Quinze perles de poésie et de ruse sur les bancs de l'Assemblée Nationale.
Publié début 2009 chez les de plus en plus attachantes (au fil de mes lectures) éditions Antidata, ce recueil de courtes nouvelles de
Malvina Majoux (découverte pour son incroyable nouvelle "Le schnark de Levallois", dans le recueil "Douze cordes") parcourt les bancs de l'Assemblée Nationale pour y déposer 15 perles de poésie, de ruse et de fraîcheur.
La nouvelle d'ouverture, "Le pari", réjouira les amateurs de feu "Le Francophonissime" : placer des mots tels qu' "hippocampe", "coqueluche" ou "truculence" dans une intervention sur l'égalité salariales hommes/femmes est en effet un défi, joliment relevé.
Le "Message subliminal à Madame Ramirez" permet, peut-être, à un député distrait de sauver son appartement d'un risque d'incendie grâce à une opportune intervention radiophonique.
"Le moral des Français" nous donne notamment cette phrase à méditer : "- Eh bien, comme chacun sait, la joie est une molécule complexe qu'on ne manipule pas à la va-vite mais chacun sait également que nous bénéficions d'un gouvernement hyper-réactif, qui a donc déjà prévu un dispositif d'extension et de remise à niveau de la joie."
"Transport des grèves", sans doute la plus directement poétique du recueil, mériterait une citation in extenso : un beau et surprenant parcours dans les raisons devant inciter à voter contre le service minimum dans les transports...
L' "Éloge funèbre de Maurice Meurice" nous offre un saisissant portrait indirect d'opportuniste ennuyeux à en... mourir, ce magnifique exergue : "Méfiez-vous que votre tête ne soit entre les mains de ceux qui vous applaudissent. (Proverbe russe)", ainsi que la lumineuse "politique du pied tendu".
"Les heures supplémentaires" propose une jolie variation sur un thème bien connu de tous les négociateurs : l'estomac comme arme de guerre... "- Je comprends que vous souhaitiez interrompre le débat après 4 heures de discussion générale, Monsieur Ratiche, nous savons tous que vous avez du mal à contrôler votre appétit. Mais nous avons justement une fricassée d'amendements légers réservés à la diète des plus ventrus."
"Les Autrui et les d'Ici", sous son apparence légère, met en scène avec force les justifications légalisantes du racisme et de l'exclusion. "- Lorsque l'enfant est né, avait-il l'air roublard de ceux qui n'en pensent pas moins ? Son premier cri fut-il pour la patrie ? Et puis les enfants adoptés, c'est périssable, même ceux qui sont en bouton, vaut mieux apporter des bonbons."
"Ingrid Garbo" est un morceau de bravoure : un épisode de lobbying traité en trilles et en vocalises bucoliques.
Autant de raisons de se réjouir à la lecture, et de rire songeusement des grandeurs et des misères démocratiques...