Citations sur L'opium et le bâton (22)
"Vue de haut , la beauté d'Alger paraît fragile et contradictoire..
En face, le mur de la mer tout de suite dressé contre l'horizon...
A droite et à gauche, les collines des hauts de la ville poussent leurs pentes raides jusqu'au ras de l'eau ..
Dans l'entre- deux , Alger écrase dès le quai l'amoncellement blanc des maisons basses que la giclée de deux ou trois gratte- ciel coupe sans déparer.
Les petits cubes accrochent sur les pentes la diversité multipliée de leurs nuances et de leurs formes ........."
Séduire ou réduire, mystifier ou punir, depuis que le monde est monde, aucun pouvoir n'a jamais pu sortir de la glu de ce dilemme.
Avec un bon règlement la vie du guerrier est un plaisir. On sait à chaque jour de l' année , à chaque heure du jour ce qu'il faut dire et faire. Rien n'est laissé au hasard de l'inspiration ou affres de la découverte .Le règlement a tout prévu , tout dit il a aussi tout codifié : les attitudes ,les paroles ,les pensées , les hiérarchies, surtout les hiérarchies qui sont indiscutables,, indiscutées, soulignées au trait jaune ou blanc par un galon qui ne souffre pas d'imprécision .
- Ça ne tient à rien la culture. Une mince pellicule fragilement posée sur un fond solide de barbarie.
"Le soleil n'envoyait plus de derrière la montagne où il s'était enfoncé dans des nappes de sang qu'une vague lueur violette sur le fond d'un ciel pâle .. Bientôt de toutes petites flammes éparses piquèrent le plateau.. Au loin par intervalles des chiens aboyaient .La lune se leva, gros morceau de fer rouillé ballant dans l'étang bleu ."
Pourtant ce qui se passe dans ce pays depuis trois ans aurait dû te guérir de la comédie. Il y a tant de sang, tant de souffrance, tant de morts. Mais non. Le sang tu crois que c’est de la teinture ; les morts étalé par dizaines dans ton journal chaque matin tu attend qu’ils se lèvent après la représentation, et pour un peu tu irais les féliciter après la pièce dans les coulisses…
Dans quelques années quand je te rejoindrai, tes yeux morts ne reconnaîtront plus les os durcis, ma peau ridée, l' éclat terni de mes yeux qui s'ouvraient pour te voir. Tout le monde disait que je suis belle .Tu ne me l'as jamais dit . Tu n' en avais pas le temps. Peut-être aussi que tes yeux braqués sur d'autres visions ne le voyaient pas .
Et puis on l'avait envoyé dans l'Aurès, un Djebel perdu, où rien de ce qui arrivait, absolument rien, ne lui avait été enseigné à Saint-Cyr ni ne se trouvait dans aucun règlement.
Ceux d'en face n'ont jamais été à l'école, ni la vraie ni même les autres, où ils auraient au moins appris à marcher au pas.Ce sont des gardiens de chèvres à qui on a mis un fusil de chasse entre les mains et qui s'en servent comme ils faisaient de la charrue ou de la faucille: avec la même application serieuse, le même désir que ça réussisse.La guerre pour eux n'est pas un jeu grisant plein de panache.
Ils attendent la moisson, les bouseux, comme si la guerre ne se suffisait pas à elle même, comme si à la guerre on moissonnait autre chose que des coups, des morts, des galons, des décorations...Ils la font plus par necessité que par vocation.C'est à vous dégoûter de porter l'uniforme.
Ramdane dit que la vieillesse c'est quand votre passé, même nul, pèse tant sur votre présent qu'il vous étouffe, vous ligote... et aussi des rides aux coins des yeux.