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EAN : 9791038701434
576 pages
Zulma (18/08/2022)
4.35/5   148 notes
Résumé :
Qui ne connaît pas un de ces inventeurs géniaux dont la découverte reste à jamais inconnue, empêchée ou censurée ? Phily-Jo est de ceux-là. Sa machine à énergie libre, la FreePow, est révolutionnaire. Si visionnaire et dérangeante que la mort brutale de Phily-Jo demeure un mystère pour ses proches. Meurtre ou suicide ? Est-ce le combat de David contre Goliath, une conspiration du grand capital prompt à freiner tous les progrès humanistes ? Dans un infernal jeu de po... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (48) Voir plus Ajouter une critique
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°°° Rentrée littéraire 2022 # 15 °°°

Première page intérieure : Marcus Malte ( auteur français ) s'invente un traducteur américain, un certain Edouard Dayms, nom d'un des personnages de son roman Garden of love. Mes radars n'ont rien capté, juste un petit clignotant vite éteint en mode «  tiens, c'est bizarre ». J'aurais du me méfier.

Ça démarre comme un thriller avec la mort d'un génial inventeur autodidacte Philip-Joseph dit Phily-Jo Deloncle ( tiens, le même patronyme que le fondateur de la Cagoule, organisation terroriste des années 30, rien à voir ) , 34 ans , tombé de la balustrade d'un hôtel de Dallas lors d'un cocktail en l'honneur des lauréats d'un prix scientifique. Suicide ? Meurtre ? Son beau-frère, professeur de littérature, le narrateur de la première partie mène l'enquête, persuadé que Phily-Jo a été assassiné par une organisation clandestine surnommée la Pieuvre noire qui voudrait l'empêcher de diffuser une invention révolutionnaire : la FreePow, capable de convertir l'énergie du cosmos en électricité libre, gratuite, utilisable par tous, ce qui ruinerait le business des acteurs qui profitent des énergies fossiles.

Tu crois que le récit va chercher à résoudre le mystère de la mort de Phily-Jo. Et puis non. Marcus Malte déroule les quatre parties suivantes en mode roman gigogne, changeant à chaque fois de narrateur. Les cinq parties s'enchâssent, chacune résonnant avec les précédentes, chacune apportant un regard et un éclairage sur une réalité qui s'éloigne de plus en plus du lecteur alors que celui-ci croit très souvent l'approcher.

L'emboîtement est vertigineux. Marcus Malte a construit une intrigue machiavélique dont le courant romanesque impossible à remonter vous emporte irrésistiblement. Jusqu'à une dernière partie diabolique qui brouille à nouveau les pistes et suscitent mille théories sur l'identité du narrateur. En fait, il fait essayer de remonter le courant en lisant les chapitres à l'envers et repérer les nombreux indices semés avec une intelligence folle. On est presque dans un Usual suspects littéraire tant tout est doute et instabilité.

J'ai pris un plaisir dingue à être manipulée non-stop, l'auteur nous emmenant où il veut, quand il veut et comme il veut tout en nous invitant dans le jeu. Et jeu il y a, ne serait-ce qu'avec les nombreuses références hommages à Nabokov et notamment à sa Vraie vie de Sebastian Knight ( dans laquelle un homme s'efforce de retracer l'existence de son frère écrivain et peine à démêler ce qui relève de l'illusion et de la réalité ) ou à Feu pâle qui joue avec les codes de la narration.

Ultra ludique donc mais Qui se souviendra de Phily-Jo n'est pas qu'un exercice de style creux pour public averti. C'est un roman très contemporain par les thématiques abordées, engagé même, sans que la mise en scène n'entrave la force du propos. Rarement un roman n'aura aussi brillamment abordé la question du complotisme associé la manipulation et la désinformation jusqu'à la paranoïa, mais aussi celle de la déprédation généralisée du capitalisme dans un contexte de crise environnementale. Et même la question de la peine de mort avec de longs passages dans les couloirs de la mort américains. le tout avec une humour décapant et une ironie mordante.

