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Christiane Moatti (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253010357
192 pages
Le Livre de Poche (01/12/1976)
3.46/5   413 notes
Résumé :
Au début des années vingt, le jeune archéologue Claude Vannec, en quête d'une rapide fortune, s'est embarqué pour l'Indochine dans l'espoir de découvrir et de revendre quelques-uns des inestimables bas-reliefs ornant les temples de l'antique route royale khmère, aujourd'hui submergée par la jungle.

Lorsqu'il rencontre Perken, il est fasciné par cet aventurier de légende au masque de proconsul romain, qui professe un total mépris des valeurs établies ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
3,46

sur 413 notes
Que dit le Sphinx quand il parle ?
ET
Que faire de ses paroles ? Sont-elles trop peu humaines pour être compréhensibles, ou ne le sont-elles que trop ?

L'immensité. L'horreur devant cette immensité. L'immensité de l'horreur
Et les actes que l'on commet pour conjurer l'une et l'autre. Toute culture serait un système, souvent décousu, pour conjurer l'immensité de l'existence, l'énormité de son mystère, l'horreur de l'inadéquation entre les espérances de l'homme, et ses moyens propres. Inadéquation qui se montre sous les traits de la souffrance et de la mort. Tout système - surtout décousu - a ses exceptions, et c'est de ces exceptions que Malraux veut nous parler ici. Des êtres marginalisés par leur refus du système qui permet aux autres de vivre, d'éprouver la joie ou l'amour, l'espoir même, malgré la souffrance et la mort qui rôdent autour de la vie, la contraignent, et la pénètrent.

Claude et Perken sont aventuriers. Par choix, non par contrainte. Ils veulent faire de leurs vies un acte dé défi, faire un éclat, laisser une trace. Avec toute l'effronterie d'un tag sur un mur de villa bourgeoise. Perken a une longue expérience de ce type d'existence et veut “ tracer une cicatrice sur la carte” : se construire un petit royaume parmi les tribus insoumises au Haut-Laos. Pour cela, il faut des armes, et pour les acheter, des fonds. Claude débute, peut-être ne sait-il pas encore très bien ce qu'il veut, mais un raid en territoire cambodgien parmi les tribus encore sauvages, pour voler des oeuvres d'art de temples encore à découvrir, puis les revendre, c'est déjà l'aventure, c'est déjà l'excès. Ils font connaissance sur le bateau qui les mène en Indochine…

L'affrontement entre ces êtres atypiques - héroïques ? - et la réalité de l'existence, prend la forme d'une lutte avec la forêt tropicale, grouillante de formes de vie hostiles ou terrifiantes, et avec les tribus insoumises, dont le mode de vie n'est pas reconnu comme culture, mais appellé “sauvagerie”, terme indifférencié, qui recouvre peut-être l'incompréhension envers des peuples qui ne se sont pas encore détachés de leur milieu naturel, pour s'y opposer et le contraindre. Affrontement qui apporte la mort ou la gloire, tous deux soldant le compte de l'intéressé, car les morts retournent au silence.

