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Critique de Ziliz


Ziliz
16 novembre 2013
Ce documentaire "engagé"... ou l'arbre qui cache la forêt.

Voilà une démarche admirable, courageuse : prendre un poste d'ouvrier quand on est journaliste, ceci pour pouvoir vilipender une grosse entreprise (Am@z*n en l'occurrence) en connaissance de cause, avec un argument de poids : "J'y étais ! J'ai connu l'enfer !". Une prise de risque énorme. Mais si, comparez à un reporter de guerre, ou aux démarches de Günter Wallraff (Tête de Turc) et de John Howard Griffin (Dans la peau d'un Noir).

L'intention est louable, certes. Mais ce genre d'ouvrage sur une entreprise en particulier éveille d'emblée ma méfiance : qui est derrière ? pour qui travaille l'auteur ? Car les critiques qu'il émet à l'égard du géant - qui n'en finit pas de grandir - sont applicables à bien d'autres entreprises et dans d'autres domaines. Exemples :

♦ La mort du petit commerce est amorcée depuis plusieurs décennies (alimentation, prêt-à-porter...). Voici venu le tour des librairies indépendantes, mais un autre géant (la F***) s'y emploie avec succès depuis une trentaine d'années. Il y a belle lurette que les disquaires ont disparu à cause de la grande distribution, par exemple...
♦ L'industrialisation pour produire et vendre en masse a débuté avec la Révolution industrielle, s'est particulièrement amplifiée depuis les Trente Glorieuses et ne cesse de se développer ; cela s'inscrit implacablement dans la logique d'une économie capitaliste.
♦ La pénibilité des postes, l'exploitation des employés, la précarité et la saisonnalité, le développement des CDD en France.
Ou, pire encore, en Asie, à la frontière mexicaine, etc. Ceci "grâce" aux délocalisations dans les pays où les conditions de travail sont moins (ou pas du tout) réglementées et les salaires plus bas (profit, profit !!).
Ceci est une réalité dans beaucoup d'usines, mais aussi dans la restauration, le transport routier, certaines entreprises de production agricole ou du bâtiment. Bien naïfs et privilégiés sont ceux qui l'apprennent en lisant ce livre.
♦ Ce management et ce fonctionnement à l'américaine seraient spécifiques à Am@z*n, à en croire l'ouvrage. Vilain Oncle Sam dont on suit quand même le modèle depuis plus d'un siècle, partout dans le monde. Subsiste-il encore de grandes différences "chez nous" ? Am@z*n est-il vraiment un cas à part ?
♦ le contournement des lois fiscales, la complicité du gouvernement...

Certaines indignations de l'auteur sont risibles tant elles sont ridicules :
• des vêtements sur un même site que des jouets, des appareils photos et... des livres, quelle honte !
--> quid des grandes surfaces depuis une quarantaine d'années ?
• les écrits aux opinions les plus extrêmes côte à côte dans les rayonnages et disponibles en ligne
--> quid des kiosques, points presse, bureaux de tabac où Charlie Hebdo jouxte Minute ?
• l'épuisement de l'employé après sa journée/nuit de travail, à tel point qu'il n'a plus l'énergie nécessaire pour lire les livres qu'il voit dans l'entrepôt et aimerait découvrir, ceux de Victor Hugo, par exemple - auteur dont il a appris l'existence en préparant des commandes (!!)
• la mauvaise ambiance (délation, rumeurs, cancaneries, mesquineries)
--> voici une caractéristique commune à tous les groupes humains, microcosmes professionnels ou autres.

Bref, la mauvaise foi de l'auteur et les exemples fallacieux ne manquent pas.
Am@z*n est certes condamnable à bien des égards, son opacité vis à vis de la presse en est l'une des multiples preuves, mais soyons lucides, ceci est loin d'être un cas unique.
Ce leader de la VPC, du e-commerce me semble faire figure ici de bouc émissaire, ce qui décrédibilise l'ouvrage, même si j'adhère au propos dans un contexte plus général.
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