Je suis née 54 ans après le début de la guerre de 14-18 et pourtant….
Et pourtant, elle fait partie de mon passé, je porte souvent à mon doigt cette bague faite par un poilu, dans un fragment d'obus, et je revois encore ma grand-mère raconter l'histoire de sa maman allant voir une voyante pour savoir si son homme reviendrait des tranchées : « il reviendra, le père adoré ! » et ce fut vrai…
Pour d'autres, la suite fut plus cruelle et c'est cette histoire que nous conte avec justesse,
Christophe Malavoy. Enfant, errant dans la demeure familiale il trouve le pantalon garance, la montre à gousset et le portefeuille troué d'André, son grand-père inconnu. L'enfant d'alors essaie l'habit, l'adulte devenu, prend la plume et décrit avec justesse les derniers jours, et nous livre les ultimes pensées, quand sentant le corps affaiblit, l'âme dans un dernier sursaut se rappelle les moments heureux du passé.
Se mêlent alors le souvenir des dernières vacances, dans l'ombre fraiche de l'arbre, la douceur de la peau de sa femme, et l'attente avant le dernier combat, la peur de certains, les conditions de vie terrible, la cohabitation avec l'autre, l'ennemi, à peine à quelques mètres, dans la tranchée d'en face.
Et puis les dernières heures, couché au sol, sur un matelas de fortune, dans une église encombrée de corps mutilés, d'âmes souffrantes, avec pour réconfort, le prêtre et une jeune fille, perdus aussi devant tant de gâchis.
Avec pudeur,
Christophe Malavoy écrit, la lettre annonciatrice qui arrive et la douleur qui brise la femme jeune, celle dont le ventre rempli de vie, ne pourra plus partager avec André la quiétude de la vie.