Le Groenland, version noire, acte trois.
Mo Malø sait décidément varier les plaisirs, les ambiances. Ce troisième épisode des aventures du chef de la police locale,
Qaanaaq Adriensen, est à la fois dans la lignée des précédents, tout en marquant sa réelle singularité. On ne tourne clairement pas en rond sur la glace.
Autre rythme, autre histoire. Après avoir parlé de la situation énergétique et politique du pays dans
Qaanaaq, et de la dégradation de l'environnement dans diskø, ce roman-là est clairement tourné vers les traditions.
Et comme l'écrivain, aux multiples talents et visages, ne fait jamais vraiment les choses comme les autres, il développe cette thématique à travers la jeunesse. Choc des générations, dans le pays où le suicide des jeunes est le plus élevé au monde.
Il en est de même pour la manière de conter l'histoire. Là où le premier roman privilégiait l'ambiance, le deuxième mettait davantage l'accent sur le rythme, celui-ci est clairement axé sur l'humain.
La série, et surtout les personnages, deviennent des familiers, prennent toujours plus d'épaisseur. Et pas seulement l'homme titre, mais aussi ses acolytes, une mention spéciale à son adjoint et à la légiste.
Qaanaaq Adriensen n'est pas du genre facile à apprivoiser et ne se livre pas aisément. Mais, cette fois-ci, ses émotions débordent des pages.
Immersion totale dans la vie des adolescents désoeuvrés de cet immense contrée, personnage à elle-seule, d'à peine 56 000 habitants. Et dans celle des protagonistes, touchés dans leur intimité.
C'est un vrai voyage auquel nous convie Mo Malø. On en prend plein les yeux, la perte de repères est forte pour nous européens continentaux. Mais c'est aussi une errance dans ce qui fait le socle du pays, racontée de manière particulièrement moderne.
L'intrigue est noire, profondément malsaine, diablement retorse. Certaines scènes sont violentes, surtout psychologiquement, et beaucoup sont proprement ahurissantes. Il n'y a bien qu'un passage que j'ai trouvé too much et franchement dispensable, mais en dehors de celui-ci on lit ce récit les yeux grands ouverts.
Mo Malø, alias de Fred Mars, est allé sur place en 2019, pour se plonger dans le bain et toucher du doigt ce qu'il nous raconte depuis trois ans. L'immersion pour le lecteur était déjà forte par le passé, mais je ressens que son séjour sur place à donné encore davantage de corps aux coeurs qui y battent. Et cette plongée dans les traditions, y compris les plus bizarres, est étonnante, vibrante et passionnante à suivre.
Du vrai Noir sur fond blanc, des personnages attachants et malmenés, une écriture singulière et immersive. Voilà un troisième tome des aventures groenlandaises de Mo Malø qui rend cette série incontournable, pour ceux qui aiment ces ambiances-là.
Nuuk, un violent coup sur la nuque, et on en redemande.
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