Le film repasse sur les murs de ma chambre, au plafond, sur le fond noir du ciel, en flashes sur les carreaux de la fenêtre, tournoyant, m’envoyant dinguer d’un bout à l’autre de la pièce, en désordre, comme mon cœur devenu fou depuis qu’une barre d’acier m’a écrasé la poitrine. Dans l’ambulance, mes rêves, mon enfance, mes espoirs, tout ce qui m’était promis s’enfuyait à toute vitesse. Je revois des visages inconnus penchés sur moi, des éclats de lumière… Les images défilent, s’entremêlent, disparaissent.
Les risques technologiques, grand-père ne semblait pas s’en soucier. Il n’en parlait pas. Peut-être qu’il s’en foutait. Il ne devait pas se douter que l’amiante lui bouffait discrètement les poumons. Lui, il faisait des quarts. Et partait avant l’aube, sa gamelle en bandoulière, pendant que mon pote le mistral se faisait méchant. Je dormais à cette heure-là, car les jours passés dans cette maison étaient d’éternelles vacances. Et s’il m’arrivait d’aider grand-père aux champs, ce n’était pas une corvée, c’était le temps joli.
Enfant
j’ai vécu drôlement
le fou rire tous les jours
le fou rire vraiment
et puis une tristesse tellement triste
quelquefois les deux en même temps
alors je me croyais désespéré
tout simplement je n’avais pas d’espoir
je n’avais rien d’autre que d’être vivant
j’étais intact
j’étais content
et j’étais triste
mais jamais je ne faisais semblant
Jacques Prévert .
Un autre moi prend les commandes . Le guide secret, enfoui, qui se met en branle quand l'esprit sombre dans le chaos . Je marche . Mon être tombe en poussière . Je marche .
C'est si facile de manipuler l'espoir .
Je vais garder un peu de cet abîme . Un pied sur terre, l'autre dans le vide . Ma nouvelle façon de marcher...