Ô Corbeau

C'est l'histoire pluvieuse d'un oiseau, d'un oiseau noir rempli d'eau.
Jo est triste car il ne sait pas chanter.
De plus, Jo le corbeau croit, croit qu'il est amoureux .
L'auteur Marcus Malte nous le dira en petits vers ( parce que les enfants lecteurs et les oiseaux aimeront ça).
" sa grâce n'a d'égale
Que sa beauté
Et sa voix
Sa voix
Sa voix
Est à nulle autre pareille

C'est du miel
Dans les oreilles
C'est du soleil
Sur la peau
C'est du parfum
C'est du nectar
C'est du beurre
Dans les épinards

C'est la pluie qui cesse
C'est l'arc-en-ciel qui se déploie
Après l'averse..."
Viva Paloma.

Jo, notre corbeau, en pincera pour une colombe.
Mais n'ayant pas le bon ramage et la divine voix ensorcelante des oiseaux, il n'aura peut-être pas droit au chapitre avec la diva?
Non, avec la précieuse, Il ne faudra pas se la raconter en vers lents, en roulant ses r et ses mécaniques?

Alors, notre corbeau se désespèrera, comme un loup crooner qui hurle à la lune.
Vivre au même endroit que Paloma deviendra l'enfer et notre Jo préferera le bout du monde.
Et imaginez, notre corbeau s'exilant au pôle nord et tombant sur un club de banquise pour noyer son chagrin.
"Ô chaleur!
Ô boucan du diable!
Ça clame et ça brame là-dedans
La salle est pleine de vieux phoques à moustaches
Et de pingouins endimanchés
En train de boire
Des jus de poissons
Pressés
Et de l'huile de foie de morue
Sans glace..."
Sera t-il mal tombé?

Attention, mesdames et messieurs, c'est tout de même dans les clubs que sont nés le Blues.
Peut-être pourra t-il y apprendre à chanter juste?
Le blues tombera bien car notre Jo corbeau n'aura pas le moral.
Petit rebondissement pour le lecteur: un personnage proposera à Jo un échange qui lui promettra d'obtenir ce qu'il souhaite de plus cher.
Paloma ou de la voix?
Nous ne serons pas loin d'un jeu de dupes innocent.
Cela ne sera pas sans nous rappeler pourtant la petite sirène d'Andersen, échangeant sa voix contre une paire de jambes.
Après cela, peut-être faudra t-il au corbeau recomposer avec son destin?
Mais peut-être y aura t-il aussi une alternative surprenante au coin de la banquise qui ne demandera qu'à être saisie.

L'album est amusant, surprenant, il mériterait presque un support CD en accompagnement, pour profiter du lyrisme de la colombe et du swing du manchot empereur.
Le texte est assez ludique, dôté d'un charme de construction graphique qui devrait faire réagir deux fois plus les jeunes lecteurs sur le caractère poétique de l'aventure.
La poésie est dans la présentation du texte, dans les jeux de mots et aussi dans l'émotion de cet amour mélancolique non partagé.
L'album respire et transpire finement la poésie sans forcément que cela rime.

Les illustrations de Rémi Saillard nous retiendront dans l'enfance, artiste très connu et apprécié des grands et petits lecteurs des éditions Didier Jeunesse.
Le titre sera à conseillé à un public qui sait lire et rire d'un second degré.
Un titre à découvrir.

Jo le corbeau vit seul sous un saule pleureur. Et tous les soirs, il pleure. En choeur, l'arbre et l'oiseau pleurent. Jo le corbeau se désespère parce qu'il ne sait pas chanter et que celle pour qui bat son coeur, la belle Paloma, cantatrice de son état, ne l'aimera jamais. Un beau jour, s'en est trop. Jo décide de partir. Il quitte son saule et s'enfuit. Il arrive alors dans un endroit étrange, blanc comme le plumage de sa colombe, le pôle nord. Épuisé et transi, à bout de forces, il aperçoit un immense igloo, la Taverne de l'Empereur…

Un album poétique sous forme d'hommage à l'amour et au chant de l'amour. Marcus Malte nous parle de pleurs, de solitude et de frustration parce qu'après tout, amour et douleur sont parfois synonymes. L'album est construit sur une alternance de doubles pages de texte et de doubles pages entièrement illustrées. Les mots et les images semblent se répondre constamment pour former au final une parfaite harmonie. A noter que la conclusion de l'histoire est magnifique.

Un superbe ouvrage !

Lien : http://crdp.ac-amiens.fr/cdd..