La Condition Humaine avait conté l'histoire d'hommes enragés par la misère et l'injustice. Des hommes n'ayant rien à perdre, pour qui la mort serait une forme de délivrance. Qu'ils se jettent dans l'aventure d'une lutte même désespérée était plus que compréhensible. Que certains le fassent par un choix calme et délibéré me parait plus problématique. Doit-on étendre son emprise sur la vie des autres pour arriver à une renommée qui permettrait de résister un peu plus longtemps à l'oubli, au silence du tombeau ? Tous les dictateurs, tous les conquérants n'ont ils pas nourri ce rêve, et si certains échappent partiellement à la renommée de bouchers et de monstres ( Alexandre le Grand ou Napoléon) n'est-ce pas grâce à quelques coups d'encensoir dispensés par l'Éducation Nationale ? Qu'y a t-il de glorieux, d'enviable à une telle mémoire ? L'Homme, se mesurant directement à l'Immensité, ou au Néant, devient cette Horreur qu'il espère pacifier.
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Dans ce roman, je vois d'abord l'amitié indéfectible entre deux hommes : celle de Claude Vannec, jeune homme sans beaucoup de scrupules passionné d'art Khmer, et de Perken, vieil aventurier revenu de tout qui sent confusément sa fin approcher. Ensemble, ils partent à la recherche de la mythique Voie Royale enfouie dans les profondeurs de la jungle Cambodgienne. Pour Vannec, il s'agit de prouver que la Voie Royale existe bel et bien, et de vendre au prix fort quelques statuettes ou bas-reliefs arrachées aux temples en ruine afin de vivre avec aisance. Perken, lui, veut retrouver un aventurier perdu du nom de Grabot. Et puis, il a besoin d'argent pour se procurer des armes afin de protéger un territoire encore sauvage situé aux confins du Laos dont il est devenu une sorte de petit roitelet. Malraux montre sa fascination pour ces aventuriers qui, dans un mélange d'audace et de folie, profitèrent de la colonisation pour parvenir à se tailler de petits royaumes avant de mourir tragiquement. Perken est le fidèle reflet de ce type de baroudeurs comme ces Mareyna ou Odend'hal qui ont vraiment existé.
C'est un anticonformisme viscéral et hautain qui réunit ces deux hommes aux parcours si différents. En s'engageant dans cette aventure risquée car ces territoires ne sont pas encore soumis à l'autorité des "blancs", ils veulent échapper à la vie médiocre de leurs congénères : fonctionnaires prudents et combinards, marchands "avides de potins et de manilles", médecin opiomane et raté… Ils acceptent ( Vannec pour la première fois, et Perken une dernière fois) de prendre tous les risques pour échapper, ou du moins essayer, " à la vie de poussière des hommes".

Accompagnés d'un guide et de quelques porteurs, ils s'enfoncent dans la jungle. Avec ses peuplades insoumises, elle est le troisième personnage de ce roman. Ils s'égarent dans un environnement hostile fait de marais et de murailles vertes infranchissables. Des insectes géants grimpent sur leurs corps. Une chaleur étouffante les enveloppe. Ils s'épuisent au milieu d'une végétation luxuriante et pourrissante située "hors du monde dans lequel l'homme compte". Ils se heurtent ou bien sont aidés par des indigènes "qui se coulent dans le sentier avec leurs gestes précis de guêpes, leurs armes de mantes."
Et le chemin de fer qui les talonne, qui avale inexorablement la jungle, les force à s'enfoncer toujours davantage dans la jungle hostile et insoumise. Perken et Vannec abhorrent ce chemin de fer, représentant du monde moderne, du monde des "blancs", qui leur signifie que le leur va bientôt prendre fin.

