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Critique de brigittelascombe


"La vie est une matière, il s'agit de savoir ce qu'on en fait" énonce André Malraux dans son roman existentialiste La voie royale (Prix Interallié 1930) écrit après avoir lui-même réalisé des recherches archéologiques au Cambodge en 1923 (époque colonialiste) et s'être lancé dans un trafic d'oeuvres d'art alors qu'il était ruiné. Son épouse Clara ( voir l'excellente biographie Clara Malraux de Dominique Bona) lui a évité la prison.
Le thème: "La voie royale, la route qui reliait Angkor au bassin de la Menam", bien que recouverte d'une végétation touffue, est ponctuée de temples brahmaniques en ruine dont les sculptures sont convoitées par le jeune Claude Vannec, féru d'archéologie, "chargé de mission", dont les tampons officiels couvrent la cupidité.
L'accompagne dans cette expédition, Perken, un homme mûr dont l'expérience (du terrain et de la domination des indigènes) n'a d'égale que la perversion sulfureuse qui de par son "dégoût du monde" rappelle à Claude (qui l'admire sans le juger) son grand-père. Une même obsession de la mort les unit. Mais l'enfer dans lequel plonge leur groupe n'est-il pas la mort? Y survivront-ils?
J'ai apprécié l'entrée dans cet "autre univers" menaçant où la lente "désagrégation des choses", leur métamorphose (ex: les arbalètes sont comparées à des mandibules) atteint peu à peu les êtres (ex: "la longue fourmilière des corps penchés; le "jacassage") mettant à jour leur bestialité, les descriptions imagées très fortes, la montée des émotions (la surexcitation des chercheurs de trésors laisse place, peu à peu, à la terreur face à la sauvagerie des guerriers armés jusqu'aux dents) qui deviendra un "langage de chair". La voie royale, sanguinolente comme une douloureuse blessure, purulente comme une plaie surinfectée ne sera-telle pas en définitive pour Claude Vannec cette voie royale des rêves, qui mène à l'inconscient, chérie de Freud? En effet, dans cette voie royale qui remue et ne peut laisser indifférent, l'homme en essayant de trouver un sens à son existence en étant "plus qu'un homme dans un monde d'homme" (cf: La condition humaine prix Goncourt 1933) se rendant compte de sa propre petitesse, ne nait-il pas à lui-même face à autrui?
André Malraux, génial poète, philosophe,écrivain,homme militant et épris d'art a décrit ici avec avec une féroce lucidité, une sobriété touchante, un récit amer d'aventure et de tragédie intérieure.
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