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Georges-Michel Sarotte (Traducteur)
EAN : 9782021005912
403 pages
Seuil (01/01/2011)
3.5/5   75 notes
Résumé :
En Iran, Sara et Dara s’aiment malgré la séparation des sexes instaurée aussi bien dans la rue que dans les jardins publics ou les bibliothèques. Les messages codés inscrits dans les livres de la bibliothèque alternent avec des promenades se transformant en partie de cache-cache avec les miliciens.
Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
3,5

sur 75 notes
Comment peut-on être persan et amoureux ? Être amoureux à Téhéran, est-ce pareil qu'être amoureux à Paris, New York, Moscou, Tel Aviv ? Et même, de plus en plus fort, Mesdames, Messieurs, comment peut-on écrire un roman d'amour en Iran?
De vous à moi, c'est un euphémisme de dire que je connais mal la littérature iranienne. Si l'on excepte un détour par le très plombant et rapidement avalé La Muette de Chahdortt Djavann, disons que j'ai comme un blanc entre les quatrains d'Omar Kayyham et Marjane Satrapi. 1000 d'inculture, au bas mot. Et que je ne sois pas la seule dans ce cas n'est pas vraiment une excuse, n'est-ce pas ?
Inculte en la matière comme en tant d'autres, je sais de l'Iran ce que me souffle l'air du monde comme il va : dictature religieuse, uranium, droit de rien du tout. Alors, d'approximations en méconnaissance, sommes-nous condamnés à regarder ces persans sans rien chercher d'autre qu'un exotisme rendu menaçant par un contexte géopolitique plus que délicat ?
Or c'est tout le propos de Mandanipour que de rappeler que non, l'Iran ne se réduit pas à 30 ans de piétinement systématique des droits fondamentaux (par ailleurs bien plus ancien que la chute du shah), qu'il s'agit toujours et par devers tout de l'une des plus vieilles civilisations du monde et que, partant, surtout !, c'est une terre d'histoires. de contes, de poèmes, d'images. de romans. D'où le paradoxe fondateur : pourquoi et comment dans un pays dont la langue est si riche qu'elle peut sans fin inventer des métaphores sexuelles qui ne se répètent jamais est-il impossible d'écrire un malheureux récit d'amourette entre étudiants ?
En censurant un roman d'amour iranien n'est pas un roman d'amour. C'est l'histoire d'un roman qui tente de prendre forme, une manière de brouillon magnifique, revendiqué, bordélique à souhait. On suit vaguement l'histoire des amoureux de Peynet nouvelle formule, Sara et Dara ainsi nommés en hommage aux petits personnages des livres de lecture des écoliers iraniens. Sauf qu'ils ne sont jamais seuls, parce que leur auteur souffre visiblement du complexe de Dieu (oui, pléonasme, tout ça, je sais) et parce que c'est le pays qui veut cela, semble-t-il. Et parce que les plans se mélangent, les réalités s'interpénètrent. le fictif, le sur-fictif, le biographique, tout en même temps. Au premier plan, l'histoire de deux amoureux, très, très, très romanesque et donc très, très, très peu crédible. Il l'aime, il la cherche, il la séduit – chastement, ô combien chastement – elle hésite entre l'amoureux pauvre mais intègre, et le prétendant riche et parvenu, il se fâche, elle hésite un peu moins, etc., etc., etc. C'est mignon et d'un intérêt artistique digne d'un nanar Bollywood, avec en sus le risque permanent de finir lapidé dans un stade. Au détour d'un tendre tête-à-tête au dialogue stéréotypé resurgit l'actualité brutale, comme le fait – sordide – que le seul endroit où un homme et une femme peuvent se côtoyer sans crainte et donc se donner rendez-vous, c'est la salle d'attente des urgences. Quelques mètres plus loin, mirage d'Haschischin et de colporteur d'onguents magiques, fantômes de poètes morts et d'assassinés, souvenir de deux mille ans de littérature, silhouettes réchappées d'autres histoires, de la grande Histoire, trois petits tours et puis s'en vont…
