Cet été, avant d'arriver à la boîte aux livres du village où j'étais en vacances, je me suis dit : "tiens, depuis le temps que j'en entends parler, j'aimerais bien trouver un
Jean-Patrick Manchette, et pourquoi pas
La position du tireur couché." Et hocus pocus, dans la boîte à livres, mon voeu fut exaucé. Excellente anecdote, n'est-ce pas ?
Bon, finalement, je ne l'ai lu que 4 mois plus tard, mais voilà, c'est fait. le maître du hardboiled à la française.
Ce fut assez déconcertant, en vérité. Des phrases lapidaires, à l'emporte-pièce, sans beaucoup de mots, on va à l'essentiel. Des descriptions systématiques de toute personne ou tout lieu rencontré : les meubles, les fringues, la moquette, les cheveux, les objets qui traînent, même les plus insignifiants. Leur marque, aussi, ah ça, c'est essentiel pour l'auteur. La marque des bagnoles, des clopes, des fringues, de l'alcool... J'avoue que ça m'a assez rapidement agacé, j'avais l'impression d'être en train de faire mes courses dans un supermarché de la fin des années 70.
Mais ce qui est probablement le plus perturbant, c'est l'absence totale d'émotion des personnages – tous les personnages. Une femme qui jusqu'à présent a eu une vie tout à fait ordinaire voit d'un seul coup son mari et je ne sais combien d'autres personnes se faire buter sous ses yeux ? Qu'à cela ne tienne, non seulement elle ne cille pas, mais elle participe volontiers au massacre et en redemande.
En tant que lecteur, on ne ressent du coup aucune émotion, aucune empathie pour les personnages. On s'en fout. Comme eux, en fait. Et pourtant, j'avoue, je me suis pris au jeu... J'avais l'impression d'être dans une sorte de monde parallèle, mais j'avais quand même envie de continuer.
Sauf que dans le dernier quart, là ça part vraiment – trop – dans tous les sens. D'un seul coup, ce n'est plus seulement les personnages et le lecteur qui s'en foutent, c'est l'auteur.
Deuxième coïncidence, il se trouve que la veille de le terminer, j'ai revu "Le magnifique", film de 1973 avec Belmondo, que je n'avais pas vu sans doute depuis plus de trente ans. À la fin du film, l'écrivain de "romans populaires" (très, très populaires), fatigué, blasé et déçu de son éditeur, bâcle son dernier bouquin en ridiculisant ses propres personnages... Eh bien c'est exactement l'effet que m'a fait la fin de
la position du tireur couché.