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EAN : 9782021329179
288 pages
Seuil (18/08/2016)
4.23/5   1163 notes
Résumé :
Aux confins de l'Extrême-Orient russe, dans le souffle du Pacifique, s'étendent des terres qui paraissent échapper à l'Histoire...
Qui est donc ce criminel aux multiples visages, que Pavel Gartsev et ses compagnons doivent capturer à travers l'immensité de la taïga ? C'est l'aventure de de cette longue chasse à l'homme qui nous est contée dans ce puissant roman d'exploration. C'est aussi un dialogue hors du commun, presque hors du monde, entre le soldat épui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (247) Voir plus Ajouter une critique
4,23

sur 1163 notes
Je ne sais pas vous, mais les récits gigognes m'ont toujours fascinée. Ils ont le pouvoir, mine de rien, de nous emmener dans des terres inconnues, rien qu'en passant le relais d'un narrateur à l'autre, d'un récit à l'autre, et de nous perdre en nous charmant ou de nous charmer en nous perdant.

L'Archipel d'une autre vie est comme la flûte du joueur de Hamelin : un irrésistible appel à le suivre et à se perdre avec lui.

Au fin fond de la taïga, traversée de torrents et de bêtes farouches, au bout de l'hiver, dans les glaces sibériennes, au bord de la mer d'Okhotsk, dans l'archipel des Chantars, sur la Belitchy, cette grande île sauvage gardée par son terrible « souloï », un mur liquide de quatre mètres de haut…

Vous êtes perdus déjà ? Tant mieux ! Laissez-vous faire !

Un jeune orphelin, fils de prisonniers disparus dans le Goulag stalinien enfin dispersé, rencontre à Tougour un voyageur qui l'intrigue, le fascine. Un nomade à capuche, à la fois fraternel et mystérieux qui a l'âge d'être son père. de loin, d'abord, dans l'épaisseur de la taïga, il le suit.

Mais le suit-il ou est-ce l'étranger qui insensiblement se laisse rattraper par le jeune homme ?

Bientôt en effet, ils se rencontrent. L'homme s'appelle Pavel Gartsev ; il raconte à l'adolescent son histoire. Attentivement, sans l'interrompre, il la suit.

Pavel était soldat, dans un camp où l'armée soviétique, en pleine guerre froide, se préparait à la guerre nucléaire, en Sibérie est-orientale. Un prisonnier s'évade. Un commando de cinq hommes est nommé pour le rattraper, vivant, afin de lui infliger un châtiment dissuasif et exemplaire. Pavel, simple troufion, est le bouc émissaire tout trouvé en cas d'échec.

Mais il n'y a pas à discuter. Il les suit.

Le groupe s'enfonce dans la taïga aux derniers feux de l'été sibérien trop court. Devant eux, le fugitif marche, jamais très loin, allumant des feux multiples pour les leurrer, croisant et recroisant sa piste comme pour les égarer, ou les retrouver, à sa guise. Ils le suivent.

Mais le suivent-ils ou sont-ils subtilement menés par lui, dans une forêt dangereuse, pleine d'embûches et de pièges ? Comme dans l'histoire des Horace et des Curiace, l'évadé se laisse suffisamment approcher pour se débarrasser un à un de ses poursuivants, qui repartent pour le camp, l'un après l'autre, meurtris, sur des radeaux de fortune..

Pavel, lui, est toujours là. Il suit.

Ne comptez pas sur moi pour vous dire qui est ce fugitif habile qui se confond si familièrement avec la taïga, et semble apprivoiser l'hiver redoutable qui vient.

Mais sachez que cette poursuite obstinée va changer le cours de deux existences : celle de Pavel et celle, bien des années après, du jeune orphelin apprenti en géodésie dans la Russie devenue post soviétique. Plus de dictateur à moustache avec son enfer blanc de Kolyma, mais des capitalistes oligarques avec leurs paradis fiscaux et touristiques. Autres machines à détruire les hommes, les existences, les rêves.