Un grand livre, exigeant, touffu, difficile à lire aussi, du moins de mon point de vue (il me fallut à de nombreuses reprises relire à plusieurs fois pour bien suivre le fil des pensées des personnages), mais je n'en ai pas moins été happé par cet aventure jusqu'au-boutiste, voire fanatique, de nos deux héros.
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"La voie royale", est un grand roman !
C'est à la fois un long poème en prose, composé de descriptions du Cambodge, une méditation sur la condition humaine, et un grand roman d'aventures.
André Malraux fait ici preuve de finesse, d'une extrême subtilité, et nous livre un roman, très sophistiqué, dense en idées et en pensées, malgré son faible nombre de pages.
Dans ce roman, les magnifiques descriptions et les passages épiques, succèdent aux méditations profondes des personnages, et aux développements psychologiques, que Malraux a eu la bonne idée d'intégrer à son roman. L'écriture de Malraux est très belle, nerveuse, mais poétique. En le lisant, on a le sentiment que chaque mot a été posé, que chaque phrase a été travaillée par un orfèvre de la langue, pour donner très exactement l'effet voulu. C'est un véritable enchantement, que ce roman, qui s'avère à la fois plein de rebondissements, distrayant, et profond.
Les personnages s'avèrent complexes, tiraillés par des idées et des pulsions, pleins de vérité humaine ; s'il est des personnages qui ne manquent pas d'épaisseur, c'est bien ceux-là !...
Mais, ce qui m'a peut-être le plus plu, le plus ému, c'est ces descriptions magnifiques, lyriques, épiques, riches en émotions nombreuses et variées.
Dans ce roman à la fois sombre et lumineux, épique et désespéré, infiniment plaisant, André Malraux s'est imposé, pour moi, comme un grand écrivain.
Une claque !... Quel magnifique roman !...
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Collégien, lycéen, des professeurs de français sans imagination ont réussi l'exploit de rendre obligatoire des lectures qui ne m'ont jamais intéressé. Adulte, il y a des années, j'ai de moi-même tenté un roman d'un auteur désormais « classique » : un Malraux qui traînait dans la bibliothèque familiale. Sans obligation. Comme au poker : pour voir...
Et là ça a totalement marché. J'ai adhéré à la progression du livre, à l'histoire de ce jeune archéologue qui va au mépris des lois s'enfoncer dans la jungle khmère pour arracher des fragments d'histoire, et à son association avec un aventurier aux objectifs troubles. Ce livre exsude une Asie du Sud-Est pleine de dangers et d'incertitudes.
Et quel plaisir après coup, en se renseignant un peu, de comprendre ce que Malraux a pu mettre de sa propre expérience dans cette fiction.
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"La vie est une matière, il s'agit de savoir ce qu'on en fait" énonce André Malraux dans son roman existentialiste La voie royale (Prix Interallié 1930) écrit après avoir lui-même réalisé des recherches archéologiques au Cambodge en 1923 (époque colonialiste) et s'être lancé dans un trafic d'oeuvres d'art alors qu'il était ruiné. Son épouse Clara ( voir l'excellente biographie Clara Malraux de Dominique Bona) lui a évité la prison.
Le thème: "La voie royale, la route qui reliait Angkor au bassin de la Menam", bien que recouverte d'une végétation touffue, est ponctuée de temples brahmaniques en ruine dont les sculptures sont convoitées par le jeune Claude Vannec, féru d'archéologie, "chargé de mission", dont les tampons officiels couvrent la cupidité.
L'accompagne dans cette expédition, Perken, un homme mûr dont l'expérience (du terrain et de la domination des indigènes) n'a d'égale que la perversion sulfureuse qui de par son "dégoût du monde" rappelle à Claude (qui l'admire sans le juger) son grand-père. Une même obsession de la mort les unit. Mais l'enfer dans lequel plonge leur groupe n'est-il pas la mort? Y survivront-ils?
J'ai apprécié l'entrée dans cet "autre univers" menaçant où la lente "désagrégation des choses", leur métamorphose (ex: les arbalètes sont comparées à des mandibules) atteint peu à peu les êtres (ex: "la longue fourmilière des corps penchés; le "jacassage") mettant à jour leur bestialité, les descriptions imagées très fortes, la montée des émotions (la surexcitation des chercheurs de trésors laisse place, peu à peu, à la terreur face à la sauvagerie des guerriers armés jusqu'aux dents) qui deviendra un "langage de chair". La voie royale, sanguinolente comme une douloureuse blessure, purulente comme une plaie surinfectée ne sera-telle pas en définitive pour Claude Vannec cette voie royale des rêves, qui mène à l'inconscient, chérie de Freud? En effet, dans cette voie royale qui remue et ne peut laisser indifférent, l'homme en essayant de trouver un sens à son existence en étant "plus qu'un homme dans un monde d'homme" (cf: La condition humaine prix Goncourt 1933) se rendant compte de sa propre petitesse, ne nait-il pas à lui-même face à autrui?
André Malraux, génial poète, philosophe,écrivain,homme militant et épris d'art a décrit ici avec avec une féroce lucidité, une sobriété touchante, un récit amer d'aventure et de tragédie intérieure.
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Citations et extraits (76) Voir plus Ajouter une citation
Depuis quatre jours, la forêt.
Depuis quatre jours, campements près des villages nés d'elle comme leurs bouddhas de bois, comme le chaume de palmes de leurs huttes sorties du sol mou en monstrueux insectes ; décomposition de l'esprit dans cette lumière d'aquarium, d'une épaisseur d'eau. Ils avaient rencontré déjà des petits monuments écrasés, aux pierres si serrées par les racines qui les fixaient au sol comme des pattes qu'ils ne semblaient plus avoir été élevés par des hommes mais par des êtres disparus habitués à cette vie sans horizon, à ces ténèbres marines. Décomposée par les siècles, la Voie ne montrait sa présence que par ces masses minérales pourries, avec les deux yeux de quelque crapaud immobile dans un angle des pierres. Promesses ou refus, ces monuments abandonnés par la forêt comme des squelettes ? La caravane allait-elle enfin atteindre le temple sculpté vers quoi la guidait l'adolescent qui fumait sans discontinuer les cigarettes de Perken ? Ils auraient dû être arrivés depuis trois heures… La forêt et la chaleur étaient pourtant plus fortes que l'inquiétude : Claude sombrait comme dans une maladie dans cette fermentation où les formes se gonflaient, s'allongeaient, pourrissait hors du monde dans lequel l'homme compte, qui le séparait de lui-même avec la force de l'obscurité. Et partout, les insectes.
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Son père tué,sa mère, qui avait quitté son mari depuis longtemps, vint voir l'enfant. De nouveau, elle vivait seule. Le vieux Vannec l'avait acceuillie; il avait si bien pris l'habitude de mépriser l'action des hommes, qu'il les enveloppait toutes dans une même indulgence haineuse.Le soir, il l'avait retenue, indigné à l'idée que, lui vivant, sa belle-fille pût habiter un hotel dans SA ville: il savait d'expérience que l'hospitalité n'empêche pas la rancune. Ils avaient causé, ou plutôt elle avait parlé: une femme abandonnée, obsédée par son âge jusqu'à la torture, certaine de sa déchéance, et qui considérait la vie avec une indifférence désespérée. Quelqu'un avec qui il pouvait vivre... Elle était ruinée sinon pauvre. Il ne l'aimait guère, mais il subissait l'influence d'un étrange esprit de corps: elle était, comme lui, séparée de la communauté des hommes qui demande tant d'acceptations stupides ou sournoises; la cousine, trop vieille maintenant, dirigeait mal la maison...Il lui avait conseillé de rester, et elle avait accepté.

