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Critique de audelagandre


Maya 17 ans quitte le domicile familial pour s'installer à Fécamp. Elle fuit les horreurs perpétrées par son père. Elle se soustrait à l'approbation silencieuse de sa mère. Elle s'installe alors dans un petit appartement, mais, dans celui qui est mitoyen du sien, elle entend des cris, des coups, des murs qui tremblent. Quatre enfants vivent là, tyrannisés par un beau-père qui a le sang chaud, surtout quand il a bu… Et puis, un jour, Maya décide de ne pas fermer les yeux et de les prendre sous son aile, de faire ce que d'autres n'ont pas fait pour elle : réagir, secourir, protéger.

Laurent Malot aurait pu verser dans le scabreux, l'obscène, l'immoral. Il aurait pu déverser sur des pages et des pages des descriptions d'horreurs. Il aurait pu utiliser une plume très noire et terriblement anxiogène. Plutôt que de s'appesantir sur le passé et ses douleurs, il choisit le chemin de la lumière, de la résilience, de la guérison et des choix qui marquent une vie. Il veut que son héroïne Maya, puisse se regarder dans une glace. Il la veut combative plutôt que résignée, déterminée plutôt qu'apeurée.

Cela n'a peut-être l'air de rien, mais la gamine a 17 ans. Elle a déjà vécu le pire. Elle ne devrait se consacrer qu'à ses études, ses amis, son cours de danse et sa carrière d'architecte à lancer. Elle méritait un peu de paix, le droit de souffler. L'expression américaine « life is a bitch » n'aura jamais été aussi vraie. Comme les autres filles de son âge, Maya réagit avec son coeur d'abord. Elle fait ce qui doit être fait et l'assume. Elle connaît les regards qui se détournent, ceux qui préfèrent ne pas s'en mêler, les aveugles et les sourds….

Le sujet majeur traité ici est la maltraitance envers les enfants dans la sphère familiale. Malgré la thématique révoltante, l'écriture de Laurent Malot m'a apaisée. Comme si rien ne comptait plus que nos propres convictions, comme si faire ce qui est juste est forcément moral. Malgré les actes, on ne peut qu'admirer le courage de Maya, sa force, sa détermination, son altruisme, sa générosité. Elle s'accapare le rôle des services de protection de l'enfance. Elle s'adresse au lecteur censé être d'abord un citoyen et le somme d'ouvrir les yeux, de ne pas se taire, de ne pas dire « ça ne me regarde pas ».

Je ne peux vous révéler le dernier tiers du roman sans crainte de le spoiler, mais il y a une scène qui m'a terriblement marquée, une scène où la révolte et la haine ont surpassé cette forme de cicatrisation précédemment acquise. L'auteur confronte le pardon envers le bourreau et le pardon envers la victime. Cette différence de traitement illumine le roman d'une forme de justice idéalisée qu'on souhaiterait voir devenir réalité. Je voudrais simplement faire un rapprochement avec le titre « Que Dieu lui pardonne »… Cher Laurent, que Dieu lui pardonne rien du tout, que Dieu fasse son boulot et la justice le sien. Je rappelle que le 21 janvier 2021, le Sénat a adopté une proposition de loi pour poser un interdit social clair sur le consentement et la protection des mineurs. L'âge choisi pour criminaliser un acte sexuel entre un adulte et un mineur est de 13 ans. L'âge de la majorité sexuelle étant de 15 ans en France, il est légitime de ressentir un sentiment très net d'affaiblissement de la protection des mineurs. Seule mention positive : le projet a également pour vocation d'allonger le délai de prescription. Ainsi, un mineur qui aurait subi de tels agissements pourra porter plainte plus longtemps après sa majorité.

Dans la nouvelle République du 12 janvier 2021, Laurent Malot déclarait : « C'est indécent, explique-t-il. Même si la résilience permet d'apaiser les choses, les blessures et la douleur restent. La justice n'est pas à la hauteur. Quand on voit, parfois, les peines des auteurs reconnus coupables, de la prison avec sursis pour le viol d'un enfant de deux ans, c'est effarant ! La résilience, elle passe aussi par la justice. Il faut qu'il y ait punition. Pour que les enfants victimes puissent se reconstruire un jour, il faut que le crime soit reconnu. »

En effet, la justice nous semble souvent laxiste, pour ne pas dire injuste. Il reste les romans pour imaginer des peines exemplaires…

Maya restera de ces personnages phares et emblématiques qui illumine le monde de sa flamme et de sa bienveillance, qui se préoccupe des autres avant elle-même. Dans ce roman, Laurent Malot cultive le jardin de la pensée positive, même sous les orages, même dans la tourmente et parfois, ça fait du bien.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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