Les femmes, invisibles le jour, sortent le
soir du village pour aller à la fontaine.
Khartoum.
Les femmes de noir voilées
couronnées de cruches grises
reines veuves exilées
allument le ciel cendré
du clair regard des captives
délivrées par les eaux vives
qu'elles savent capturer
et très lentement hâtives
descendent vers la vallée
comme avance la marée
vers une terre promise.
p.30
Que de bruits.
Que de bruits
pour aller au silence
que de fruits
pour nourrir les terreaux
que de vents
pour animer l'absence
que de temps
pour s'éteindre trop tôt
que de jours
pour apprendre la nuit
que d'amours
pour mal dire qu'on aime
que de mots
pour offenser l'esprit
que de flots
pour si peu de baptêmes
que d'espoirs
pour perdre l'espérance
que de soirs
pour douter du sommeil
que de mains
pour donner l'apparence
que de grains
pour trahir le soleil
que de feux
pour le bûcher des dogmes
que de dieux
pour ne pas nommer l'homme…
p.24-25
Si je n'étais qu'un jeu de mots
que l'on assemble en dominos
je me tairais
Si je n'étais qu'un feu de paille
rien que des flammes sans entrailles
je me tairais
Si je n'étais que des sanglots
un peu d'écume sur de l'eau
je me tairais
Si je n'étais que des pensées
beaucoup de poids sur la rosée
je me tairais
Mais si je suis le mot, la flamme
la cendre, le sanglot et l'âme
je parlerai.
p.8
J'ai reçu.
J'ai reçu le vent qui m'a dépouillé
des feuilles fragiles
J'ai reçu le froid qui m'a dérobé
les clartés agiles
J'ai reçu la nuit qui m'a séparé
des tièdes visages
J'ai reçu les mots qui m'ont exilé
dans mes personnages
et les choses tues qui m'ont fait errer
à travers l'absence
et les bruits menteurs qui m'ont projeté
contre les silences
et les jugements qui m'ont condamné
aux gestes déchus
comme des cadeaux de la vérité
je le ai reçus
comme les vérités qui m'étaient données
je les ai perdus.
p.10-11
Craindre ce qu'on aime
aimer ce qu'on craint
est-ce ainsi que germe
le grain ?
Vouloir le silence
taire ce qu'on veut
est-ce l'éloquence
des cieux ?
Refuser les rives
s'épuiser au puits
est-ce pour que vive
la nuit ?
Vivre les désirs
captifs de la fuite
n'est-ce pas mourir
plus vite ?
p.17
Léautaud parle de Maurice Barrès
Roger STEPHANE relate la découverte de
Paul LEAUTAUD dans le monde littéraire, après la Libération. Extrait des Entretiens radiophoniques avec
Robert MALLET sur des
photos de
LEAUTAUD; ce dernier y parle de
Maurice BARRES