Mes aïeux, qu'il était bien, le festival de Clermont ! Surtout la séance polar, où ils m'ont offert un petit bouquin, seulement...
- Eh ! C'est pas moi qui devais faire cette chronique ?
- Mais qui t'es, toi ?
- Je suis ta 35e personnalité, c'est pas ton jour, normalement.
- Attends, tu es sûr ? On avait pourtant planifié, pour éviter les cafouillages...
- J'ai paumé l'agenda.
- Dis donc, c'est toi qui squatte le cerveau à quatre heures du matin ? J'ai vu un peu à quoi tu pensais, ehh ben...
- Dis donc, tu peux te taire ? On est sur Babelio ! Il y a des gens qui veulent voir une critique, pas un schizophrène qui s'auto-fait une prise de bec !
- Bon, bon... *Court silence.*
- Et sinon, tu l'as lu, "
Les cow-boys" ?
*Musique de Nexus VI. Les lettres "REVIEW BREAK" apparaissent en gros sur l'écran de l'ordinateur sur un fond de l'espace infini.*
- Alors je voulais te dire, j'étais plutôt enthousiaste ! D'abord, parce que vu la biographie de l'auteur, c'était du sérieux, quelqu'un qui savait faire les polars ! Et l'illustrateur était celui qui faisait la BD de "L'Épervier", excusez du peu ! Mais au final on se retrouve avec quoi ? Une petite nouvelle totalement décousue, censée dénoncer l'Amérique de Trump en filigrane ! Sauf qu'il n'est jamais nommé, bien sûr ! Non, on attaque indirectement pour éviter les mauvais commentaires sur les réseaux sociaux.
- OK, OK, il y avait de ça, mais en soi, c'est pas trop mauvais. C'est facile de dire que toute la faute est à Trump quand il y a d'autres facteurs en place : les néonazis, les flics racistes, ici les vestiges du Ku Klux Klan... et puis ceux qui ne font rien contre tout ce joli petit monde.
- Non ! Mais je veux dire, en soi, il y a rien de mauvais dans tout ce texte. Les lettres d'amour sont magnifiques, les psychologies ont l'air authentiques, et on voit que l'auteur s'y connaît dans l'histoire noire de l'Amérique. C'est simplement... Oh, c'est dur à expliquer...
- Tu veux parler de tout ce qui ne sert à rien ?
- Exactement ! On a une histoire de reptile qui se balade presque en liberté, le tout est de savoir s'il est dangereux ou non. Mais ça, on aurait pu le résoudre en trois fois moins de pages s'il avait pas fallu en combler ! Et du coup, l'auteur nous balance des scènes presque gratuites, avec des personnages qui ne servent strictement À RIEN.
- Tu veux parler du moment où on voit la sympathique petite famille de Dan le shérif ? Mais c'est pour mettre dans l'ambiance, ça.
- Non, non, bien sûr que non ! Déjà, d'accord, cette scène est bancale, mais je pensais à celle où on voit les réactions de ses acolytes face à un voisin qui a forniqué un lama !
- Évidemment, mais là aussi, ça montre la mentalité des gars du coin...
- Parce que tu vas me dire que dans le
Far West il y a des forniqueurs de lamas à tous les coins de rue ? La nièce aveugle qui tirait à la carabine, ça pouvait aller encore, mais ça, franchement...
- En même temps, ils donnent quand même une explication.
- Encore heureux ! Mais pour montrer le fait que les gens du coin sont des arriérés, ils auraient pu penser à quelque chose de tellement, tellement moins idiot. Et qui soit en rapport avec la trame !
- Ouais, je vois ce que tu veux dire. En fait, il y a pas assez d'intrigue et trop de personnages.
- Exactement ! Ils s'étaient dégottés un suspect en or, du genre Hannibal Lecter ou le fou dans "Interstellar", mais à cause du déroulement de l'histoire il apparaît à peine plus de trois pages ! Moi, j'en aurais bien repris, du Japhet Sutpen !
- Ouais, c'est sûr. Mais en-dehors de ça...
- En-dehors de ça ? Tous les personnages sont cons comme des manches à balai ! D'accord s'ils sont de l'Amérique conservatrice, mais si j'étais méchant je dirais que Frank et Sam sont des versions maléfiques de Laurel et Hardy ! le shérif, tu lui enlèves l'étiquette gros dur, c'est le héros progressiste du tout venant comme on en croise partout maintenant dans la littérature à quatre sous, qui va courageusement se dresser contre les méchants avides de traditions et de religions sanglantes. Eloya dans "Résonances", Nelvéa dans "La malédiction de la licorne", Ayla dans "Les Enfants de la Terre", Oeil de Geai dans les cycles 3 et 4 de "La Guerre des Clans"...
- Écoute, c'est pas manichéen à ce point-là non plus ! Et les personnages brillent pas pour leur profondeur, c'est un fait, mais ils sont rudement bien campés ! Marty est tout à fait crédible dans son rôle d'intello sensible, la mentalité de l'Amérique profonde est bien cristallisée, à aucun moment il y a un type qui fait une action qui ne convient pas vraiment à sa personnalité, et Japhet, comme tu dis, est superbe, à la fois fascinant et terrifiant !
- T'as raison, t'as raison... Mais je reste sur ma faim... Surtout qu'ils nous expédient la fin en dix lignes ! Dix ! Si c'est pas malheureux, ça...
- En tout cas, pour une enquête courte, ça reste du bon niveau. Je pense que je vais un peu feuilleter de droite à gauche si je peux pas en récupérer d'autres dans cette collection.
- Vas-y si tu veux... (soupir) Ah là là, heureusement qu'à côté il y avait les courts-métrages que j'ai vus ! Et ça, pratiquement, c'était que du bon...