Ce très court roman d'Eduardo Mallea, auteur argentin du XXe siècle, dresse le portrait de
Chaves, un homme silencieux et taciturne qui arrive dans une petite ville argentine du nord de la Patagonie.
Le principal attribut du personnage de
Chaves est donc ce mutisme quasi-permanent, qu'il n'interrompt que rarement pour répondre de manière extrêmement brève et factuelle à celui qui l'interrogerait. L'auteur alterne les chapitres au "présent" et ceux reprenant le passé du héro. À travers ce dernier, c'est une histoire de silence, de solitude et d'une résignation fataliste qui s'exprime, c'est aussi une réflexion sur le rejet de l'autre et sur la superficialité des rapports humains :
Chaves est seul et incompris mais au moins le sait il, les autres personnages (comme nous-même) ne sont ils rien d'autre que des solitaires qui s'ignorent ?
L'histoire est simple émouvante et forte. Elle pourra rappeler au lecteur francophone le roman l'Étranger publié 11 ans plus tôt par un certain
Albert Camus : difficile effectivement de ne pas faire un lien entre les deux ouvrages tant les thématiques sont similaires. Néanmoins, une différence fondamentale subsiste entre les personnages : celui de Meursault (l'Étranger) est passif avant tout car le sort des autres et dans une certaine mesure le sien propre l'indifférent,
Chaves lui, ressent les émotions mais par fatigue et par un fatalisme sur l'incommunicabilité entre lui et le reste du monde, renonce à s'exprimer.
Le style et le rythme du livre d'Eduardio Mallea s'adaptent parfaitement à son personnage : plutôt lent et parfois contemplatif, il est épuré, simple et économe en mots, sans aucune fioriture. Au fur et à mesure des pages, on peut qu'être pris d'empathie et parfois de pitié pour le personnage principal et ses proches.
Bref, en à peine plus de 80 pages,
Eduardo Mallea nous offre une belle pépite : un livre intelligent et émouvant aussi court que marquant.