Ouvrage admirable écrit comme un témoignage de l'absurdité et des dérives de l'antisémitisme à travers les siècles. C'est un symbole très fort de ce qui s'est passé il n'y a pas si longtemps et j'adresse mes pensées les plus émues à toutes ces personnes qui ont été victimes de persécutions.
Publié en 1966, couronné par le National Book Award américain et par le Pulitzer, issu de l'histoire vraie de Menahem Mendel Bellis, c'est l'histoire terrifiante du « Réparateur » Yakov Bok , emprisonné arbitrairement et victime d'une machination l'accusant du meurtre rituel d'un enfant russe et chrétien dans le but de récupérer son sang pour l'utiliser dans la confection des matsot (galettes de pain azyme) pour la fête de Pessah (Pâque juive).
Je suis sortie abasourdie devant tant de cruautés mentales et physiques.
Bernard Malamud dissèque cette haine viscérale du juif, ces comportements pervers, cet antisémitisme gangrenant une grande partie de l'Europe de l'Est et qui mènera ce peuple jusqu'à la Solution Finale.
Dès l'enfermement, confronté à tout ce sentiment d'injustice et d'impuissance, j'ai fait le rapprochement avec le capitaine Dreyfus. D'ailleurs page 293, son avocat lui dit « Si vous vous sentez découragé, pensez à Dreyfus. Il est passé par les mêmes épreuves avec scénario en français. Nous sommes persécutés dans les langues les plus civilisées ».
Ce qui est le plus fascinant, c'est la plume de
Bernard Malamud qui analyse avec beaucoup d'acuité et de sensibilité l'évolution psychologique de Yakov Bok sans oublier bien sur, de raconter tout sur le déni du droit de la défense dans ces périodes de régime autocratique. le lecteur en reste médusé. La mécanique mise en place vise à tuer dans l'oeuf tout mouvement de révolte, toute velléité de résistance, la description en est époustouflante. On pourrait penser à du vécu. Mais derrière ce roman, il y a une dénonciation et une analyse politique très fine.
Yakov Bok est passionné de philosophie qu'il a découverte à la lecture de
Spinoza et c'est en se remémorant ses écrits que Yakov parviendra à ne pas sombrer dans la folie pendant ces deux années et demie terribles de prison.
Il sera soumis à toutes les humiliations, tous les sévices corporels, jusqu'à l'enchainement au fer pour obtenir de lui, dans l'attente de son procès, les aveux de sa culpabilité avec la complicité de toute la communauté juive, entrainant ainsi tous ses coreligionnaires avec lui. le pouvoir ira jusqu'à le menacer du déclenchement d'un pogrom dont il devra porter la responsabilité.
Le ciel va s'éclaircir légèrement lorsque Yakov rencontrera un juge d'instruction, Boris Alexandrovitch BiBikov, qui sera très vite persuadé de la supercherie et mènera une enquête à décharge. Ce pauvre Bibikov sera suicidé.
La haine antisémite est poussée jusqu'à l'absurdité dans une société farcie de superstitions et de mysticisme. Les Cent-Noirs (mouvement extrême droite antisémite) peuvent ainsi susciter chez la foule la plus ignorante et la plus brutale une haine sans limite, sans discernement, du juif. Sans compter que d'assassiner les juifs avec l'assentiment du Pouvoir arrange bien les politiques.
Le lecteur se sent enfermé avec Yakov du fait de la puissance de la narration de
Bernard Malamud. C'est un vrai cauchemar, on participe à sa solitude, à ses périodes de dépression, à sa peur, aux menaces, aux fouilles, aux bruits des verrous de la porte de sa cellule, au froid, à la maladie, à la malnutrition, à la crasse, à la puanteur. Rien ne lui sera épargné.
C'est un très grand roman dont je suis sortie oppressée mais qui devrait éveiller les consciences mais de cela je n'en suis pas certaine.
Un grand merci à notre amie Bookycooky qui nous conseille des pépites !