Jubilatoire et étourdissant que ce grand roman sur toutes les manipulations, rien par le pouvoir de la fiction. Brillantissime ! Je suis très surprise de le voir absent des principales listes pour les prix littéraires d'automne.


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Dès la première page du bouquin, j'ai eu le plaisir de découvrir le fameux Philippe-Joseph Deloncle, dit Phily-Jo, dit Phil, ou encore P. J., ou plutôt appris que cet homme qui prétendait avoir trouvé une manière de produire de l'énergie infinie et gratuite à partir du vide est mort de façon pour le moins suspecte.
Cet inventeur génial d'une machine révolutionnaire « FreePow », l'énergie libre, pousse son premier cri le 22/11/63 à Dallas, le jour même et dans le lieu même où John Fitzgerald Kennedy exhale son dernier souffle !
La mort brutale de ce visionnaire demeure un mystère pour ses proches. S'agit-il d'un accident, d'un suicide ou plutôt d'un meurtre, d'une conspiration du grand capital prompt à freiner tous les progrès humanistes ?
Gary Sanz dont la femme Michèle est la soeur de Phily-Jo est le premier narrateur et raconte sa recherche de la vérité. Comment lorsqu'il tente de parler de cette invention qui pourrait révolutionner notre industrie énergétique, il est dissuadé de continuer tant cette découverte pourrait remettre en cause le système économique capitaliste.
Bientôt Gary Sanz va se retrouver entouré de meurtres suspects, accusé puis condamné à mort, se retrouvant ainsi dans les couloirs de la mort au Texas.
Un autre narrateur entre en scène alors, convaincu de l'innocence de Gary et particulièrement intrigué par ce complot qu'il dénonçait.
D'autres encore, dans un infernal jeu de poupées gigognes vont se lancer tour à tour dans cette quête de vérité.
Marcus Malte avec un humour décapant, une imagination débordante et une parfaite maîtrise du récit, cet expert en manipulations aussi bien des personnages que du lecteur m'a emportée dans son délire de « Pieuvre Noire », subjuguée et époustouflée par toutes les thématiques que ce roman aborde et qui évoque maintes situations actuelles, le rendant très contemporain.
J'ai suivi avec un immense intérêt les pérégrinations des différents héritiers et disciples de Phily-Jo. Ils m'ont emmenée au coeur du Texas, ses couloirs de la mort vraiment terrifiants, impensables à notre époque dite évoluée et son pétrole qui occupe une place bien trop prépondérante pour laisser une quelconque ouverture à la moindre nouvelle invention ou découverte dans le domaine de l'énergie.
Marcus Malte dénonce dans ce roman la malfaisance du capitalisme, "la plus grande arme de destruction massive que l'homme a créée", décortique également les mécanismes d'adhésion aux théories du complot et la manipulation.
J'ai fait connaissance en fin d'ouvrage avec ce triste sire Edward Bernays, passé maître dans la manipulation de l'opinion publique. Il est considéré comme le père de la propagande politique et d'entreprise, ainsi que de l'industrie des relations publiques qui ont fortement contribué à développer le consumérisme américain.
Un humour omniprésent traverse ce roman et ce depuis la toute première page où, sous le titre, Qui se souviendra de Phily-Jo ?, il est noté : « Roman traduit de l'anglais (États-Unis) par Edouard Dayms » alors que Marcus Malte est un auteur français !
L'histoire se passant aux États-Unis avec des personnages américains et ne sachant pas que cet Edouard Dayms était le personnage d'un précédent roman de l'auteur, je dois avouer que j'ai un peu douté…
Outre la manipulation, sujet développé splendidement et dans sa totalité, ce qui m'a particulièrement plu dans ce bouquin, c'est la mine d'informations que Marcus Malte délivre dans ce récit, nous obligeant par là-même à méditer sur notre monde, tout cela servi avec un humour défrisant.
Je dois dire que, par exemple, la description de cette vieille tante Tacolie ou la rencontre avec cet avocat sosie de J.R. m'ont bien fait sourire !
Si ce n'étaient les 570 pages, ce roman de toutes les manipulations comme l'annonce le bandeau, je le relirais illico, tant il est riche, drôle, brillant et tellement addictif !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Coup de coeur pour ce coup de maître. Je suis scotchée par la performance littéraire de l'auteur. Cinq parties composent ce roman , pour chacune il y a un narrateur différent qui a connaissance des récits précédents, ce qui donne une construction à étages à la manière des poupées gigognes russes.
Le roman commence par la mort de Phily-Jo. le narrateur est son beau-frère, Gary Sanz, professeur cultivé, poète publié mais méconnu. Au demeurant ce sera lui le personnage principal du livre. Il nous raconte avec humour la vie et la mort de son beau-frère, inventeur méconnu d'une machine à capter une énergie libre et gratuite qu'il a baptisé FreePow. Accident ? Suicide ? Meurtre ? Gary Sanz s'interroge, doute, mène l'enquête : Phily-Jo était-il un fou ou un génie ? le récit est émaillé de rimes faciles (soulignées par un certain Deon Zubrinsky),il y a des scènes d'humour d'anthologie avec l'accouchement de Daisy, mère de Phily-Jo (et donc la naissance de celui-ci) le 22/11/63 au Parkland Memorial Hospital de Dallas pile au moment où J F Kennedy y meurt , toute seule, abandonnée par tout le personnel médical, le personnage de la vieille tante Tacolie (et tac, au lit!) ou celui de l'avocat sosie de J.R (l'action se passe à Dallas!). Tout cela est jubilatoire et sent le pastiche. le lecteur se pose d'autant plus de questions que dans le récit de Gary Sanz sont inséré de temps en temps des pages dont il est évident que l'auteur n'est pas lui. Soudain ce récit s'arrête (à peu près au tiers du roman), Gary a été arrêté pour meurtre. Lequel ?