Quelque cinquante ans d'histoire russe défilent en trame de fond derrière ce récit plein d'ombres menaçantes- et cependant si lumineux. Car le paysage est là, qui éclaire tout : la Sibérie est-orientale tant aimée de Makine, le pays de l'hiver aux étés si brefs, à la neige si blanche, une terre d'ours et de loups, une mer de baleines chantantes et d' îles farouches - refuge inexpugnable des exilés volontaires, fuyant la folie des hommes.

Un pays qui peut se refermer sur vous comme un piège à ours, ou vous ouvrir les portes de la vie.

L'archipel d'une autre vie. La vraie vie. Celle d'une osmose entre l'homme et la nature, pas tendre pourtant. Celle où les baleineaux viennent se faire caresser par de longues tresses noires. Celle d'un amour éternel, presque mythique, dont l'esquif à voile carrée revient, comme la barque de Tristan et Yseut, hanter ces parages de glaces et de brumes.

Suivez, à votre tour, la piste du fugitif, mettez vos pas dans ceux de Pavel.

Découvrez le courageux Vassine et son chien Almaz, Louskass le chefaillon, qui « se croyant au service d'une idée, ne supportait pas les imperfections de la vie », Ratinsky, éternel mouchard, éternel traître, éternel esclave du pouvoir en place, le rude commandant Boutov, et Elkan, du peuple toungouze, dont je ne vous dirai rien…

Découvrez la différence entre exister et vivre. Entre poursuivre et suivre. Descendez au fond de vous-même et tuez ce pantin de chiffon qui vous brouille la vue, qui vous gâche la vie.

Même s'il faut, pour cela, se perdre dans la taïga un soir d'hiver, et guetter les lueurs clignotantes de trois feux dans la nuit, cela en vaut la peine.

Suivez les trois feux dans la nuit.

Suivez-les !
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Il faut absolument lire L'archipel d'une autre vie, c'est magnifique, c'est grandiose, ça vous laisse sans voix.
Au début du livre qui est fort bien écrit et nous fait découvrir la vie en Sibérie, le régime de Staline et l'immensité de la taïga, on s'interroge sur ce fugitif plutôt inoffensif et on se demande pourquoi malgré une lecture agréable tout le monde en dit tant de bien, puis à la page 120 après une certaine révélation, la lecture s'emballe et le temps est aboli jusqu'à la toute dernière phrase.
Ce livre est un questionnement sur la civilisation : nous rend-elle plus humain ou fait-elle de nous des pantins déshumanisés incapables de réfléchir par nous- mêmes.
Une chose est sûre je suis tombée sous le charme de la plume d'Andreï Makine et si ce ne sont plus les îles Chantars, je visiterais d'autres coins de Russie et d'autres époques avec plaisir grâce à lui. Merci pour un si beau livre.
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Andreï Makine, nouveau membre de L'Académie Française, nous offre avec « L'Archipel d'une autre vie » un magnifique roman. Avec un grand talent il nous entraine dans une grande aventure dans sa Sibérie natale.

Nous sommes dans les années 1970 en Sibérie extrême-orientale, un jeune garçon rencontre Pavel Gartsev. Cet homme va commencer à lui raconter son histoire.

Flashback !

Nous sommes en 1952, l'URSS de Staline se prépare à une possible guerre atomique. Cinq soldats dont Pavel sont envoyés à la poursuite d'un évadé du Goulag. Commence alors une longue chasse à l'homme dans la taïga Russe. Dans cette nature hostile, les hommes, de plus en plus épuisés par cette battue d'un fugitif qui les tient toujours à distance, vont révéler leur réelle personnalité. Lorsque Pavel réussira à le rejoindre et connaîtra qui est l'évadé, sa vie ne sera plus la même.

Dans ce décor hostile mais magnifique, l'homme prendra conscience de la violence de notre monde et se rendra compte qu'il est du mauvais côté. Andreï Makine, car c'est bien lui le jeune garçon qui recueille le témoignage de Gartsev, nous envoie un message : arrêtez la violence, les armes, les fanatismes, les pollutions, regardé notre terre, il y a une autre façon de vivre.