Face à cela, l'Iran d'aujourd'hui, une dictature, une machine à broyer la pensée, l'art, l'humain. Sara est étudiante en littérature, oui, mais toute oeuvre de moins de 200 ans interdite et il n'existe pas de livre qui ne soit pas caviardé par la censure. Dara était étudiant en cinéma, oui, mais communiste également : plusieurs mois de prison et d'isolement plus tard, il est rayé des listes de l'université, ne soutiendra jamais sa thèse parce que tout simplement, il n'existe pas. Méthodiquement déconstruit par l'administration, Dara est peintre en bâtiment. L'administration, justement, thème universel s'il en est - rappelez-moi de vous faire une Page Arrachée à ce sujet. Comme si rien ne rapprochait plus les peuples que de devoir passer six heures devant un guichetier revêche ceint d'une armada de procédures contradictoires : la référence à Kafka est manifeste, assumée (la thèse avortée de Dara portait d'ailleurs sur l'adaptation par Orson Wells du Procès. Ironie du sort). Terrifiante. Affolante de bêtise (voir la scène tragi-comique où l'auteur essaie de faire enregistrer les prénoms de ses enfants). Elle ne broie pas l'humain, elle le découpe en petites cases disjointes. L'autre versant de l'administration, c'est la censure, incarnée, entre autres, par ce fonctionnaire chargé de visionner tout programme avant sa diffusion. Un aveugle, au sens propre.
Pendant ce temps-là, entre les plans, se promène notre auteur… Je fais la maline depuis le début de cet article en faisant des références à la mords-moi-le-doigt à la littérature des Lumières, mais le fait est qu'on y pense souvent. Non pas tant à Montesquieu qu'à Diderot et Jacques le fataliste, car l'auteur-narrateur ne cesse haranguer son lecteur, de se moquer gentiment de ses attentes de lecteur de roman. « Demandez-moi comment… et je vous répondrai… » ne cesse-t-il de répéter, ce que l'on peut aussi lire comme un souvenir des poèmes épique, dont les refrains et retours soutiennent la narration et aident à la mémorisation. L'auteur occupe le devant de la scène, partout, sans arrêt, dans un style brillant-voyant tout en (auto)dérision et effets de manche parfaitement assumés. Grosses ficelles ? Un peu, mais il s'amuse manifestement, et nous avec (moi avec, en tout cas – j'avoue être bon public et avoir éclaté de rire et de bon coeur à une ou deux reprises). Face à lui, sa Némésis, le censeur Pétrovitch. On se souviendra que c'est par ailleurs le nom du juge qui condamne Raskolnikov au goulag. le Pétrovitch iranien, lui, poursuit le malheureux romancier à chaque page, de sorte que celui-ci finit par intérioriser son censeur, prévoir les mots à biffer, pensées à dissimuler. Tel est le véritable danger : ne plus pouvoir penser une littérature libre. S'interdire de concevoir, à l'instar de cet homme aux pensées traquées. C'est le sens du titre, ce me semble : écrire EN censurant, dans le même temps. En psychologie, cela s'appelle une injonction contradictoire et cela rend non seulement incapable d'agir mais également cinglé. Comment ne pas devenir cinglé ? En écrivant. Oui mais alors… ?

