AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782330163532
208 pages
Actes Sud (06/04/2022)
4.29/5   112 notes
Résumé :
Au début de l'été 2020, dans un Liban ruiné par la crise économique, dans un Beyrouth épuisé qui se soulève pour une vraie démocratie alors que le monde est pétrifié par le coronavirus, Charif Majdalani entreprend l'écriture d'un journal. Cette chronique de l'étouffement et de l'effondrement se trouve percutée le 4 août par l'explosion dans le port de la ville de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium. Dès lors, elle devient le témoignage de la catastrophe et du sursaut... >Voir plus
Que lire après Beyrouth 2020 : Journal d'un effondrementVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
4,29

sur 112 notes
5
14 avis
4
10 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
Beyrouth, 15 juillet 2020
"Ce matin, en sortant des bureaux d'une amie qui a proposé de mettre son coursier à notre service pour des formalités administratives liées à l'achat du terrain à la montagne, j'ai vu une femme assise dans un grand canapé complètement usé, à l'ombre d'une benne à ordures, en train d'effeuiller du persil ; persil qui, contrairement au canapé défraîchi et à la benne à ordures souillée, paraissait frais et d'un vert presque émouvant." Tableau surréaliste, un parmi tant d'autres, dans un Beyrouth dévasté par les guerres, les conflits politiques et trente ans de corruption indescriptible, que le Covid-19 et l'explosion du 4 août 2020, une mise à mort en cinq secondes, finiront par achever.
De ce pays qu'on comparait à la Suisse au temps du romantisme, et qui fit encore rêver pendant une grande partie du xxe siècle les touristes du monde entier, suscita la nostalgie des libanais exilés et où l'eau était une précieuse fortune inépuisable, aujourd'hui il n'en reste plus rien. Il n'y a plus d'eau, ni d'électricité , ni autre chose.
Un pays érodé par une corruption à son paroxysme où même avec le ramassage d'ordures on devient facilement milliardaire, ("Un monde d'affairisme glauque, environné de dorures et les pieds dans les ordures"), et dont les responsables, les oligarques au pouvoir déjà d'une malhonnêteté extrême, en outre se permettent de s'octroyer une désinvolture et une arrogance qui laissent pantois, "L'arrogance a culminé le 22 janvier 2019, durant le forum de Davos, quand ce ministre libanais, gendre du président Aoun de surcroît, a déclaré fièrement que le Liban pourrait donner des leçons de gestion au monde entier et apprendre aux grandes nations, telles par exemple la Grande-Bretagne et les États-Unis, à se gouverner sans budget."

Charif Majdalani, grand écrivain libanais dont je suis une inconditionnelle, dans son dernier livre-essaie, nous autopsie son pays gravement malade au seuil de la mort.
Bien que l'autopsie soit extrêmement complexe, même sans rien savoir de l'histoire du pays on ne peut pas s'y perdre tellement c'est bien construit, et les détails qu'il fournit suffisants pour suivre le désastre en directe. Dans ce champs de ruines, son ultime acte de résistance contre l'idée même de l'effondrement sera de s'échiner à s'acheter une terre dans la montagne avec les derniers sous qui lui restent, rêvant de construire dessus quelque chose.

Un témoignage poignant de la plume d'un grand écrivain que je recommande absolument, vu que c'est un témoignage qui concerne toute l'humanité, ce mot "humanité" qu'on prononce à tout bout de champs mais que finalement on en a qu'un vague aperçu superficiel à travers les réseaux sociaux et les médias.

"....ce silence, cette paix immense des montagnes, comme ultimes témoins de ce que dut être le statisme éternel de la planète avant l'irruption du temps et de l'Histoire, et avant le désordre, la ruine et l'entropie que les hommes ne cessent de produire depuis qu'ils ont commencé à s'agiter sur la Terre."
"Nos destins comme cette canette et ce cigare, jetés aux vents."
Commenter  J’apprécie          912
Le constat est amer, le Liban d'aujourd'hui a perdu tout ce qui faisait sa brillance dans le passé. Les hommes politiques véreux, les hommes d'affaires et entrepreneurs malhonnêtes ont eu raison de ce pays magnifique. La ruine et la faillite sont désormais le quotidien des Libanais victimes de ceux qui pratiquent des détournements de fonds publics à grande échelle, et autres malversations destinées à leur l'enrichissement au détriment du pays tout entier.

Un phénomène qui n'est hélas pas récent, Charif Majdalani écrit que durant la guerre civile : « la dérégulation totale, l'anarchie et l'absence d'autorité pour faire appliquer les lois entraînèrent une urbanisation sauvage encouragée par les déplacements de populations, par la spéculation et par une évidente opulence, elle-même due à l'afflux de l'argent des ventes d'armes et des drogues régentées par les milices et au développement d'une activité commerciale intense et totalement libre d'entraves. »

A l'origine de dégâts écologiques irrémédiables, cette urbanisation effrénée s'est poursuivie sous la IIe République, où « tous les excès furent légalisés, tant qu'ils pouvaient rapporter de l'argent. » Une logique mortifère, qui a conduit à l'explosion catastrophique sur le port de Beyrouth du 4 août 2020, qui laisse Charif-Majdalani profondément triste et désabusé. Et s'il envisage d'acheter un terrain dans la montagne c'est peut-être une façon de mettre à distance ce Liban qu'il dénonce pour retrouver celui qu'il a toujours chéri au plus profond de lui-même.

