Citations sur Au-delà des frontières (38)
De même, notre vraie couleur de peau c'est ça, oui, ce reflet argenté de la lune sur nos mains, une nuit d'automne, dans ce coin perdu du Caucase. Quant à ceux qui se croient supérieurs, il faudrait leur expliquer que la seule supériorité est de savoir sortir du jeu, quitter la scène où tout le monde joue faux, tiraillé par la peur de manquer et la panique de la mort.
Mon idée semblait révolutionnaire : ce ne sont pas les faits qui provoquent en nous tel ou tel sentiment, mais ce dont les jeux de notre psychisme qui génèrent ces faits. [..] L’Histoire aurait sombré dans la léthargie des situations types, si l’homme n’avait pas élaboré une diversion : il se drogue aux sentiments ! Aimer, dominer, pardonner, se châtier, pécher pour défier on ne sait quel dieu, mentir et se mentir, jouer au révolté, au persécuté, à l’amant comblé, au parent qui se sacrifie pour ses enfants, se prendre pour un saint, un repenti, un réprouvé...L’homme est moins attentif au réel qu’à l’effet passionnel de ce jeu.
Le bannissement concerne une quantité impressionnante de personnes. La population française a diminué de moitié et ne compte plus que trente millions d'habitants. Cette contraction a déjà reçu un nom : le Grand Déplacement.
(L'étoile) a explosé au moment où l'homme commençait à tailler les silex. Et pendant que la lumière traversait ce gouffre qui nous sépare d'elle, l'humanité a eu le loisir de concevoir ce télescope. Et aussi d'accumuler assez de bombes pour anéantir la Terre. Les survivants devront revenir au silex...
C’est la logique de l’homme : croître, forcer la productivité, démultiplier le nombre. Comme lui, l’humanité se dilatera à l’excès avant d’exploser et de disparaître.
Godbarsky écrit que l’idée de l’Alternaissance correspond parfaitement au sens de cette allégorie prénatale… Je traduis mal, pardon. Il dit que, emprisonnés par notre Première et notre Deuxième naissance, nous ne savons pas penser au-delà de ces deux identités. Comme un enfant qui n’est pas encore né. Le vrai but, c’est d’accéder, déjà de notre vivant, à la compréhension de l’Alternaissance… Oui, ce qu’il appelle “le temps de la pérennité.
En cela, il n’a pas tout à fait tort, l’humanité est en train de tuer la Terre. Lynden envoie nos bobos en Afrique qu’il croit infinie. Mais enlevez-en la superficie peu habitable, Sahara, Sahel, Kalahari, Namib, Bangwelo, il restera une peau de chagrin bouffée par l’avancée du désert et la démographie : cent millions en 1900, deux cent cinquante en 1950, un milliard et demi en 2020, trois milliards en 2060. Les Occidentaux s’amusent avec leur gestation pour autrui, alors que ces milliards veulent juste éviter de crever de faim.
Les politiciens, cette camarilla arrogante et improductive, ont découvert la joie d'un vrai travail - la relance de la voirie et des réseaux électriques, la production des biens de consommation courante, la construction de logements. Ils n'ont connu que deux défections : un ancien Premier Ministre et une ex-maire de Paris ont fui en direction de l'Espagne. Capturés par une tribu touarègue, ils ont été libérés en échange de trois bidons d'huile d'olive. Et la plasticité avec laquelle les destins se restauraient dans cette nouvelle Libye a, encore, produit un effet salutaire : les deux fuyards ont créé un studio de cinéma et lancé une série picaresque, vite devenue culte, l'Auberge catalane...
- Savez-vous ce qui manque à votre théorie, Lynden, la vie ! Ceux qui déferlent sur l'Europe veulent juste vivre, étreindre une femme fessue et mamelue, se reproduire abondamment, ripailler avec une tribu de coréligionnaires. Vos camarades vomissent cette façon d'être, mais mettez-vous à la place d'un "barbare". En venant en Europe, il découvre une civilisation où les hommes peuvent s'epouser à la mairie, bientôt sans doute à l'église, ou l'on proclame "œuvre d'art" un énorme plug anal en plastique. Pensez au désarroi d'un "barbare" qui voit un Européen acheter à son chien la nourriture que la moitié des enfants du monde dévorerait pour ne pas mourir de faim ! Un sacré choc culturel non ?
Quel sera le sort de ce radieux Homo mixtus ? Je le vois d'ici : une petite voiture, une petite femme (ou homme) végane dans son lit (en compagnie d'un petit chien), deux rejetons, les oreilles bouchées par les écouteurs, des vacances sur une plage infestée d'algues vertes, journal télévisé — élections bonnet blanc blanc bonnet, exposition d'art contemporain, dose quotidienne d'antiracisme, championnat de foot, petite scène de ménage, divorce, déprimes, velléités intellectuelles, c'est-à-dire romans et films sur cette vie, un peu enjolivée… l'Homo mixtus vaincra, mais sur une planète moribonde. Le bon vieux Levi-Strauss l'a compris : « Je suis né dans un monde d'un milliard et demi d'habitants. Et je le quitte à l'heure où il en compte six. »