La véritable intrigue du roman, on l'a compris, est bien d'écrire un roman, et pour ce faire l'auteur lutte pied à pied avec les institutions, sa propre «iranité», la littérature en général qui hante les pages par paquets de 10 références. Épuisant. Presque épuisant à lire, d'ailleurs, trop brillant, quasi clinquant, trop dense et il est difficile d'oublier que les deux protagonistes n'ont aucun intérêt, même si c'est fait exprès. L'auteur lui-même finit par totalement s'en désintéresser pour mieux souligner l'amer constat qui émerge du chaos final : écrire un roman d'amour iranien, ce n'est pas possible. Est-ce seulement souhaitable ? Sous couvert de galéjades, d'anecdotes, de set de ping-pong avec le lecteur, le propos est plus que pessimiste. La lecture, elle, reste en demi-teinte
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Shahriar Mandanipour est amoureux de son pays, l'Iran, mais l'amour ne rend pas forcement aveugle n'est-ce pas ?

S'aimer librement en Iran est quasiment impossible. Publier un livre évoquant ce brûlant sujet est interdit.

Alors dans ce livre plein d'humour et de références culturelles ou religieuses, il imagine une histoire d'amour entre Sara, jeune étudiante et Dara devenu peintre en bâtiment après avoir dû abandonner ses études.

Avec malice, il imagine même que ce roman sera publié dans son pays après avoir passé la censure !

On découvre avec effroi à quel point la marge de liberté des iraniens est fine dans un contexte économique peu florissant.

Les hommes et les femmes sont en permanence séparés et dans les lieux publics ils peuvent à tout moment être arrêtés arbitrairement par la milice et mis en prison sans pouvoir se défendre. La milice religieuse veille, épie en permanence. C'est insupportable et oppressant.

Découvrez comment, Sara et Dara se rencontrent dans une bibliothèque, communiquent et se revoient tout en vivant ce moment de grâce unique, la naissance tumultueuse du premier grand amour. Ils s'aiment, doutent, se disputent, désirent se revoir….

Les transgressions d'interdits religieux et les montées d'adrénaline face au danger d'être découvert pimentent la vie des amoureux mais on souffre avec eux de leur manque total de liberté. le poids des interdits est tel qu'il s'invite jusque dans l'intimité des familles. Il faut bien comprendre que tout cela n'est qu'une question de survie et en suivant le destin des deux tourtereaux, on rentre dans l'intimité du peuple iranien tout entier.

Un regard de l'intérieur qui vaut le détour.
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L'auteur écrit, ou plutôt tente d'écrire, un roman d'amour qui se déroule dans l'Iran des ayatollahs. Mais sa plume est entravée par le souci constant de la censure. Ainsi, le texte de son roman, écrit par petits bouts, est signalé par des caractères gras; de temps en temps il s'autocensure (les phrases sont barrées). Cependant, une part plus importante du livre est consacrée aux interrogations de l'auteur, qui évalue à chaque instant ce qu'il peut se permettre d'écrire. Il faut savoir que la constitution de la République Islamique est théoriquement très libérale mais, en réalité, les textes imprimés ne peuvent être distribués qu'avec l'accord préalable des instances gouvernementales !
S. Mandanipour ne cesse d'imaginer les innombrables critiques que va lui faire son censeur attitré, qui s'appelle (bizarrement) M. Petrovitch. Il faut ruser avec lui, argumenter pour le convaincre… et c'est très amusant. Il écrit par exemple: « Ici (…) je suis obligé, comme il est de mise dans les romans d'amour, de décrire la beauté de Sara. A part ses grands yeux noirs, son trait le plus frappant, ce sont ses lèvres pulpeuses, qui frémissent constamment comme si elle avait soif. Mais si j'écris cette phrase, M. Petrovitch exigera immédiatement qu'elle soit biffée. Par conséquent j'écris: Les lèvres de Sara ressemblent à des cerises bien mûres dont la peau délicate est sur le point d'éclater sous l'effet de la chaleur du soleil ». En effet, pour les censeurs, les canons de la littérature sont définitivement déterminés par les oeuvres persanes anciennes, qui usent et abusent de métaphores, poétiques mais aussi alambiquées et prudes, éloignées de l'esprit du XXIème siècle.
L'intrigue du roman en construction parait simple, voire simpliste. La voici: un jeune homme pauvre, Dara, autrefois chassé de l'université pour ses sympathies communistes, s'éprend de Sara, une belle étudiante qui partage secrètement ses sentiments; mais elle est aussi convoitée par un prétendant riche qui a la faveur de ses parents. Il ne faudrait surtout pas s'imaginer des scènes osées entre ces amoureux transis. Il est clair que cette intrigue est un prétexte pour observer la société iranienne actuelle.