La deuxième partie (intitulée Qui se souviendra de Gary Sanz ?) a pour narrateur Dipak Singh, étudiant qui s'intéresse pour sa thèse aux condamnés dans le couloir de la mort. Très vite il pense Gary innocent et se transforme en enquêteur avec l'aide d'une jeune avocate, Barbara, qui, au contraire penche pour la culpabilité de Gary, mettant en doute le premier récit, en relevant toutes les ambiguïtés du texte. Un peu à la manière de Pierre Bayard, mais avec son propre texte, Maltus Malte décortique le premier récit, montre les trucs d'écrivain, montre aussi pourquoi un même récit ne résonne pas de la même manière pour chaque lecteur (Dipak / Barbara). Peu à peu le narrateur Dipak se met à écrire à la manière de Gary, qui en fait pastichait Nabokov tout en semant son texte de références littéraires, mais aussi musicales (dont les trois maris de tatie Tacolie et ses trois cochons). C'est jubilatoire. Mais le récit de Dipak lui aussi prend fin (on ne saura pourquoi que bien plus tard).
Avec la troisième partie le style change, cette fois la forme est celle du journal de Sylvia alias Quanah quand elle joue en ligne, schizophrène et bipolaire (ou vice-versa), amoureuse de John (un cactus sur son balcon) et soeur de Barbara qui a disparu (sa disparition redonne du crédit aux narrateurs précédents). C'est désopilant tant paranoïa et naïveté y font bon ménage, pour le plus grand bonheur du complotisme, du grand tragi-comique qui ne peut pas bien finir. Exit Sylvia.
C'est là qu'intervient Ross Pierce, ancien policier à la retraite qui reprend l'enquête sur la disparition de Barbara, et surtout sur l'innocence ou la culpabilité de Gary. Ce quatrième narrateur reprend tous les éléments dont les trois récits précédents et démonte tout, pour lui tout cela est bien plus simple que ça en a l'air. "Ne vous rendez jamais à l'évidence"
Et enfin arrive la dernière partie, la plus étrange par la forme, avec une série de pièces à conviction (réelles et imaginaires), pour introduire un réquisitoire en règle contre le système capitaliste à bout de souffle, une analyse glaçante de nos sociétés, il exprime l'urgence climatique et la colère contre les manipulations. On croirait lire Naomi Klein ou Viviane Forrester, humour noir en prime, et rire amer. En même temps le narrateur de cette partie n'est pas identifié, il s'agit d'une jeune femme (Barbara?) qui plus est elle dialogue avec un homme (l'auteur?), et il y a aussi des textes sur une ( ? autre) jeune femme (Sylvia?), entre parenthèses et en italiques, internée ou emprisonnée.
Le lecteur en sort avec le vertige. Que croire ? Qui croire ?
« C'est l'un des principes du conspirationnisme : on s'empare d'un fragment au départ insignifiant, on le grossit, on le brandit et on n'hésite pas à le tordre, à le retailler, à en redécouper les contours afin de pouvoir l'insérer à tout prix dans le puzzle. » de qui finalement, en détournant les gens des combats essentiels, les théories conspirationnistes farfelues font-elles le jeu ?
"Ne vous rendez jamais à l'évidence". En fait l'auteur nous l'avait signalé par un clin d'oeil dès la première page (celle où il y a le titre et qu'en général on ne lit pas) : il y est écrit « Roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Edouard Dayms » alors que Maltus Malte est un auteur français aEdouard Dayms est le nom d'un des personnages de son roman Garden of love. La couleur était annoncée : le sujet du roman est la manipulation de la vérité. Et ce roman allie son propos, très moderne par les thématiques qu'il aborde, à une forme ludique, à la limite de l'exercice de style pur, sauf que cette forme est au service du contenu et lui donne de la force. Avec cette construction tout en mises en abyme l'auteur arrive à faire le tour de nos croyances et certitudes, le lecteur n'est pas prêt de découvrir avec certitude ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, ce qui relève du complot machiavélique (pas besoin de Grand Complot, ce qui relève des Relations Publiques est déjà pas mal) ou du délire paranoïaque.
Maltus Malte nous rappelle que lorsque nous lisons de la fiction, nous acceptons de croire à quelque chose dont nous savons que ce n'est pas réel et nous plaçons dans un monde où tout est censé avoir une raison d'être, une justification, une explication (mais dans la vraie vie ce n'est pas toujours le cas). L'écrivain de fiction serait donc le plus parfait des manipulateurs.
Bref ce roman est particulièrement brillant. Et j'ai du mal à comprendre pourquoi ce livre n'a obtenu aucun prix.
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Comment ce livre-là a-t-il pu échapper aux prix littéraires ? Une seule explication : la Pieuvre Noire a déployé ses tentacules mortels jusque chez nous ......
Je pars à noia un peu vite sur ce coup là mais il faut dire que Marcus Malte a mis le paquet.
Sans les critiques de Cancie et de Kirzy, j 'aurai sans doute abandonné ce livre au bout de quelques dizaines de pages tant il est déstabilisant . Et puis j'ai été totalement happé . Jusqu'aux dernières pages.
Il s'agit d'un de ces rares livres où la forme est intriquée avec le fond. On parle ici de manipulation bien sur .

