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EAN : 9782752904256
560 pages
Phébus (15/10/2009)
4.09/5   29 notes
Résumé :
Jean Malaquais travailla jusqu'à sa mort en 1998 à la révision du texte de ce roman publié en 1947 dans l'indifférence totale - et que ses admirateurs considèrent clairement comme son plus grand livre. Norman Mailer, dans sa préface, insiste sur les raisons du malentendu : Malaquais s'est toujours arrangé pour avoir un demi-siècle d'avance sur la sensibilité de son temps. Conclusion : il est peut-être temps de le lire. Nous sommes à Marseille au début des années 40.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
J'ai découvert ce livre il y a deux ans, et je l'ai lu au galop, happée par le destin sans répit des personnages. Voyant bien qu'il y avait des merveilles dans tous les détours de ce texte, mais trop impatiente de connaître les dénouements – autant que de personnages – pour m'y attarder. Je le relis, c'est une nouvelle découverte, d'une richesse qui se dévoile à chaque page.

Comme « Suite française » est le livre qui dit la débâcle et l'exode, comme « Vie et Destin » est un regard immense sur la Russie et l'Allemagne au moment de la bataille de Stalingrad, « Planète sans visa » est le roman qui montre ce que fut le régime de Vichy en zone non occupée, dans toutes ses composantes, ses médiocrités, ses bassesses et ses héroïsmes. Monument qui explore ce dont l'homme est capable quand ses conditions de vie sortent du quotidien ordinaire, quand ses repères et ses certitudes tremblent sur leurs bases et sont mis à mal.

Marseille en 1942, est devenue l'escale de réfugiés de toutes les origines. Escale dans le meilleur des cas, car quitter Marseille et le sol français n'est pas donné à tous. Est donné à très peu, en fait. Marseille, comme une nasse sans issue.
Malaquais s'attache à un grand nombre de personnages, certains Marseillais pure souche, d'autres, représentants du régime de Vichy, et beaucoup échoués là par le jeu, souvent cruel, des circonstances. Petit à petit, on va découvrir les liens qui existent, accointances volontaires ou emprises imposées, entre les multiples acteurs de ce théâtre à l'échelle de la ville.

Faisant connaissance aux premières pages de Jules Garrigue, cafetier, comment ne pas supposer que Jean Dutourd s'en est inspiré pour créer son Poissonard, le crémier d'« Au Bon Beurre » ? le même esprit franchouillard et étriqué, la même cupidité qui conduit aux pires comportements. On voudrait croire qu'il s'agit d'une caricature. Mais tous les caractères que l'on découvre dans ce livre, semblent décrits dans un excès de traits. Malaquais n'y va pas avec le dos de la cuillère quand il plante ses personnages et décrit leurs comportements. Sa dérision n'épargne personne, même pas les innocents, victimes des règlements antisémites. Mais ceux-là en deviennent tellement innocents et tellement victimes qu'on en reste bouleversé.

Jules Garrigue n'est qu'une figure parmi d'autres, dans cette planète marseillaise pas encore occupée par les Allemands, mais sous administration vichyste : juteux marché noir, combines, opportunismes, ambitions dévoyées, côtoient des droitures et des courages de tous les âges.
Dont ceux qui tentent de fabriquer de faux visas pour les désespérés qui veulent fuir le territoire. Ou qui prennent le risque d'avertir les Juifs de la rafle projetée pour faire honneur à Pétain qui annonce sa visite.

Tous n'y échapperont pas. La description de l'arrestation de deux familles est d'une telle force que les images naissent entre les lignes. En quelques pages, Malaquais juxtapose la bêtise brute des agents français qui font irruption dans la nuit, la réticence de certains concierges à indiquer les appartements, l'empressement servile et immonde d'autres à indiquer les bonnes portes, l'incrédulité terrifiée de ceux que l'on vient chercher et leurs tentatives timides de présenter leurs papiers, espérant encore qu'un simple contrôle donnera satisfaction, la curiosité des voisins qui assistent à la violence des arrestations et qui, pour certains, s'en montrent révoltés. Ce chapitre IX est d'une puissance réaliste quasiment insoutenable.

