Il peut sembler difficile d'écrire avec lyrisme sur la Révolution, plus encore sur la Terreur, les Romantiques du XIX ème siècle l'ont déjà fait : Büchner avec une tragédie de l'homme accablé si profondément seul face au monde qu'il n'a plus la force de lutter, Dumas dans des romans historiques aux péripéties qui s'inscrivent dans le cadre de l'histoire de Michelet, Hugo évidemment avec son roman-monde et somme sur le Titan Quatre-Vingt-Treize ; Michelet évidemment, qui pour moi fait partie des écrivains romantiques. Plus récemment,
les Onze de
Pierre Michon évoquent le Comité de Salut Public - une référence que l'auteur a lu, puisqu'il évoque un tableau impossible de ces membres du Comité, sujet du roman de Michon.
Oui, la tâche pourrait sembler ardue. Mais
Arnaud Maïsetti l'a relevée pour moi, en livrant un très beau roman, grâce à une écriture toute personnelle et subjective. C'est une biographie, certes. Mais c'est plus que cela, c'est une biographie avec une part d'émotion, où le Narrateur se livre dans de courts chapitres réflexifs, mélancoliques voire poétiques. Il ne questionne pas directement sa méthode d'écriture, il ne se présente pas comme un historien qui détaillerait ses sources, parlerait de ses archives ; mais comme un rêveur, qui rêve devant les portraits de
Saint-Just, cherchant à retrouver l'homme, ses désirs et sa matérialité, derrière les mythes, derrière la figure mythologique même de l'Archange de la Terreur, ou celle de la légende noire du monstre assoiffé de sang. Il nous présente donc un jeune homme amoureux, poète, idéaliste mais aussi ivre d'action, dévoré d'ambition, charismatique et bon orateur, courageux chef de troupe mais non politicien affairiste. Un jeune homme finalement, plus jeune que tous les autres, qui doit tout faire trop vite dans cette période où les idées de la veille peuvent être dépassées par les événements.
Saint-Just est donc une étincelle puis une flamme qui brûle et qui se brûle, face à la froideur glacée et raisonnante de
Robespierre. le Narrateur le dit, il avait d'abord pensé à titrer son livre "
Saint-Just et les solitudes", car il est seul, si seul, sans véritable ami, personne ne le comprend vraiment.
"
Saint-Just et des poussières", car il ne reste que peu de choses de lui : le portrait d'un jeune blond qui a fixé une image d'adolescent rêveur - tel Rimbaud, quelques manuscrits, mais peu, des discours politiques mais sans la flamme à nouveau qui pouvaient les animer, et surtout des cendres devenues poussières. Il a été emporté et dévoré par le souffle de l'histoire.
Cette belle écriture pose donc des questions sur la postérité, l'écriture de l'histoire et celle d'un mythe, sur l'oubli et la mémoire, sur le destin éphémère de chaque homme finalement.
En parlant de morts et de massacres, en racontant
L Histoire, le Narrateur parle finalement d'amour et de présent, et donc de vie.