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Critique de Bibliozonard


Synopsis

Amédée Mallock, commissaire au 36 quais des Orfèvres, s’impose un vol pour San Dominge (République Dominicaine). Mission : prendre en charge le rapatriement de Manuel Gemoni en France. C’est le frère de son petit doigt, le capitaine Julie Gemoni (membre du Fort Mallock). Le commissaire prend l’affaire à cœur ouvert. Manuel, agrégé d’archéologie, enseignant chercheur au Collège de France, du jour au lendemain ; après le visionnage d’un documentaire, quitte la maison, s’envole pour la République Dominicaine et assassine Tobias Darbier, un vieil homme qu’il ne connaissait ni d’Ève ni d’Adan.

Impression

La scène d’ouverture intrigante et sanguinaire captive instantanément. Le lecteur pénètre une porte immense et béante où il entend une histoire, il s’en laisse conter avec plaisir et n’a d’autre choix que de s’enfoncer dans l’obscurité. Il ingurgite cette délicatesse déguisée. Celle-ci suscitant en lui une sorte d’émoi, le poussant à un voyeurisme macabre et l’incitant à passer au chapitre suivant.

Car ces mots, Mesdames et Messieurs – S’il veut tuer cet homme, ce vieillard immonde, c’est qu’un jour Darbier l’a tué, lui, Manuel Gemoni – assujettissent le lecteur !

Un mot sur Amédée Mallock :

« Entre Cyrano et Don Quichotte, Mallock était inadapté à son époque et à la terre tout entière. Il avait vu l’hypocrisie et le mensonge triompher, le discours des justes devenir inaudible, mais il n’en continuait pas moins à se battre pour sauver les châteaux de sable de l’avancée des vagues. Grand empereur du paradoxe et roi de l’oxymore, Mallock conjuguait dans un même cœur orgueil modeste, larmes et armes, tendre dureté, empathie et misanthropie ». (p34)

Il pourrait être Charles Ingalls, calme, romantique, amoureux, passionné. Et au-delà de ça, il frôle un Nietzsche enfermé à l’hosto, un Patrick Bateman en devenir, car sur le point de « péter une durite ». Il est intelligent, un niveau social honorable, dangereux, prêt à exploser. La perte de sa dulcinée et de son fils a inexorablement poussé Mallock à nager dans sa tristesse, boire la tasse dans sa rage contenue, plongé en apnée dans sa vie entre deux eaux. Il oscille entre la folie et la compassion. Le sage Amédée murmure au bouillonnant Mallock, l’image est complète. Une enquête à l’image du gaillard : Entre le soleil étouffant des îles, sous 41 °C et l’hiver laiteux, à - 10 °C dans Paris.

L’histoire est découpée en trois parties :

Livre I : Dans les chapitres suivants l’accroche initiale, la première centaine de pages donc, le commissaire prend la température, il constate et confirme la culpabilité évidente de Manuel. Aussi improbable cela soit-il pour un professeur d’archéologie réputé honnête et non violent, considéré comme le « Gandhi » de la famille. Amédée découvre L’île, son histoire dictatoriale à laquelle la victime a activement participé, et s’entretient à qui de droit pour la mise en place du rapatriement de Manuel. Mallock ne peut rien proposer pour dénouer la situation de son ami… Tout l’accuse, c’est limpide et suffisant pour la police locale. Il patauge, il dort éveillé. Il aura un premier entretien avec Manu, après plusieurs jours d’attentes.

Surviennent un coup de théâtre et une fin de première partie mystique. Le tout est étrange, a l’odeur de rumeur, d’antilogique et d’histoires vraies… C’est une énigme qui promet d’être succulente pour le doux et amer commissaire.

Livre II : Vous tabasse la sensibilité, vous assistez impuissant à une croissance non pondérée de l’horreur, la torture, mai ’44… On partage le brouillard du Mallock entre cauchemars, illusions et rationnel, la brutalité à chaque instant de toute époque… et peut-être au-delà des frontières du réel.

Livre III : Vous recevez comme une claque l’augmentation dans l’intensité de la devinette macabre, question pour un triste champion, Mallock doit se recadrer... Le lecteur doit connaître la fin même si ça fait mal.

Un beau coup de dé quelque part où il le faut même si cela ne change rien aux exactions innommables perpétrées par des fous, subies et tatouées au plus profond de chaque individu concerné. L’histoire ne nous corrige pas, mais il est possible de cultiver l’espoir et l’empathie parfois pour sucrer l’amère eau de vie qui nous hypnotise…

Un petit bout de + ou - : (que je voudrais évoquer sans trop en dire...)

. Le "coup" du médaillon, un peu attendu, place à un mouvement du destin ou de la coïncidence qui tombe à pic. Mais le lecteur qui a bien suivi attend l’apparition de la chose. Mallock savait, d’après les faits en sa possession, ce qu’il en était, lui et ses collègues auraient pu se diriger sur cette piste en premier, et ils auraient été fixés. L’extase du moment "..." serait restée intacte s’ils avaient trouvé l’objet au même moment que ... LISEZ LE LIVRE …

. Comment a été prise en charge la sécurité de Manuel après l’hôpital ? Il y a un petit blanc, rien de dramatique. La question est en suspens… N’est-ce pas trop allégé ?

L’auteur s’inscrit dans la lignée des auteurs français (et une Belge !) phares dans « la thriller mania » qui anime les passionnés et pour qui, Fleuve Noir se coupe en quatre : citons Franck Thilliez, Karine Giebel et Barbara Abel. Leur particularité, chacun à leur manière, c’est d’élaborer une idée novatrice, un texte aéré, fluide, des lectures rapides. En général, le principe est identique, la longueur des chapitres ne dépasse pas la dizaine de pages. Il y a une utilisation d’une technique qui consiste à incruster un élément intriguant supplémentaire au compte goutte afin d’accentuer et contrôler l’impatience et l’agitation du lecteur. Cela provoque une lecture effrénée teintée de rage nostalgique (mince ! C’est fini), de compassion (oh ! Le ou la pauvre) et d’esprit de vengeance partagée (bien fait pour ta pomme !). Dans « Le cimetière des hirondelles », l’histoire est plus centrée sur l’action, la centralisation sur le comportement d’un personnage clé (Mallock), sur le développement d’une idée divertissante et fine que sur la profondeur de l’état de la société. Au final, la manœuvre huilée propose un moment divertissant, effrayant, étonnant et idéal pour tout moment de pause, que ce soit en vacance sur une île, au ski, ou simplement à la maison. Et pour boucler la boucle, la couverture aguichante fonctionne très bien avec l’ensemble des ouvrages proposés. Un beau commerce, certes, mais surtout, et c'est le plus important, cohérent et fidèle aux attentes des lecteurs férus de ce type de matière. Un concept qui séduit et fonctionne très bien.

« Chaque livre peut se lire séparément, les histoires étant totalement indépendantes, ou bien dans l’ordre chronologique, afin de mieux suivre l’évolution des personnages récurrents. Plus d’info sur mallock.fr » (mention au début livre).
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