Qu'est ce qui m'a attiré vers ce roman ? Je sais : le bandeau et l'impression laissée par le visage hâve de l'homme gris aux yeux jaunes. J'ai cru voir un dessin de
William Blake, même si il s'agit d'un portrait de Lucifer, le porteur de lumière par
Franz von Stuck (je pense que je vais me pencher sur l'oeuvre de ce peintre symboliste autrichien que je ne connaissais pas ...).
Celui qui raconte l'histoire est
Adrian von Gott dans les années 20.., qui veut mourir, le 3 décembre. Il conte sa vie à celle qu'il aime depuis 1784, réincarnée dans Anna
Brown.
Adrian est somptueusement riche et somptueusement seul. Il vit dans un manoir à Harlem à New York.
Son frère et sa soeur, Federico et Adriana, sont morts de la scarlatine à Venise en 1769. Ses parents, aisés, cultivés, Lavinia et Cesare von Gott, accueillirent leur nouvel enfant,
Adrian, peu après, mais furent dans l'incapacité de l'aimer, dévastés par le décès de leurs deux premiers enfants.
Adrian grandit donc entouré de nounous, bonnes, chétif, malingre jusqu'à sa rencontre avec le 6 mai 1784, jour de l'ascension, avec Clélia, une jeune fille blonde de son âge, qui lui ressemble, 15 ans, environ. ils vont se reconnaître, se raconter et s'embrasser et la chose va arriver.
Adrian va aspirer son essence, comme un oiseau boit dans le calice d'une fleur et se transformer. Et chaque fois qu'il embrassera un individu sur la bouche (dont sa mère pour se nourrir) le phénomène se répétera lui permettant de se régénérer, de rester indéfiniment un bel homme au regard exceptionnel. Clélia va malheureusement mourir après ce baiser et
Adrian va la rechercher dans chaque rencontre, jusqu'à la retrouver dans
Anna en octobre 20....
Une très belle réflexion sur l'amour, la mort, l'éternité, le temps qui nous tue, mais qui doit le faire car tout a une fin.
Adrian von Gott est un individu attachant : il n'est pas un monstre. Il essaie de faire le moins de dégât possible, tout en survivant dans un premier temps et puis en se rendant compte de son immortalité, devient fou un temps, avant de s'accepter et de renoncer pour
Anna/Clélia. J'ai retrouvé un peu de "Memnoch, le démon" d'
Anne Rice dans ce roman, un peu de la créature du docteur Frankenstein aussi.
Adrian a les yeux grands ouverts sur le monde qui change et sur ce qu'il est : la lumière est parfois aveuglante. Il est un homme qui se questionne, un défi à la face de Dieu, comme Lucifer, l'ange déchu qui posait trop de question. Quelqu'un qui s'interroge est pour moi un personnage intéressant : l'ignorance dit-on est une bénédiction, je suis loin d'en être convaincue. Elle permet juste de ne rien faire, de s'abjurer de toute responsabilité, de regarder passer sa vie comme les vaches regardent passer les trains.