La deuxième partie du roman oblige à des allées et venues entre Marseille et Paris : un groupe de résistants, jeunes pour la plupart, français ou étrangers fuyant la Russie et son régime stalinien, se font piéger dans un chantage insupportable : dénonciation du réseau contre vie sauve du père de l'un d'eux, marxiste russe rescapé des geôles de Staline, dont les convictions communistes inébranlables ne peuvent plaire à la Gestapo.

Se retrouvent dans cette partie, un peu de « L'armée des ombres » pour les dilemmes déchirants que la survie d'un réseau impose, et un peu de « Vie et destin » avec le constat que les totalitarismes nazi et stalinien n'ont rien à s'envier dans leurs méthodes de répression.

Tous les personnages ont une épaisseur réelle, au moral comme au physique. Il n'est pas difficile de leur donner chair et âme, en lisant leurs faits et gestes, en les écoutant penser. Si les « bons » le sont parfois avec excès, les « méchants » conservent aussi une part d'humanité, des faiblesses, une faille, qui font vaciller le jugement que l'on pensait définitif à leur endroit.

La force du texte de Malaquais réside dans son style : à première vue, familier, simple, mais fabuleusement riche du langage populaire, argotique, et des expressions de la région marseillaise. Riche incroyablement de cette verve des rues, qui ne s'encombre pas de syntaxe et qui fait pourtant une littérature magnifique, vivante, pleine de couleurs, d'accidents savoureux, d'accents divers, d'une langue orale que l'auteur adapte à chacun de ses personnages, en fonction de son caractère, son origine et son éducation. C'est sans doute l'auteur lui-même qui définit le mieux son écriture quand il évoque l'éloquence de l'un de ses héros : « … (il) dit comme s'il mettait l'objet de sa narration dans la main de qui l'écoute et lui en faisait éprouver la matière. Il y a une vertu tactile dans son art de conter, et une mordacité très particulière, qui pourtant ne tient pas de la médisance. »
Pas de médisance, non : une dérision d'une lucidité impitoyable ou d'une infinie tendresse.

Et puis par instants des notations magnifiques qui immergent le lecteur dans le temps et l'heure de l'histoire : « le jour baissait quand le tonnerre essaya d'entamer le ciel d'ardoise au-dessus des toits de « l'Evêché ». Il y eut un énorme bruit d'éclatement qui n'entama pas la moindre lamelle à la voûte de schiste, puis se perdit par degrés au fond d'un dédale de gradins et de galeries sonores. Une atmosphère d'étuve vernissait la pierre, elle en exprimait l'âme et l'étalait au pinceau. »

Ecrivain exigeant qui répondait à son ami Norman Mailer, auteur de la préface : « je suis incapable d'être autre chose qu'écrivain. Parce que le seul moyen que j'ai de savoir si une chose est vraie, c'est de la sentir bouger à la pointe de ma plume. »




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Je me sens obligé de sortir de ma réserve habituelle concernant les oeuvres de fiction pour vous parler de ce roman, que personne ne semble avoir lu ici-bas, ce qui est absolument triste.

A cette époque de réseaux et d'encyclopédies en ligne, je ne prendrais pas le temps de vous parler de Jean Malaquais, une rapide recherche documentaire via les moyens informatiques dont nous disposons tous suffira amplement à vous forger une idée du personnage.

Et maintenant, voici Marseille ! Marseille en 1942, sous le contrôle du gouvernement de Vichy, en "Zone libre" donc, avant que les autorités allemandes (et italiennes) ne se décident à occuper le territoire, suite au débarquement allié en Afrique du Nord. Marseille, goulot d'étranglement pour tout ceux qui cherchent à se barrer de cette Europe transformée en gigantesque coupe-gorge par une bande de barbares en uniformes. Se côtoient donc, dans une promiscuité étouffante, les locaux, comme échappés d'un roman de Pagnol, qui vivotent comme ils le peuvent en ces périodes de pénuries (plus de pastis !) et toute une faune interlope de juifs fuyant les rafles et d'opposants politiques fuyant la Gestapo et/ou le NKVD, qui végètent dans l'attente d'obtenir un visa de sortie. Je vous laisse imaginer ce qui peut fleurir dans un terreau pareil : crapules opportunistes, policiers louvoyants, indicateurs visqueux, combattants de l'ombre, fonctionnaires carriéristes, bref, une joyeuse bouillabaisse de poissons moyennement frais...

