainard qui présente son roman, "Je voudrais tant que tu te souviennes" au Poivre d'Ane.