Le livre est là , sur le chevet blanc aux angles arrondis, dans la chambre sécurisée de la clinique où je vais passer quelques semaines tranquillou, bien au chaud et totalement protégé. Quoique... Il y a ce type avec ces Nike Air qui vient faire mon injection journalière . de toute façon, je n'ai pas le choix. Marcus m'a convaincu que c'était le meilleur endroit où aller. Il prend d'ailleurs à sa charge une partie des frais .
A coté du livre il y a le document de Dipak qui contient le livre de Gary Sanz et celui de son alter égo Deon Zubrinsky. J'ai aussi le journal de Sylvia et le rapport de Ross Pierce, l'ancien du FBI. J'ai aussi un dossier médical étrange qui est à mon nom mais dans lequel je ne me reconnais absolument pas.
Marcus m'a dit de prendre mon temps, de bien tout lire et relire.
Je me suis bien marré avec les noms des 3 verrats : Charlie, Thelonious et Bud. Marcus est dingue de jazz, c'est aussi un excellent musicien.
J'aurais aimé connaitre Barbara. Elle était si charmante, une vraie princesse. Mais Sylvia/Quanah , sa soeur, est une vraie bombe. La lecture de son journal a été pour moi aussi tragique que réjouissante.
Je sais désormais qui sont les vrais coupables. Une sacrée listes de prédateurs qui contrôlent la plupart des institutions aux Etats Unis et ailleurs...
Je n'avais pas écrit sur Babélio depuis un petit moment. Je ne pouvais pas. Trop de brouillard dans ma tête. Toutes ces révélations . Toute cette poésie. Tout ce Réel. le couloir de la mort. Mais ça y est, je reviens tout doucement.
Merci Marcus. Tu es un génie.