Une lecture que je conseille vivement pour découvrir l'histoire calamiteuse du Liban contée par un témoin exceptionnel, Charif Majdalani.
Commenter  J’apprécie          673
Charif Majdalani a commencé ce journal après le 1er confinement. Il y constate les dommages consécutifs à cet enfermement que les 30 ans de corruption de la IIème république libanaise n'avaient réussi à abattre ! L'inflation et la dévaluation ont plongé la plupart de la population dans la misère. A fin mars 2023 il fallait 100.000 livres libanaise pour 1 dollar !

Il n'y a plus d'électricité, plus d'eau, plus vraiment de rien du tout, le pays étant gouverné par des oligarques qui se remplissent les poches, tout comme leurs prédécesseurs. Il a été physiquement ravagé par une urbanisation galopante, catastrophique et anarchique sans que ça ne soit jamais réparable.

Il raconte sans acrimonie, mais avec une constatation glaciale, tout ce que son pays a subi depuis sa fondation de république, convoité de l'extérieur et de l'intérieur par des plus forts et plus riches !

Pour parfaire l'oeuvre de destruction il y a eu la double explosion du 4 août sur le port ! Elle a apporté la mort instantanée pour des centaines de personnes, en a blessé des milliers et détruit une bonne partie du coeur de la ville, posant une chape de béton sur l'espoir des libanais !

Ce journal est un témoignage, éclairé, du mois qui a précédé la catastrophe mais aussi un rappel de l'Histoire du pays qui a mené à cette situation.

A lire, c'est court et bien écrit, percutant, même si jamais nous ne pourrons approcher ne serait-ce que l'idée de ce qui est la réalité pour les habitants !

Challenge Riquiqui 2023
Commenter  J’apprécie          350
Ma fidélité de lectrice pour les belles histoires libanaises de Charif Majdalani ne s'est jamais démentie. Ses livres m'ont un peu fait connaitre le Liban, sa culture, son histoire et sa géographie. Il a su montrer un pays carrefour de civilisations, béni par ses ressources naturelles, mais aussi meurtri et profondément divisé par des années de guerres intestines.

Qui mieux que lui pouvait nous en parler, dans sa déliquescence actuelle, cette dramatique crise économique due à la corruption de la classe politique, au clientélisme et à la voracité du voisin syrien ? Faisant suite à une guerre civile, les dirigeants de la seconde république libanaise se sont comportés en cigale, en course frénétique de richesses acquises par tous les moyens illégaux, entraînant tout un peuple vers la pauvreté et un pays défiguré vers la faillite.
Et comme si cela n'était pas suffisant, la pandémie sanitaire et la catastrophe de l'explosion de Beyrouth en août 2020 mettent le pays à genoux.

L'écrivain, qui a toujours célébré la douceur de vivre du Liban, fait ici une tribune à charge pour un déni de démocratie. Par petits chapitres il raconte le quotidien des habitants et les symptômes du pays malade, avec une grande tristesse et une bonne dose de fatalisme et de colère. Son récit fait froid dans le dos. Et en comprendre les causes est éclairant, comme en présage de notre propre futur européen.

Au pays du cèdre, la réalité a largement dépassé la fiction et le romancier n'a fait que la transcrire.
Poignant !
Commenter  J’apprécie          290
Les mots saisissants, percutants et poétiques de Charif Majdalani claquent et c'est une réalité bien triste qui nous saute aux yeux : le Liban est devenu un territoire fissuré, brisé, urbanisé à outrance. À un carrefour convoité entre l'Orient et l'Occident, il n'est plus que spéculation, gouverné par une élite oligarchique.

« Sur un mur, ce graffiti que j'ai noté il y a quelques jours et qui procède à une belle inversion : le régime souhaite la chute du peuple. »
Une gouvernance orchestrée par des pilleurs, des prédateurs sans vergogne, véreux et corrompus ; et la catastrophe survenue l'été dernier est une lourde et effroyable conséquence directe de cette très mauvaise gestion de l' État.

« Rentables, très rentables en revanche, le port et le service des douanes par où passent tous les jours des milliers de tonnes de marchandises, l'aéroport, le service d'enregistrement des véhicules motorisés, le casino du Liban. Autant d'institutions qui toutes possédèrent à un moment ou à un autre leurs propres caisses noires, dont les comptes sont absolument opaques depuis trente ans et où auraient disparu plus de vingt milliards de dollars. »

Les Libanais traversent des turbulences d'une violence inouïe depuis des années.

