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EAN : 9782764622551
Boréal (17/06/2013)
3.83/5   6 notes
Résumé :
Que peut-il arriver à un homme une fois qu’il est parvenu au bout de son aventure, qu’il a quitté la route de son destin et qu’il ne se reconnaît plus d’autre patrie que l’humilité du monde tel qu’il est, plus d’autre souci que la simple possession de l’instant présent ? À quoi rime alors son existence et que peut-elle encore lui réserver ?

Veuf depuis quelques années, Antoine vient en outre de perdre le vieil oncle à qui tout son passé l’attachait. I... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Première expérience d'emprunt d'un livre électronique -- certains, dont Guy Bertrand, le redoutable Ayatollah des mots, de la SRC, inclinent à approuver l'usage de « livrel », sur le modèle de « courriel » -- à la Bibliothèque et Archives du Québec. La procédure est la même que pour l'emprunt d'une livre papier : réservation en ligne, un courriel informant l'abonné de la mise de côté, quelques clics et... ça y est.

Qui suit ces pages ne peut ignorer le grand bonheur que m'a procuré la découverte, il y a quelques mois, des trois recueils de récits de vie d'André Major. Découverte heureuse et bénéfique, qui m'a encouragé à me risquer à « écrire la vie » -- risques et périls certes. le voici qui semble revenir au roman, et à saveur autobiographique en plus ; encore que, comme chez Modiano -- qui m'accompagne aussi depuis quelques semaines -- il est clair qu'il faut prendre garde de confondre le narrateur et l'auteur : nous voici en présence d'un récit de vie certes marqué de recoupements au réel, mais néanmoins oeuvre de fiction : il y a de l'André en Antoine, mais pas identité, comme, selon le jour, il y a du Swann ou du Charlus en moi -- et même, las, de la Verdurin (nul n'y échappe).

Prendre le large, larguer les amarres : termes que l'on retrouve souvent dans ces oeuvres, au point qu'on pourrait affirmer sans trop se tromper qu'il s'agit d'un thème tchékhovien : personnage en quête d'un éternel Moscou où il n'ira jamais, d'un ailleurs désiré, d'un moi qui ne souffrirait plus des aléas du moi incertain et, s'agissant de ce roman, d'un autre qui pourrait être aimé et aimer ? Oui, en effet « À quoi ça rime ? »

« Et je ne pouvais m'empêcher de me demander si aimer, ce n'est pas "se lasser d'être seul", comme le dit Pessoa. »

Livre à lire avec, comme musique de compagnie, le fado d'Alfredo Marceneiro. Je vous enjoint de suivre, comme je l'ai fait, la recommandation d'Antoine et, toute affaire cessante, et grâce à Internet qui nous met tout à portée d'un clic, de découvrir ces atmosphères portugaises riches de tristesse et de mélancolie. La première partie du roman se passe en effet à Lisbonne où Antoine vient accomplir un rite de passage, un témoignage de fidélité familiale.

Puis, quittant les rives du Tage, « le souple Tage ancestral et muet » comme l'écrit Pessoa, auteur qui, comme les russes chers au personnage -- et à l'auteur --, accompagne le lecteur, Antoine revient un moment sur rives de la rivière des Prairies.

Mais se voyant comme « ... le dernier représentant, sinon le fossoyeur, du monde que nous avions connu...et qui disparaissait au profit d'un présent tournant sur lui-même comme un derviche jusqu'à l'étourdissement, jusqu'à la perte de toute mémoire et la chute dans le vide. », Antoine, insatisfait de la vie contemporaine, de sa vie, à dire le vrai, de veuf et de retraité -- encore le « À quoi ça rime ? », et son côté Tchékhov -- se fera Alceste et quittera Montréal pour construire « sa cabane au Canada », comme diraient les cousins d'outre-Atlantique : il se retirera en son désert, au bort d'une cascade de la Montérégie (à défaut de Tage, ce torrent suffira). Écrivain, il renoncera au mots -- le monde les aura trop pervertis --, et ne pouvant plus construire d'écriture, c'est avec des matériaux bien concrets qu'il se fera une maison.

« le fantôme d'écrivain... Je ne tolérais plus d'avoir à transcrire la vision que j'avais de la réalité pour que celle-ci existe pleinement. Les mots des autres, grâce auxquels tout prend une profondeur, une épaisseur et même un sens, devraient me suffire désormais -- je m'efforçais du moins d'y croire. »

«... on ne se sentait jamais de son âge, se voyant soit trop jeune, soit trop vieux, alors qu'en réalité on ne cesse jamais de douter de sa maturité parce qu'on demeure, même à un âge avancé, l'enfant de ses rêves quand bien même on prétendrait les renier. »

« À quoi ça rime » est sans doute la question qui s'installe en nous tous, l'âge -- peut-on parler de sagesse ? découvrant, comme la mer se retire sur la nudité des galets, l'amertume du temps perdu à la vaine agitation du monde. Pour Antoine, ce sera cette cabane ; pour l'auteur, l'écriture d'un roman portugais comme un fado ; pour le lecteur, un plaisir doux-amer accompagné de l'entêtante question à laquelle il lui faudra répondre un jour.