L'écriture de Makine est magnifique, le style est vivace. L'auteur nous transmet son amour pour sa Sibérie et son inquiétude pour notre monde. L'histoire vous tient jusqu'à la dernière page. Un roman qu'on dévore.
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Les quelques livres que j'ai déjà lus d'Andreï Makine m'amènent à la conclusion suivante : il est explorateur !
Explorateur des mots, de la phrase habilement troussée, mais surtout de l'âme humaine, de la vie même.
J'avais tout particulièrement apprécié le livre des brèves amours éternelles, des nouvelles d'une universalité et d'une sensibilité rares. Son archipel d'une autre vie m'a entrainée dans ce que j'appellerais volontiers un western sibérien, rythmé, prenant, et magnifiquement écrit. Une réussite !

L'intérêt de ce roman est double. Certes, c'est un formidable roman d'aventure au coeur de la taïga russe extrême-orientale, c'est aussi et avant tout une quête existentielle - le tout se déroulant principalement à la fin de l'époque stalinienne, dans les années cinquante.
La traque d'un fugitif dans une nature hostile va permettre à cinq soldats de dévoiler leurs vrais visages et d'aller pour certains loin, très loin, au point de se remettre totalement en question.

Dénoncer bêtise et violence humaine, faire prendre conscience de la beauté mais aussi de la fragilité de la nature, éprouver la résistance humaine…pour donner à voir la possibilité d'une autre vision de la vie.

« Les semaines passées dans la taïga m'avaient appris un savoir-faire plus instinctif, débarrassé des raisonnements peureux qui retardent l'action. » 
« Je n'aurais jamais cru que l'homme avait besoin de si peu. »
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Voici un roman d'aventure et de passion, une histoire rude et puissante, une marche forcée dans la taïga mâtinée de forts accents politiques.
Aux confins de la Sibérie extrême orientale, nous faisons connaissance avec un étrange "homme à capuche", un certain Pavel Gartsev.
En 1952, ce vétéran de la guerre, alors âgé de 27 ans, ayant connu une désillusion amoureuse se trouve enrôlé par le comité militaire pour un stage des plus curieux.
Les autorités Russes anticipent la 3° guerre mondiale..
Ils ont choisi ce lieu, pas loin du Pacifique pour effectuer une simulation, soumettant ces jeunes gens aux séances de tir obligatoires, à des marches forcées dans de lourdes combinaisons.

Pavel exécute une mission étrange en compagnie des camarades : Ratinsky, Boutov, Vassine, Louskass et le chien Almaz.
Cette patrouille doit mettre la main au plus vite sur un évadé, agent occidental?, ancien soldat nazi? Echappé d'un camp de prisonniers armé d'un fusil ......
Cette traque prendra un tour tout à fait inattendu mais ....n'en disons pas plus....
L'auteur a l'art d'installer la situation, le talent de brouiller les pistes, de plonger le lecteur dans ce décor hostile , oú brusquement des surprises peuvent survenir ...
Une chasse à l'image d'une bête traquée , poursuivie sans relâche , haletante......
Au total, un superbe récit de voyage oú les sentiments dominent la prédation, une histoire d'amour touchante et inattendue, un bel hommage à la taïga : nature brutale, froide, puissante , prenante.
Une exploration des émois et des tréfonds de l'âme humaine aux confins de l'Union Soviétique dans les années 50 , à un moment où le " communisme vieillissant " connaît un certain déclin........