Bon, vous l'avez compris ce livre diabolique vous emporte totalement. Truffé de références littéraires et musicales c'est aussi un roman engagé.Marcus Malte travaille sur la manipulation , joue avec les codes de la narration pour mieux dénoncer . On apprend beaucoup sur ceux qui sont aux manettes de la désinformation , sur les acteurs du réchauffement climatique, sur les empoisonneurs...
Mais chut ! Lisez, vous comprendrez.
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Ce roman, Qui se souviendra de Phily-Jo ?, m'a procuré des sensations incroyables, restées imprimées dans ma mémoire, à peine atténuées par un dernier chapitre qui m'a moins plu. J'y reviendrai.

Je ne sais pas comment se présente le livre broché, s'il dispose d'une table des matières. Dans la version de ma liseuse Kindle, il n'y a pas d'indication sur le plan de l'ouvrage. Etait-ce une volonté de l'auteur ou s'agit-il d'un loupé dans l'adaptation numérique ? Toujours est-il que je me suis lancé à l'aveugle dans les presque six cents pages du livre : une expérience extraordinaire !

Tout commence à Dallas, Texas, par la mort tragique de Philippe-Joseph Deloncle, Phily-Jo pour les intimes, P.J. pour les plus pressés. Accident, suicide ou meurtre ? Il se trouve que P.J. était le concepteur d'une théorie sur la présence d'énergie dans le vide, une révolution copernicienne selon lui, une mystification pour des observateurs accrochés à des intérêts inconciliables. Phily-Jo était aussi le constructeur d'une machine expérimentale, la FreePow, supposée démontrer le sérieux de sa théorie : un appareil capable de fabriquer de l'électricité à partir de l'énergie du vide, une matière première libre et gratuite. de quoi faire frémir les grands fournisseurs d'énergie fossile !

Exit Phily-Jo, donc ! Mais où est passée sa machine ? le narrateur, Gary Sanz, un professeur de littérature qui taquine la muse à ses heures perdues, mène des investigations troubles et troublantes, en compagnie de sa femme, la belle Michelle, laquelle n'est autre que la soeur de Phily-Jo.

Les aventures que raconte Gary sont passionnantes et leur lecture est jubilatoire. L'auteur multiplie les clins d'oeil. le texte est écrit comme s'il était la traduction française d'un roman américain ; l'idée n'est pas nouvelle, Boris Vian s'y était déjà frotté, ce qui ne gâche ni le mérite de Marcus Malte ni le plaisir du lecteur. La narration est émaillée de commentaires incidents, posés entre parenthèses, empreints d'humour et d'autodérision. L'auteur nous balade dans des digressions inattendues, longues, passionnantes. Tout cela forme un bavardage truculent et fascinant, dans lequel on est un peu perdu au début. Mais le charme opère et l'on y prend goût.

