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Critique de Bookycooky


Probablement l'Irak.
Malfatto ici nous esquisse un personnage de colonel qui arrive pour diriger une Section spéciale des troupes du nord et de la Reconquête, après la chute du Dictateur .
Qui sont ces troupes et qui est ce colonel ? Il a servi loyalement l'ancien régime, alors qu'est-ce-qu'il fait ici en mission spéciale, sur les vestiges de l'ancien régime ? C'est le “spécialiste”. Il survécut au changement de régime, aux purge, aux procès , parce qu'on ne pouvait pas se passer de son talent …”.
Très peu de mots, quelques pages on est déjà au coeur du sujet. Car si on a déjà lu les deux premiers livres de l'écrivaine et on sait qu'elle a travaillé comme journaliste et photographe dans les lieux où ils se passent, et on repère les indices qu'elle sème dans le texte ( « La Longue Guerre » faisant probablement référence à la guerre Iran-Irak) , on est déjà dans le bain, du moins je le suis 😊.
«  le colonel a oublié le moment exact où il a cessé de dormir. ».
L'homme est condamné à perpétuité. le juge qui a signé sa condamnation n'est autre que sa propre conscience écrasée sous le poids de ses crimes. Que faire ? Arrêter ? Mais il ne sait que faire cela , «  était-ce inscrit dans sa destinée » ?
Malfatto donne un aperçu concis mais profond , auréolé d'une poésie infinie adoucissant l'image brute, de ces hommes appelés criminels de guerre, qui obéissent aux ordres les yeux fermés et semblent dépourvus de conscience . Tuer, torturer, faire du mal semblent le lot de leur quotidien, pourtant chez quelques uns apparemment subsiste un lambeau d'âme, et c'est ce lambeau qui empêche le colonel de dormir. Éveillé, il rêve de ses crimes,
« ta présence glacée dans mon lit où les
couvertures
sont trop courtes
pour
nous tous …
vous mes victimes et moi ça fait
beaucoup de monde
pour une seule couverture »
Et pourtant continue son “travail”, et en parlant de ce « travail », Malfatto nous écorche l'âme avec les réflexions du colonel sur le fond de la nature humaine, les pensées et peurs de son ordonnance qui craint qu'il n'y aurait pas de comme avant. Car le “travail” s'agit de tirer des renseignements d'un être humain qu'il coupe, taille et sectionne…..Un être humain nommé simplement “la chose”, un mot qui définit à lui seul la nature du “travail”. Lisant beaucoup de littérature de cette partie du monde et sud-américaine je suis familière avec ce «  travail » donc du déjà maintes fois lu, pourtant les mots de Malfatto me sont allés droit au coeur. Photographe elle se manifeste avec les couleurs où dans cette atmosphère de combats et de tueries le monde devient de plus en plus monochrome , uniformément gris, seul de l'ordonnance et «  des choses » semblent se détacher quelques couleurs, des joues rosées au matin, et pour les « choses » ,parfois du rouge, du bleu, du jaune éclater de leurs visages détruits, terrible mais sublime ! Récemment un ami babeliote demandait si on lisait pour le fond ou la forme, qui pour moi vont de paire, mais les fonds étant souvent des sujets déjà traités, c'est la qualité et l'originalité de la forme qui devient déterminante, et c'est le cas ici. La littérature est un moyen pour éclairer le côté invisible de la réalité, « le côté émotionnel ou psychologique, parfois moral, des éléments historiques et sociaux qu'on ne peut pas atteindre autrement » dit Juan Gabriel Vasquez. Et c'est le tour de force que réussit ici Malfatto avec ce magnifique texte où l'amalgame du visuel et de l'émotionnel englouti dans une brume monochrome d'un pays de pluie où les hommes se dissolvent lentement, nous plonge dans l'absurdité de la vie et de ses conflits perdue dans le temps et l'espace. Magnifique ! Écrivaine , poète et photographe hors pair elle m'a encore une fois subjuguée avec ce troisième roman, quel talent cette femme !


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