« Il y a quelques années, une revue littéraire m'a proposé d'écrire une dystopie qui aurait pour cadre le Liban ou le monde arabe. J'ai imaginé une histoire de spéculations immobilières à grande échelle à Beyrouth, comme il y en a tant eu durant ces dernières années, de buildings et de centres d'affaires ultra-modernes bâtis par des mafias liées au pouvoir sur des terrains gagnés en compressant les millions de tonnes de déchets dans la mer. Un monde d'affairisme glauque, environné de dorures et les pieds dans les ordures. »

Charif Majdalani aime son pays et nous livre ici un témoignage absolument bouleversant et un portrait cinglant de ce Liban en déroute.

« Nous ne partirons pas de ce pays, nous resterons ici, nous serons de nouveau heureux, nous rirons de nouveau, et si les salauds que vous protégez ne partent pas , eux
, nous irons boire et danser sur leurs tombes. »
Un livre poignant !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
Commenter  J’apprécie          230


critiques presse (5)
Telerama
07 décembre 2020
L’écrivain libanais avait commencé l’écriture d’un “faux journal” avant la catastrophe du 4 août dernier. Et puis, d’un coup, la réalité a rattrapé la fiction… Son récit “Beyrouth 2020, Journal d'un effondrement”, prix spécial du jury Femina 2020, raconte le naufrage de son pays.
Lire la critique sur le site : Telerama
FocusLeVif
09 novembre 2020
Le grand écrivain libanais Charif Majdalani dénonce dans Beyrouth 2020. Journal d'un effondrement le cycle délétère des arrangements communautaires au Liban.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Liberation
03 novembre 2020
Le journal de Charif Majdalani fige l’histoire au moment précis où la ville explose.
Lire la critique sur le site : Liberation
LePoint
21 octobre 2020
Dans son « Beyrouth 2020 », l'écrivain libanais Charif Majdalani nous immerge dans le quotidien meurtri de sa capitale.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesInrocks
30 septembre 2020
Dans Beyrouth 2020, le Libanais Charif Majdalani livre un précieux témoignage sur la vie quotidienne au Liban durant l’été 2020, alors que les catastrophes s’accumulent.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (50) Voir plus Ajouter une citation
Lorsque nous avons parlé des poubelles qui ne sont plus ramassées depuis quelques jours, les dieux de l’Olympe ont fait leur travail et un ancien bouquiniste a détourné le sujet en racontant comment il lui arrivait parfois d’acheter des fonds de livres entiers, des centaines et des centaines d’ouvrages, dont certains sans aucune valeur qu’il portait alors lui-même jusqu’aux plus proches bennes à ordures du quartier, avant de les voir revenir quelques jours plus tard, proposés à la vente par des chiffonniers qui les y avaient récupérés. Il a donc pris le parti de jeter ce genre d’acquisitions inutiles dans des décharges plus lointaines, dans d’autres quartiers, mais les livres revenaient, inévitablement, comme par sortilège, ou comme une farce que lui aurait réservée quelque dieu rigolard.
Commenter  J’apprécie          312
Durant les années 2008 et 2009, une publicité financée par des groupes écologiques représentait le Liban sous les traits d’une superbe jeune femme recevant progressivement des coups, des blessures, des plaies, des échardes, jusqu’à en être défigurée et rendue horrible à voir. La publicité choqua, et on l’interdit. Pourtant, le visage défiguré du pays était sous nos yeux en permanence et le travail de destruction tous les jours accru.
(Chapitre 31)
Commenter  J’apprécie          260
La plupart des pères fondateurs de l’État libanais étaient poètes, écrivains, juristes. Mais c’étaient aussi des hommes d’affaires avisés, et des banquiers sourcilleux, lecteurs de Hugo et de Heredia, mais aussi du Commerce du Levant, le vénérable et encore efficace magazine économique fondé à leur époque. Selon Le Commerce du Levant de cette semaine, plus de deux mille entreprises commerciales ont fermé leurs portes ce dernier mois, deux cents pharmacies, ainsi que des enseignes internationales fameuses qui quittent définitivement le pays ...
Commenter  J’apprécie          210
Et puis subitement, l’invisible méchante chose fait aussi son apparition pour participer à la fête, et se démultiplie, parce qu’ici on ne se soucie pas de distanciation, on est riche, on se croit protégé même des virus. En une journée, les clubs, les restaurants et les pubs se vident, la musique assourdissante se tait, les chalets sont refermés à la hâte, les montagnes retrouvent leur paix millénaire. 
Commenter  J’apprécie          220
Le hasard a quelque chose de romanesque, voire de tragique. C’est il y a cent ans exactement, en 1920, que l’État libanais a été fondé, et on ne peut que rester rêveur devant l’ironie du sort qui fait advenir la ruine d’un pays à la date même de sa naissance, et au moment même où l’on s’apprête à en célébrer le centenaire. 
Commenter  J’apprécie          250

Videos de Charif Majdalani (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charif Majdalani
Dernière oasis, Charif Majdalani
autres livres classés : libanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (280) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZ LIBRE (titres à compléter)

John Irving : "Liberté pour les ......................"

ours
buveurs d'eau

12 questions
288 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature , témoignageCréer un quiz sur ce livre

{* *}