Gabriel Osmonde, dont on connaît désormais la « véritable » identité (1), a publié à ce jour une tétralogie dont le premier roman s'intitule
le voyage d'une femme qui n'avait plus peur de vieillir. Cet écrit inaugure un travail qui s'annonce de longue haleine, sur la quête du sens de la vie et le faire avec le temps qui passe, temps qui subit « une torsion organique » (p. 83) selon l'écrivain. Osmonde prend de la distance avec la philosophie largement abordée dans ce roman et les suivants et propose une « façon de faire de sa vie un objet de réflexion pour souffrir moins » (p. 139).
Laura Baroncelli est une femme vieillissante, veuve, mère d'une jeune femme qui lui est étrangère et elle souhaite se donner la mort. Beaucoup de personnages osmondiens ont cette idée en tête car leur vie est insupportable. Une empreinte de pas aperçue au dernier moment alors qu'elle est déjà installée dans sa baignoire pour commettre le geste fatal va attiser sa curiosité et retarder de quelques heures sa décision. Quel homme a marché pieds nus à son insu dans « la galerie des glaces », appelée ainsi car y sont déposés des miroirs, des robinets … ? Normal, Laura et son mari tenaient un magasin de sanitaires. Comment a-t-elle pu devenir commerçante en robinetterie, elle qui, à la fin des années 60 était une fervente militante et une studieuse étudiante en philosophie ? Apparemment, une tentative de viol suivie d'une rencontre avec un bellâtre portant des mocassins. S'ensuit une intrigue digne d'un roman policier et à l'issue surprenante.
Osmonde interroge la relation à l'autre et les limites de la parole : « Elle l'écoutait et pensait à l'infinie difficulté de dire l'essentiel à l'autre » (p. 19) ou bien « Est-ce que nommer une chose la rend moins pénible ou au contraire plus obsédante ? » (p. 36). Il s'agirait de penser plutôt par paradoxes et le chapitre 3 y est entièrement consacré. Cette phrase inaugure d'ailleurs ce chapitre très important : « Une fois les limites extrêmes d'un évènement ou d'un être tracées (l'enfer et le paradis qu'on peut attendre d'eux), on est garanti contre la douleur et la joie trop grandes, on est à l'abri des déceptions, des espoirs fébriles, des extases qu'on n'aurait pas le courage de partager » (p.94).
Il est aussi beaucoup question du mystère féminin, omniprésent dans ces quatre premiers volumes osmondiens et de la signification de l'amour. Il y a cette très belle phrase (p. 271) : « Seul le regard d'un homme qui aime reflète véritablement la beauté d'une femme, tous les autres miroirs sont déformants ». Nous retrouvons quasiment la même phrase à la toute fin d'
Une femme aimée d'
Andreï Makine (2).
Prochain épisode :
Les 20 000 femmes de la vie d'un homme (3).
(1)cf l'article du blog
Une femme aimée et les entretiens suivants :
-
Andreï Makine alias
Gabriel Osmonde, entretien mené par Antoine Perraud, Mediapart, Paris, janvier 2013
-Brève(s) rencontre(s) avec
Andreï Makine, entretien mené par
Christine Siméone, France Inter, janvier 2013. Trois auditeurs dont moi-même ont eu la chance d'interviewer
Andreï Makine.
(2)
Andreï Makine,
Une femme aimée, édition du Seuil, 2013
(3)
Gabriel Osmonde,
Les 20 000 femmes de la vie d'un homme, Albin Michel, 2004
Lien :
http://liresortiraparisetail..