Soudain, surprise ! Sans signe avant-coureur, après deux cents pages et un nouvel événement tragique dans l'entourage familial de Gary, voilà qu'apparaît le titre du deuxième chapitre : Qui se souviendra de Gary Sanz ?. Changement radical de ton ! Sous la plume d'un nouveau narrateur et sur le modèle d'une enquête très sérieuse, il est question de la population carcérale aux Etats-Unis, plus particulièrement de la peine de mort et de ce qu'on appelle le « couloir de la mort ». Que vient faire là ce documentaire pour le moins inattendu ?… Ce n'est qu'une transition très habile. On retrouve Gary… dans un contexte différent. La fiction romanesque est relancée…

On est alors à peine à la moitié du livre et l'on n'en a pas fini avec les questionnements, les surprises et les rebondissements gigognes. Et l'on n'est pas prêt non plus de découvrir avec certitude ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. Complot machiavélique ou délire paranoïaque ? Ne comptez pas sur moi pour vous en dévoiler plus. D'ailleurs, ai-je moi-même forgé ma propre conviction ?

L'auteur présente des arguments scientifiques solides et s'appuie sur des références littéraires bluffantes. le personnage de Phily-Jo est inspiré du parcours singulier de Nicolas Tesla, un inventeur génial et fantasque auquel notre confort d'aujourd'hui doit beaucoup. L'auteur évoque largement Vladimir Nabokov, un écrivain souvent qualifié d'enchanteur, qui l'a inspiré dans ce roman où alternent réalisme et artifice : de quoi se jouer du lecteur, qui ne sait plus très bien ce qu'il doit croire.

Le dernier chapitre est très subversif. Marcus Malte ne cache pas ses convictions d'extrême gauche. Il passe de la manipulation en littérature à la manipulation en politique. Des « pièces à conviction » prétendent prouver que les esprits sont manipulés par les grandes sociétés américaines du secteur de l'énergie (pétrole, gaz, électricité) et par le capitalisme en général. Un manifeste politique pas très original et qui n'apporte rien au roman. Car finalement, qui essaie de manipuler qui et dans quel sens ?