Dans son livre, S. Mandanipour dialogue en permanence avec le lecteur, pour l'informer sur toutes les particularités de la société iranienne et, tout particulièrement, sur la situation de sa littérature. Par exemple, quand il parvient à une péripétie qui pourrait échapper à notre compréhension, l'auteur nous apostrophe directement, écrivant chaque fois: « Demandez-moi pourquoi, afin que je puisse vous expliquer… » et il développe aussitôt sa réponse. C'est ainsi que nous découvrons peu à peu ce que sont vraiment les rouages de la censure, les contrôles de la police des moeurs, l'espionnage des voisins bien-pensants, l'opportunisme des partisans du régime, la répression politique et, pour les opposants, l'enfer de la prison…
Plus amusant: l'auteur se déclare parfois surpris par le cours du récit qu'il est lui-même en train d'écrire ! Et il intervient même directement, par exemple en rayant la carrosserie de belle BMW du prétendant de Sara. Ceci, ainsi que l'ensemble des interrogations et remarques acides du texte, parait surprenant, ironique et impertinent... L'autodérision n'est jamais loin, qu'elle vise personnellement l'écrivain lui-même ou bien son pays. Cependant, on trouve aussi dans le livre des allusions sérieuses au grave malaise ressenti en permanence par une partie des citoyens: par exemple, l'auteur évoque sans humour le voile « punaisé » de force sur la tête des femmes.

En lisant ce roman on prend conscience du caractère totalitaire du régime des ayatollahs, qui est à la fois ridicule et redoutable. Au sujet des moeurs, particulièrement de la séparation rigoureuse des deux sexes, on peut même penser à l'apartheid sud-africain. Celui-ci se voulait absolument cohérent, jusque dans ses absurdes extrémités, exactement comme l'ordre moral imposé maintenant à l'Iran. Cette oppression a surtout pour effet d'exciter, chez les Iraniens, l'hypocrisie, la frustration, la concupiscence malsaine envers les femmes. Pour l'illustrer dans le domaine littéraire, S. Mandanipour nous donne de nombreux exemples de phrases qui nous semblent tout à fait anodines et qui sont pourtant interprétées là-bas d'une manière salace, non seulement par le censeur, mais aussi par l'éventuel lecteur iranien.