Un bien belle découverte de la rentrée littéraire que l'on pourrait qualifier :"l'individu qui voulait être proie"........
Merci infiniment à mes ami(e)s de la bibliothèque de Pierrefitte
qui m'ont proposé ce beau livre !
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critiques presse (6)
LaPresse
04 octobre 2016
Makine compose une superbe fable qui met en lumière la nature profonde des gens lorsqu'ils sont privés de leurs repères.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lexpress
03 octobre 2016
Un puissant récit d'aventures métaphysique.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
16 septembre 2016
Andreï Makine superpose roman d'aventure et quête métaphysique en explorant les confins de l'Union soviétique des années 1950.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
06 septembre 2016
Une puissante histoire de traque dans la taïga aux accents politiques. L'Archipel d'une autre vie, par Andreï Makine, un de nos coups de coeur de la rentrée littéraire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
05 septembre 2016
Avec L'Archipel d'une autre vie, l'auteur livre plus qu'un récit survivaliste haletant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeJournaldeQuebec
22 août 2016
Élu depuis peu à l’Académie française, Andreï Makine continue à explorer les tréfonds de l’âme humaine avec élégance en nous offrant une mystérieuse chasse à l’homme.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (227) Voir plus Ajouter une citation
Leur quotidien, rude et simple, ne visait aucun but édifiant. Il leur fallait trouver du bon mica pour les fenêtres de leur maison et, à l'arrivée des froids les plus âpres, installer le « double vitrage », découpé dans des plaques de glace. Quand les cartouches manquaient, ils chassaient à l'arc et Gartsez finit par préférer ce tir insonore. À marée basse, les poissons piégés au milieu des rochers étaient faciles à prendre et la forêt, à l'automne, débordait de baies. Elkan préparait ce qui leur servait de pain : pâtés composés de graminées, de champignons séchés, de plantules de conifères…
Je me souviens qu'en parlant de cette vie Gartsev me confia, avec un étonnement souriant : « Je n'aurais jamais cru que l'homme ait besoin de si peu. »
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Les sujets de conversation variaient peu : épouses revêches, véritables boulets qui nous gâchaient la vie, et, à l'opposé, amantes d'une nuit, qui rendaient au monde sa vraie saveur. On évoquait aussi les exploits guerriers – par le décompte d'ennemis tués. Et les avantages comparés des métiers et des salaires. Et, pour quelques veinards, la possession d'une voiture. À quoi s'ajoutait la préférence pour une équipe de football… Une telle échelle de valeurs ne suscitait de doutes chez personne.
Oui, Svéta m'avait libéré de cette vie-là ! Je me souvenais de mes projets amoureux, de ma jalousie… Désormais, dans ce théâtre d'ombres régnait un silence débarrassé de tout mensonge.
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Autour, c'étaient les bombes, la crasse, le sang. Et moi avec plein d'éclats dans le ventre. J'étais en train de mourir, le médecin ne me le cachait pas… Soudain cette petite blouse blanche ! Je la regardais et je me disais : “Ça doit être pareil au paradis, on voit un visage, en est heureux, on n'as plus besoin de rien…” Et puis, j'ai guéri et… De nouveau, j'ai eu besoin de plein de choses. Argent, grades, bouffe, femmes. L'infirmière, je l'ai épousée…
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La révélation déchiqueta l'image de victime que je m'étais fabriquée. La vie était bien plus tortueuse. Ses masques grimaçaient, changeaient de caractère, un drame révolutionnaire se muait en une farce de cocuage. Étais-je l'enfant de communistes convaincus tombés sous le coup d'un terroriste ? Ou bien le fils d'un coureur de jupons durement châtié ?
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Boutov se figea, tel un taureau sur le point de charger, le rouge montant à son cou. Leur face-à-face, en quelques secondes, révéla la détestation réciproque que pouvaient ressentir un officier ayant vécu le feu des combats et un responsable du contre-espionnage furetant dans les états-majors.
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Videos de Andreï Makine (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Andreï Makine
Augustin Trapenard reçoit Andreï Makine, écrivain, académicien, pour "L'Ancien Calendrier d'un amour", édité chez Grasset. Ce titre énigmatique fait référence à une "parenthèse enchantée" pendant laquelle Valdas et sa bien aimée peuvent vivre "en dehors de la comédie humaine" entre l'ancien calendrier de la Russie et le nouveau.  En effet, le livre raconte l'histoire d'un jeune aristocrate russe embarqué dans le tourbillon de la révolution de 1917 qui finira sa vie en France. L'homme fera l'expérience de l'amour et ne cessera jamais d'oublier celle qu'il a aimé. Son histoire c'est aussi l'histoire d'un exil, un exil qui rappelle celui connu par l'auteur. 

Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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