James Clarence Mangan avait adapté deux des contes philosophiques
De Balzac. Dans « l'homme à la cape », il reprend à son tour le personnage de Melmoth, crée par son compatriote Maturin. Melmoth est un personnage inquiétant, au rire qui glace, à la silhouette furtive, aux yeux terrifiants. Il a contracté, en échange d'une plus grande longévité et de pouvoirs surhumains, un pacte démoniaque. Mais loin d'obtenir la félicité, sinon en se jouant du destin d'autrui, c'est l'enfer qui le gagne : il est rongé par un profond sentiment de solitude et de mélancolie. En ce sens, il est plus une figure du désespoir que d'un mal sans remords qui serait étranger à toute rédemption. En sorte qu'il peut provoquer de la fascination mais aussi de la sympathie. Ici il meurt dans l'enceinte de l'église Saint Sulpice, à Paris, dans la prière et le repentir. Mais pour retrouver sa condition de mortel, il lui fallut d'abord, dans le laps de temps qui lui était imparti, échanger son sort avec un autre. Or il se trouve à Vienne un caissier qui s'apprête à commettre, pour l'amour d'une femme qu'il entretient et qui le méprise, une vaste escroquerie. Face à l'emprisonnement qui le menace, il cèdera face à son tentateur et connaîtra alors les mêmes tourments.
Dans «les trente flacons » qui s'inspire de «
la peau de chagrin », il est aussi question de talismans et de pactes démoniaques. Un jeune homme, amoureux de la belle Aurélia, se voit tout à coup ruiné à cause de sa passion subite pour le jeu. Il perd sa fortune et son honneur. Aussi accepta-t-il un étrange et dangereux marché. L'un de ses amis, avec qui il partageait une vie dissipée, le présenta à un homme qui prétend être son parent. Celui-ci est un nécromant difforme, qui dit avoir appris la magie en Orient, une sorte de monstre à la très petite taille, cynique et manipulateur, comme s'il eût été un émissaire du diable. Et il propose à notre héros, à condition qu'il boive à chaque fois un flacon qui le fera rapetisser et lui grandir, des sacs de ducats qui lui permettraient de racheter ses dettes. Mais s'il accepta, il reperdit tout au jeu, se retrouvant dans un traquenard mortel.
Dans ces deux nouvelles, Mangan sait parfaitement décrire les spirales de la ruine et du désespoir, l'homme en proie au vertige et au mal, sans pour autant le condamner complètement, puisque dans la première Melmoth se réconcilie avec Dieu et dans la seconde notre jeune héros retrouvera son argent et son amour.