(p.40)
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Ce n'était plus la transe de la forêt, mais la possession lente de la terre et des hommes par la chaleur, l'établissement d'une implacable domination. Projets, volontés se volatilisaient en elle : au fur et à mesure qu'avec le silence retombé , elle envahissait la pièce, une autre présence montait du flamboiement blanc du sol, des animaux endormis, de l'immobilité des deux hommes réfugiés dans cette ombre surchauffée : la mort.

(p.171)

"Ce qui est étonnant, Claude, dans la présence de la mort, même ...lointaine, c'est que l'on sait tout à coup ce que l'on veut, sans hésitation possible."

(p.173)

A côté de lui, Claude qui allait vivre, qui croyait à la vie comme d'autres croient que les bourreaux qui vous torturent sont des hommes : haÏssable.

(p.196)
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Déjà relevé, crachant, il vit grouillantes d'insectes, une seconde, ces pierres du sol sur quoi pouvait s'écraser sa vie; dérivé du dégout par le danger, il retomba sur le mur avec une brutalité de bête en fuite, avançant de nouveau, ses mains gluantes collées aux feuilles pourries, hébété de dégout, n'existant plus que par cette trouée qui le tirait par les yeux. Comme une chose qui éclate, elle fit place au ciel.

(p.92)
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Maintenant que son energie ne s'appliquait plus, Perken retombait sur lui-même. A peine semblait-il qu'il avait retrouvé sa vie: lorsqu'il avait risqué torture et déchéance en craignant de n'y pouvoir résister, il avait à tel point été arraché à lui-même qu'il ne se sentait plus en face que d'une vie de brouillard. Qu'y avait-il de réel dans cette rumeur qui montait et descendait avec la flamme, dans ce conciliabule de fous au centre de cet implacable écrasement de la forêt et de la nuit ?

(p.161)
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« La condition humaine », d'André Malraux, c'est à lire en poche chez Folio.
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