Et ce jour là, il importera de placer sa chaise « de manière à voir le Tage »... Nul doute que la rime sera riche.
Lien : http://les-cendres-et-le-plu..
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Au début du récit, Antoine, le narrateur, arrive à Lisbonne. Il a emporté avec lui l'urne de son oncle : il ira jeter ses cendres dans le Tage, comme le lui avait demandé le vieil homme avant de mourir. À son retour au pays, le narrateur se rend à Saint-Emmanuel, où il a hérité d'une terre. Il y construira une cabane, ayant le désir d'y vivre en ermite. de temps en temps, il brise sa solitude pour retourner à Montréal, où il retrouve Iréna, la propriétaire du duplex qu'il habite. Iréna mène une vie toute simple depuis qu'elle a perdu un mari qu'elle n'a jamais vraiment aimé. Antoine, au contraire, peine à oublier la femme qu'il a perdue. Une relation amoureuse sera-t-elle possible entre eux?

À la fin, le récit retourne sur lui-même alors que l'auteur réécrit la première phrase du roman. Mais juste avant, il a pris soin de situer son histoire résolument du côté de la fiction: alors que le narrateur avait jusque-là raconté lui-même son histoire, la narration bascule finalement à la 3e personne, établissant une distance avec la réalité. Et cette partie narrée à la 3e personne est précisément celle qui raconte qu'un amour timide est né entre Antoine et Iréna.

Une très belle prose… les longues phrases (à la syntaxe impeccable) sont comme le cours d'une rivière qui charrie une réflexion profonde sur la vie, les liens qu'on tisse tant bien que mal, la mort, le deuil…
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le fantôme d'écrivain... Je ne tolérais plus d'avoir à transcrire la vision que j'avais de la réalité pour que celle-ci existe pleinement. Les mots des autres, grâce auxquels tout prend une profondeur, une épaisseur et même un sens, devraient me suffire désormais -- je m'efforçais du moins d'y croire.

... on ne se sentait jamais de son âge, se voyant soit trop jeune, soit trop vieux, alors qu'en réalité on ne cesse jamais de douter de sa maturité parce qu'on demeure, même à un âge avancé, l'enfant de ses rêves quand bien même on prétendrait les renier.

Et je ne pouvais m'empêcher de me demander si aimer, ce n'est pas "se lasser d'être seul", comme le dit Pessoa.

... j'aimais par-dessus tout relire les livres qui, loin de chercher à me distraire à tout prix, redonnent aux mots la saveur qu'il perdent dans la bouche de ceux qui vivent distraitement.

Kafka à sa soeur Ottla : « J'écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi de suite jusqu'au fond de l'obscurité.

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«Dès que le soir descendait, je m'étais donné pour règle de ne plus toucher à rien, de me caler dans ma chaise de grosse toile et de boire mon thé en compagnie d'un de mes plus anciens et fidèles compagnons, et depuis que je me conformais à cette consigne, c'était le plus souvent le Kafka de la «Correspondance» qui me tenait au chaud, comme si l'encabané que j'étais devenu désirait plus que tout entendre cette voix qui avait tant d'échos en lui. Car, moi aussi, longtemps prisonnier d'un travail qui me pesait et que j'accomplissais pour assurer ma survie -ce qui est quand même, je le sais bien, le lot de la majorité des gens-, j'avais rêvé d'échapper aux contraintes extérieures pour aller j'ignorais où, et y devenir celui que j'aurais voulu être depuis ma prime jeunesse: un forcené de l'écriture qui aurait compris ce qui manquait aux pauvres êtres que nous sommes, livrés aux circonstances de la vie, à la fois mus par leurs désirs et paralysés par leurs défaites.»
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On ne se sentait jamais de son âge, se voyant soit trop jeune, soit trop vieux, alors qu'en réalité on ne cesse jamais de douter de sa maturité parce qu'on demeure, même à un âge avancé, l'enfant de ses rêves quand bien même on prétendrait les renier.
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«Nos morts entrent en nous, comme pour prolonger leur séjour sur la terre, pourrait-on croire, mais peut-être qu'en revanche nous puisons dans ce qu'ils ont laissé en nous: la consolation douce-amère de ruminer le passé ou l'envie de vivre pleinement. »
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«Ces cascades assourdissantes, curieusement, m'apaisaient, comme si leur tumulte étouffait le mien et réveillait mon désir de réconciliation provisoire avec moi-même ou avec le monde.»
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