Du coup, on s'attend à l'habituel récit des bassesses humaines, qui renaissent spontanément dans ce genre de contextes. Mais ce n'est pas le plat que l'on sert là, même si les ingrédients sont là. Car les multiples personnages dont nous allons suivre les pérégrinations sont bien plus ambigus que ce que l'on pourrait s'imaginer. S'inspirant très souvent de personnes réelles, Malaquais nous entraine dans un univers peu manichéen, même si les crapules y sont légions, et nous rapproche au plus près possible du monde tel qu'il est perçu par les individus concernés, ce qui particulièrement bien rendu par le parti-pris littéraire qu'il a choisi. En effet, dans ce récit choral, pour chaque protagoniste, nous aurons le droit à un style d'écriture bien spécifique. Si nous suivons une petite frappe imbue d'elle-même, légionnaire du SOL, gouailleur comme c'est pas permis, çà va causer "popu", çà va l'ouvrir à tout-bout-de-champ, et çà va pas être finaud-finaud dans ses réflexions. Et si nous suivons un vieux révolutionnaire russe désabusé, avatar fictionnel de Victor Serge, vas-y que je te pratique la dialectique, que je ressasse mes déception politiques, que je me complet dans mon personnage un brin mythique de "celui qui as participé à 1917". Et ainsi de suite, pour une quinzaine de personnage.

Comme le mentionne à juste titre le quatrième de couverture, on est donc dans une approche qui est autant réaliste que lyrique. On retrouve dans ce roman à la fois une représentation fidèle de certains lieux et de certains personnages emblématiques de cette période historique (même si les noms ont été changés) et une approche résolument humaniste de ces personnages, qui s'attache à éclairer avec une grande finesse la réalité vécue par ceux qui se retrouvent contraint de vivre dans ces situations troubles, et qui nous conduit, de fait, à développer de la sympathie aussi bien pour un haut-fonctionnaire de Vichy issu de la grande bourgeoisie aristocratique française, que pour un jeune résistant trotskyste idéaliste issus du prolétariat russe.

Un récit subtilement immersif, signifiant, véritable réflexion sur les implications humaines de ce genre de situation historique, dans un Marseille dont nous n'aurons que les visions subjectives de ceux qui y vivent, et qui finalement, ne sera qu'une scène discrète pour les petites et grandes tragédies qui s'y trament. Je recommande chaudement ce roman à ceux qui aiment autant l'humanité qu'ils la haïssent. Vous l'aimerez et la haïrez d'autant plus.
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Il s'agit d'un roman choral puissant écrit en exil entre 1942 et 1947 par Jean Malaquais, qui ne se fixe rien moins comme objectif que de raconter la France de 1942, juste avant l'invasion de la zone non occupée par les Allemands. Une époque où pour ceux qui n'ont d'autre choix que l'exil, on peut encore espérer passer entre les mailles du filet. Belle ambition, donc, et parfaitement aboutie.

Basé à Marseille, grand port de départ vers l'inconnu et de petites magouilles, avec son satellite le camp des Miles, s'exportant à Paris, Vichy et sur la frontière espagnole, le roman entrecroise de multiples destins, ceux des petits comme des puissants et des profiteurs, des humiliés comme de ceux qui croient être du côté de la victoire, des révoltés comme des collaborateurs, des traqués comme des policiers, mouchards et autres gardes-chiourme, des apatrides comme des nationalistes. Toute l'humanité est là, vit, s'active, se cache, se démène, réfléchit , aime.....

Sans refuser le pathétique et le lyrisme, s'accompagnant d'humour et d 'ironie, empreint d'humanité, Jean Malaquais nous donne à voir tous les membres de cette société déboussolée, leurs petites et grandes vilenies, leurs bonheurs et leurs courages, leurs majestueuses élégances.

Jean Malaquais est un romancier expert, tout à la fois intelligent et bon, maitrisant un récit démultiplié, plein de rebondissements, de digressions, de détours, tout cela sans (trop perdre son lecteur (à qui je recommande cependant de bien se concentrer dès le début). Il y met une prose éblouissante d'inventivité, unique, splendide. C'est bluffant.