Un reproche quand même: ce livre de 400 pages aurait été beaucoup plus percutant s'il avait été un peu plus court. L'effet de surprise et notre régal devant l'impertinence de l'auteur, s'émoussent un peu au fil des pages. C'est dommage…
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Comment rester indifférent à un tel titre et à une telle couverture, surtout quand, avec un couple d'amis, nous échangeons des livres pour occuper intelligemment le confinement...
" "Tu devrais aimer !...." " m'ont-ils dit ! Un grand merci à vous deux!
....Sara cherche le livre "La chouette aveugle" à la bibliothèque. Il n'y est pas. Coup de chance, un homme le vend d'occasion sur le trottoir.
Le livre contient une lettre lui proposant de reconstituer un message en ne lisant que les caractères du roman soulignés d'un point violet....début d'un jeu de piste qui lui propose par la suite d'emprunter "Le petit prince".
Le correspondant anonyme lui explique comment lui répondre, comment il pourra lui, à son tour poursuivre cette conversation à partir d'un livre qu'il choisira dans la bibliothèque, et qu'il lui demandera d'emprunter...Elle ira jusqu'à lui écrire un message de 50 caractères en lui imposant la lecture de Guerre et Paix, sur lequel elle a placé un 1 point violet sous chacune des lettres composant le message...
Un romanesque exigeant...mais ce n'est que le début d'un roman d'amour platonique entre Sara et l'inconnu Dara...ce n'est que le fil conducteur qui permet à Shahriar Mandani de nous proposer trois lectures sous ce seul titre...
Devant la feuille blanche, l'auteur commence cette bluette, commence à écrire cette histoire d'amour pas banale, histoire d'amour que nous verrons écrite en caractère gras, bluette entre deux ados qui portent des noms passe-partout en Iran. Histoire d'amour originale quant à son scénario...puis des mots barrés apparaissent, ceux que la censure interdirait..cette auto-censure que s'impose l'auteur de ce roman d'amour..."Si j'écris ces mots, ils seront censurés"...."Non je dois écrire"..."ça, ça ne passera pas" !
Une censure qu'il connaît bien, incarnée par Monsieur Petrovitch que tout écrivain iranien connaît bien...rien n'est nouveau sous le ciel iranien.
Ce dernier analyse avec lui les phrases ou les mots interdits, censurés, lui explique qu'il ne doit parler que de la beauté du monde créé par Dieu, mais nullement écrire le mot sein, ni jamais décrire le corps de la femme.....Bien triste réalité de cette censure iranienne associée à l'hypocrisie religieuse d'un homme et d'un pouvoir. Cette deuxième lecture du livre et de la censure iranienne laisse bien peu de place la la liberté, à l'amour, à la créativité des auteurs...Bien triste formatage des ouvrages et des esprits
Comme dans toute histoire d'amour banale entre une belle jeune fille et un jeune homme pauvre, apparaît le riche monsieur, plus tout jeune...prétexte pour l'auteur de nous proposer la troisième lecture, une lecture de la vie en Iran, de la société iranienne, où se mêlent dans le récit prisonniers politiques, police des moeurs, soirées alcoolisées, vieux riches à la recherche de chair tendre, voisins délateurs, BMW et vieilles guimbardes, et j'en passe.
Ah! qu'il est difficile pour un garçon et une fille d'y vivre une histoire d'amour au grand jour !
Bref, un roman qui ne laisse pas indifférent, loin de là !
Nous nous plaignions de notre manque de liberté, des contrôles de la police, etc...ceux-ci n'ont duré que quelques semaines pendant ce confinement...ce titre nous montre le courage d'un peuple cultivé qui en endure bien plus depuis bien des années.
Shahriar Mandanipour évoque notamment Abbas Kiarostami, réalisateur iranien qui eut des ennuis à son retour de Cannes, où il reçut la palme d'or en 1997 pour "Le goût de la cerise" parce que Catherine Deneuve lui avait fait la bise mais aussi le marché noir, les bons d'achat, les médicaments difficiles à trouver sauf sur les marchés non officiels...
Nous pouvons grâce à l'humour et à la dérision de Shahriar Mandanipour nous rendre compte de notre bonheur, des difficultés, le mot est bien faible, affrontées par le peuple iranien.
"Après tout, l'un des avantages de la lecture d'un récit romantique est que l'on ressent les expériences éprouvées par l'auteur et par ses personnages."....(P. 243)
Un excellent roman donc ! Un roman qui de plus vous suggère bien d'autres lectures.
"Plus les années passent, plus il est certain que nous autres Iraniens appartenons à une nation qui n'a pour lot que tristesse et chagrin." (P. 381)


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Shahriar Mandanipoor aime son pays, l'Iran, c'est indéniable. La censure, il connaît. Après avoir fait des études de sciences politiques il se met à écrire en 1989. Rapidement il est interdit de publication, échappe à une tentative d'assassinat commanditée par la police secrète et est contraint d'émigrer aux USA en 2006. Alors quand il écrit sur la censure dans son pays, il sait de quoi il parle.

C'est par le biais d'une histoire d'amour qu'il va régler ses comptes. le postulat est simple : un jeune ex-étudiant pauvre, Dara, tombe amoureux d'une jeune étudiante riche, Sara. Et c'est réciproque. Las pour eux nous sommes en Iran, sous le gouvernement de la République islamique. Tout s'oppose à leur amour : non seulement ils ne sont pas de la même classe, non seulement elle est déjà promise à un autre, non seulement la religion les oppose, mais ils ne sont pas du même sexe !

Parce que dans la République des mollahs s'aimer librement est impossible. Alors publier, lorsqu'on est écrivain iranien, publier un livre qui parle d'amour c'est chercher les problèmes.

