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Critique de madameduberry


C'est avec sa part réservataire, héritée d'un père volage, dépensier et quelque peu indifférent, que Michèle Manceaux achète en 1963 sa maison de Neauphle-le-Château. A l'époque ce village perché sur une colline à 35km de Paris, n'est pas célèbre. S' y est déjà installée Marguerite Duras, dont la relation avec Michèle Manceaux sera décrite par cette dernière, dans l'Amie. Plus tard, dans les années 70, y vivra aussi un réfugié politique encore peu connu: l'Ayatollah Khomeiny !
Michèle Manceaux s'est-elle séparée de cette maison lorsqu'elle en écrit les riches heures, ou bien a-t-elle eu recours à l'écriture pour fixer le passé avant de la vendre? Peu importe en somme, puisque la logique de la vie et de l'extinction des liens anciens aboutit à ce dénouement, comme on dit fort justement.
Cette maison abrita des rires, des drames, des pleurs, des deuils, comme toute maison. Justement, c'était le but de Michèle Manceaux, construire un abri familial pérenne, une halte pour les amis, un hâvre d'inspiration pour les artistes, un lieu sûr où poser ses angoisses et ses peines d'éternelle apatride, à l'enfance sans toit stable et sans protection affective solide.
Ce livre est généreux, car il y fait de nombreux portraits , certains touchants et tragiques, d'autres cocasses et hauts en couleurs. Sa maison est aussi la maison des autres, qui s'y arrêtent ou s'y attardent.
L'enfance et l'adolescence de son fils et de ses deux filles adoptives, "les petites blondes", y sont retracées avec émotion et ce récit amène des réflexions profondes sur la solitude des souvenirs que l'on croit partagés. Car la jeune génération a vécu, elle , sous les cerisiers, des moments aussi sombres que notre écrivaine, son amour maternel ne les protégeant pas de tout, et notamment pas de l'angoisse d'exister. Les accidents d'automobile tiennent une part importante dans ce récit des trente glorieuses où l'on appuyait insouciamment sur le champignon, et où la ceinture de sécurité n'existait pas: deux mortes et une blessée grave dans ce livre, et rappelez-vous: Camus, Nimier, Sagan, Jonnhy et Sylvie, et j'en passe. Toute une époque.
Les accidents de la vie, aussi: les séparations, les abandons de famille, l'alcoolisme, le suicide, les dépressions nerveuses, le chômage, déjà.
Mais aussi les retrouvailles, l'amitié, les naissances, les bonheurs de l'été.
On se demande alors avec l'auteur ce qui la pousse à vendre ce décor d'une, de plusieurs vies. Elle nous donne une clé en rapprochant son travail harassant de tri des objets,( car une maison c'est aussi ce qu'elle contient), du travail de deuil que fit Lydia Flem après la mort de ses parents. Travail physique et psychique rapporté dans le beau livre: "Comment j'ai vidé la maison de mes parents".
Ici, Michèle Manceaux se fait assister d'un homme qui ne cesse de lui opposer un visage fermé, témoignant une hostilité à cette démarche à laquelle il apporte son concours cependant.
Elle comprend à la fin la raison de son hostilité quand il finit par lui dire: "Cette maison c'était comme une personne" Ce "meurtre" ainsi qualifié est pourtant celui par lequel Michèle Manceaux doit en passer pour continuer son chemin de vie, en conservant un certain bonheur à évoquer des plaisirs qui ont été et qui ne sont plus.
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