Planète sans visa fait partie de ces rares romans qu'on lit avec ses tripes, son cerveau et son coeur, se demandant perpétuellement comment on a pu ignorer son existence jusque-là, comment il se fait que ce n'est pas un classique. C'est l'oeuvre d'un écrivain singulier, fascinant, un roman déchirant de beauté, qu'il serait bien dommage d'ignorer plus longtemps.
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Pourquoi ressortir ce vieux roman ? Il évoque le Marseille de 40-45 , lieu de convergence de tous les réfugiés de l Europe envahie par les nazis qui espèrent fuir les persécutions et une mort certaine et surtout pcq il nous parle de Varian Fry

,Le roman -biographie concernant cet homme singulier signé Julie Orringer était dans ma pile à lire « the flight porfolio « , je découvre qu il est ,non traduit en français , donc difficile de vous en parler ici , je mets donc « Planète sans visa « à sa place .

Mon intérêt pour le titre de Orringer avait été ravivé après avoir découvert par hasard ( suite à une critique dans un journal )la chouette série “transatlantic “ sur Netflix ,retraçant la vie de l américain Varian Fry qui organisa la fuite de nombreux intellectuels et artistes hors de l Europe occupée par les Nazis
Tout cela me donne l envie de lire cet autre roman sur le même sujet écrit par un français .

C est dans le courrier des lecteurs de la critique du New York TImes de « the flight portfolio “qu un lecteur américain cite cet ouvrage un peu oublié en français sur le même sujet , bingo !je le trouve car encore édité par Phoebus qui trouve des trésors
Je m aperçois que des babeliens ont lu et apprécié le roman de Jean Malaquais

Eh oui , contrairement à ce que pensait ila critique du roman CYnthia Ozick , Varian Fry était bien un « closet homosexual « c est son fils qui l affirmé dans ce même courrier des lecteurs ,
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Marseille, 1942, quelques mois avant l'invasion de la zone libre par les Allemands. L'occupant est loin, mais la ville n'en est pas moins sous la férule d'un despote, le régime collaborationniste de Vichy. Vers Marseille ont convergé des réfugiés des quatre coins de l'Europe, fuyant la tyrannie, l'oppression et la guerre, et espérant décrocher le visa de sortie qui leur permettra d'embarquer sur un de ces cargos en partance pour la liberté et la paix. Parmi eux, un révolutionnaire bolchevique de la première heure qui a connu les camps staliniens, un républicain espagnol, et surtout des juifs d'Europe de l'est, tous indésirables et en butte aux tracasseries et persécutions de la bureaucratie policière de Vichy.

Le roman fut publié en 1947 et ne fut pas beaucoup lu. Les Français voulaient oublier cette période récente de leur histoire. Ils ne voulaient pas se rappeler ces collaborateurs issus du peuple qui avaient profité de la situation pour prendre une revanche sociale. Ou ceux issus de la grande bourgeoisie, servant l'Etat français mais n'hésitant pas à trafiquer pour préserver leurs intérêts personnels. Ou encore ces policiers raflant les juifs sur ordre de la préfecture, avant la visite à Marseille du maréchal. Cet épisode, un des passages les plus saisissants du livre, se conclut sur ces lignes : « Les gens sur le trottoir regagnent un à un leur gîte, sentant peut-être qu'avec ce rapt une part d'eux-mêmes s'en va dans la nuit qui recouvre tant de terres hostiles, de fosses communes, de ravages innommables, et d'espoirs aussi, trop tenaces pour qu'aucune ignominie jamais n'en vienne à bout ».

L'espoir est représenté par ces anonymes luttant, chacun avec ses armes, contre le totalitarisme qui s'est abattu sur la France : intellectuels anti-fascistes, fabricants de faux papiers, arnaqueurs captant les capitaux destinés à la fuite vers l'étranger, passeurs, etc. Mais les motivations ne sont pas toujours pures, et la fin justifie des moyens parfois douteux : « Les grands salauds ont toujours leurs petites bontés, et les grands bonshommes ont toujours leurs petites saloperies du dimanche ». Les véritables héros sont rares dans la France de Vichy.