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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critiques presse (2)
LeMonde
07 octobre 2022
Marcus Malte, avec Qui se souviendra de Phily-Jo ?, fait le choix d’un foisonnant vrai-faux roman américain.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
01 septembre 2022
L’auteur du « Garçon», récompensé  du Femina, revient avec un roman malin et brillant, paranoïaque et drôle, sur le doute et les manipulations.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
Ce monde n'est pas fait pour les poètes. Il est taillé pour les gangsters et les avocats. Pour les courtiers. Pour les chasseurs de primes et les capitaines d'industrie. Pour les pionniers et les entrepreneurs. Pour Buffalo Bill et Davy Crockett, pour Edgar Hoover, pour Rockefeller, pour Ronald Reagan et J. R. Ewing. Regardez: qui a gagné? Les bisons sont morts, les Indiens sont morts, Sitting Bull et Geronimo et Black Hawk et Crazy Horse, et Poe a crevé comme un chien dans une rue boueuse de Baltimore, et Emily Dickinson s'est recluse dans sa chambre, et Percy Bysshe Shelley, paria, réprouvé, s'est noyé à pas 30 ans, mais il y a toujours des millions de bébés Ford en circulation. Je ne comprends pas.
Pourquoi ne recherche-t-on pas tous la beauté? Pourquoi n'aspire-t-on pas tous à la paix, à l'harmonie? Pourquoi la violence, la force brute, l'asservissement? Pourquoi le cumul et non le partage?
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… Tante Tacolie était une petite bonne femme d’environ un mètre cinquante, sèche comme un coup de trique. Elle portait un chemisier boutonné jusqu’en haut du col, et du même gris anthracite une jupe ample, informe, en toile de jute ou quelque autre matière de la sorte, articles que la mère de la mère de sa mère avait dû acheter par correspondance dans un catalogue Sears de 1910 et qui juraient avec la casquette rouge à l’effigie des Giants qui lui couvrait le chef et de laquelle dépassait, à l’arrière, une longue natte à la mode indienne qui lui tombait au creux des reins et qu’elle n’avait pas dû délier ni shampouiner depuis la bataille de Little Bighorn. Ses jambes maigres et roides comme des piquets de clôture s’enfonçaient dans d’épaisses chaussettes avachies en accordéon sur des chaussures de marche disproportionnées, du type rangers (j’apprendrais plus tard qu’elle les prenait trois pointures au-dessus à cause de ses cors douloureux), dont le poids excédait certainement celui de ses cuisses. Mais le plus surprenant restait sans doute c qui lui tenait lieu de lunettes de soleil net qui était cette sorte de masque dont s’affublaient les pilotes d’avion de la Première Guerre mondiale, avec une monture en cuir et deux petits hublots ronds et opaques qui lui donnaient un air de chat-huant (j’apprendrais plus tard qu’elle souffrait d’une dégénérescence maculaire qui la rendait lentement aveugle – la clarté du jour était pour ses yeux un martyre).
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Edward Bernays, dis-je, a compris comment mener les foules. Comment les faire aller là où il veut, ou, plus exactement, là où ses clients (ceux qui le rémunèrent grassement à cette fin) le souhaitent. Dès 1917, c’est lui qui parvient à retourner l’opinion publique américaine pour lui faire accepter l’entrée en guerre des États-Unis. En 1924, il est payé pour faire élire Coolidge à la présidence. En 1932, il fait voter pour Hoover. Entre-temps, il publie un essai, sobrement intitulé Propagande, dans lequel il explique les principes et mécanismes qu’il a mis au point et qui permettent, au fond, de tout vendre au plus grand nombre : du parfum, du savon, des cigarettes, des voitures, des présidents, la guerre, la paix, le bonheur, la démocratie, la tyrannie – absolument tout. L’un de ses plus fervents lecteurs s’appelle Joseph Goebbels, qui saura remarquablement mettre en pratique ses théories afin d’éduquer le peuple allemand.
Cependant, Edward Bernays a aussi très vite et très bien compris que « propagande » était un vilain mot. Il lui substitue donc les termes plus policés de « relations publiques » et invente dans la foulée le métier qui va avec : «  conseiller en relations publiques ».
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Mon amour, ne confonds pas opération séduction et opération commerciale. Si tu veux m’offrir des fleurs, fais-le un autre jour, hors du calendrier promotionnel. Et, par pitié, va les cueillir toi-même dans un champ. Qui fait pousser les roses du marchand ? Ce sont des ouvrières équatoriennes qui taillent trois cents tiges par heure pour trois cents dollars par mois et qui bouffent du pesticide à longueur de journée. Tu sens ce parfum, mon chéri ? C’est le doux fumet des fongicides et des néonicotinoïdes. Ça pique le nez.
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Qu’esse vous croyez, vous les jeunes ? Qu’vous avez inventé la révolution sessuelle ? Mes fesses, oui ! D’mon temps, l’était pas rare qu’une gamine ait vu l’loup avant même de savoir où s’trouvait la forêt ! M’ont bien fait rire tous ces hippies et compagnie avec leurs p’tites fleurs dans les ch’veux. Moi, à leur âge, y avait lurette que j’l’avais perdue, ma fleur ! Et les pétales avec !
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Videos de Marcus Malte (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcus Malte
Quand le livre se penche sur la figure de l'inventeur, matière à fiction et à recréation. Olivia Gesbert reçoit Marcus Malte, écrivain et auteur de Qui se souviendra de Philly-Jo ? (Zulma, août 2022), dont l'inventeur éponyme est le génial créateur de la FreePow. Et Miguel Bonnefoy qui publie quant à lui L'inventeur (Rivages, août 2022), qui se penche sur la figure de Augustin Mouchot, découvreur au XIXe siècle de l'énergie solaire.
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