Publié en 2011, alors que l'auteur était réfugié aux USA, « En censurant un roman d'amour iranien » est une peinture de la société iranienne. Avec humour et autodérision l'auteur dresse le constat d'une société figée, en manque de liberté. Avec force références culturelles, religieuses, historiques, il nous livre son amour pour son pays, sa douleur d'en être loin.

L'écriture est déroutante. L'auteur s'adresse beaucoup au lecteur, le prenant à témoin, l'interpellant, lui communicant ses réflexions. de plus le texte est livré comme une écriture automatique, avec ses hésitations, ses ratures, ses interrogations. Ce faisant il nous livre la difficulté pour l'écrivain, mais aussi pour le peuple iranien, de s'exprimer, de vivre tant les contraintes sont omniprésentes, tant tout peut être mal interprété. Quand l'écrivain imagine les critiques que lui fera le censeur il met l'accent sur les ruses que les amoureux iraniens doivent imaginer pour vivre leur amour.

Si le procédé amuse ou fait rire au départ, il finit par lasser. Dommage, car cette entrée dans l'intimité du peuple iranien n'est pas sans intérêt.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Je suis un écrivain iranien las d'écrire des récits sombres et amers, des histoires peuplées de fantômes et de narrateurs décédés qui ne peuvent se terminer que par la mort et la destruction. Je suis un écrivain qui, au seuil de la cinquantaine, a compris que le monde prétendument réel qui nous entoure contient déjà assez de morts, de destructions, de chagrin, et qu'il n'a pas besoin d'alourdir davantage l'atmosphère de défaite et de désespoir.
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Mais retournons à l'université de Téhéran...
Les étudiants reçoivent toujours des coups de matraque...
Non. Cette phrase ne plaira pas du tout à M. Petrovitch. En outre, du point de vue de la littérature iranienne, ce n'est pas une information le moins du monde passionnante, parce que dans mon pays, depuis la fondation de la première université, se faire tabasser et être jeté en prison a toujours fait partie du programme obligatoire des études.... Voilà donc comment je vais effectuer la transition pour reprendre le fil de mon récit : Revenons ensemble à ce beau jour de printemps dans la rue de la Liberté...
La police antiémeute poursuit ses efforts pour disperser les étudiants. (...)
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Tout comme un crayon peut librement écrire les mots d’une histoire d’amour nauséeuse pleine d’allusions et de sous-entendus sexuels afin d’alimenter une culture contre-révolutionnaire corrompue, il peut également servir à biffer les phrases de cette même histoire. De la même manière qu’un crayon, dans la main d’un auteur dépraver, d’un espion ou d’un traître, peut tracer des mots qui, consciemment ou inconsciemment, risquent de transporter les virus d’une culture décadente occidentale, il peut aussi, grâce à sa pointe aiguisée, pareille à l’aiguille d’une seringue, injecter dans les veines de la population le vaccin contre ces mêmes microbes antirévolutionnaires.
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Peut-être ne me croirez-vous pas, mais c’est un fait qu’un grand nombre des romans de Danielle Steel ont été traduits en farsi et, comme leurs imitations iraniennes, sont réimprimées des dizaines de fois et avec de forts tirages. J’adorerais rencontrer Danielle Steel un de ces jours et lui demander tout à trac : qu’avez-vous fait pour que M. Petrovitch accorde si généreusement la permission de quitter l’imprimerie, après avoir, il va s’en dire effacer les scènes des baisers ?
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A la lumière de la bougie, je vais placer ma main autour de l'ombre de ta taille . Je vais danser la tango avec toi . Désirant goûter l'azur de la méditerranéenne, je vais baiser l'ombre de tes lèvres tachée de vin . Je vais devenir une ombre, me perdre dans ton ombre .
Nous nous envolerons vers la méditerranéenne et sur le sable doré de la plage nous allumerons un feu avec notre Amour céleste, et nos ombres se sépareront dans les flammes, nous retrouverons une forme terrestre, deviendrons deux roses rouges dont les tiges s'enlacent, nos épines nous piquant l'un l'autre, tandis que nous danserons dans le vent .
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