Jean Malaquais brosse un portrait sans concession de cette période trouble. Il met en scène une multitude de personnages dont les trajectoires se croisent. Il alterne descriptions réalistes, introspections psychologiques et évocations lyriques, utilisant tous les registres de la langue française qui vont du parler populaire à l'expression la plus précieuse, façon XVIIIe siècle. Une maîtrise sidérante chez cet écrivain, de son vrai nom Wladimir Malacki, Polonais, juif, qui n'apprit qu'à l'adolescence notre langue, alors qu'il était un jeune immigré. Cet autodidacte, acharné au travail, écrivit Planète sans visa de 1942 à 1947, au fil de sa fuite de Paris au Mexique, en passant par Marseille et l'Espagne, et le remania jusqu'à l'aube de sa mort en 1998, à l'âge de 90 ans. Un livre d'une lecture parfois difficile, mais d'une richesse incontestable. J'ai préféré pour ma part Les Javanais, prix Renaudot 1939, récit joyeux de la vie d'une colonie de métèques trimant dans une mine de Provence. le meilleur moyen d'entrer dans l'oeuvre de cet immense poète.

Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Il pensait que franquistes et nazis et staliniens et nippons n’étaient pas les seuls à haïr la vie, il y avait eu les Turcs prompts à égorger des Arméniens et les puritains à saigner des Peaux-Rouges et les papistes à occire des parpaillots et autres cathares, tous et chacun au nom du Père miséricordieux, lequel, ô bonté divine, livra son fils rédempteur au gibet et son peuple élu au couteau. Il pensa à ses soixante-dix ans révolus et qu’il était temps pour lui de fermer son guichet.

(p 137)
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Il savait à quoi s’en tenir, lui, Jules Garrigue. Il en a « donné » trois ou quatre, au petit bonheur, fallait bien ; donné pour en être quitte envers la Légion, elle qui vous cassait les nénettes avec son bla-bla sur l’anti-France. S’ils croient faire marcher le commerce avec leurs méthodes de mettre les consommateurs à l’ombre… Les uns parce que juifs, les autres parce que trop bavards, les troisièmes parce que gaullistes, tous parce que c’est la politique. Il soupira, étalant une couche de moutarde sur le gruyère. Les anti-France, si encore on se contentait de les cueillir chez eux au saut du lit. Mais non, il leur fallait des rafles dans les cafés, de bonnes maisons pourtant, jamais de tapage au « Fier Chasseur », jamais de bagarre.

(p 28)
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Il connaissait son histoire de France, Hirsch. Avant eux, avant l’invasion de ces Orientaux, il n’avait jamais entendu le mot « juif », sauf peut-être en relation avec une certaine affaire Dreyfus. (…) Il en voulait à ce Krantz blondasse comme un nazi, qui essuyait la morve au nez de ses rejetons : lui en voulait d’avoir femme et fils, d’être là, d’être tout court. Si au lieu de faire les avocats à Berlin, les docteurs à Paris, les commerçants n’importe où et les bolchevistes sous toutes les latitudes, ces Krantz étaient restés dans leurs Ukraines, leur Bukovines, le phylactère au front et la barbe dans la Thora, les Hirsch de France n’en seraient pas à courir comme des lapins de garenne avec du plomb au cul. Toute l’Europe était devenue une sorte de Bukovine, toute la terre une sorte d’Ukraine, et des juifs à chaque pas, avec le pogrom au ventre.
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Tout au plus la supposait-il modérément enthousiaste du nouveau régime, puisqu’aussi bien elle lui avait fourni plus d’indices qu’il n’était nécessaire. Certes, cela ne lui était pas particulièrement agréable, maintes fois elle avait pu constater son déplaisir trop visible, mais elle voyait bien qu’il ne prenait pas au tragique son non-conformisme. Les dames de ces messieurs, pour autant qu’elles se piquaient d’idées, avaient donc droit à celles de leurs seigneurs et maîtres, il comptait bien – Karen n’en doutait pas – qu’elle se conformerait à l’usage.
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Lui, ses vérités premières, il en avait eu l’illumination le jour déjà lointain où il avait lu dans Montaigne, son maître à penser depuis ses années de potache, « qu’il faut sobrement se mesler de juger des ordonnances divines », autrement dit que tu vives comme un porc ou un saint, inutile de te frapper puisque c’est mektoub d’avance et à perpète.
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