AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur De la curiosité (30)

Tous les visiteurs de la ville le savent, les plans ne servent à rien à Venise. Seule l’expérience répétée de ses trottoirs et de ses ponts, de ses campi et de ses façades étincelantes, de son Arsenal gardé par des lions de pierre de différentes époques, que Dante doit avoir vus, permet un minimum de connaissance de la cohérence de ses méandres. Apprendre à connaître Venise suppose qu’on s’y perde comme les romantiques parlaient de se perdre dans un livre. Les vrais connaisseurs de Venise, si on les emmène dans la cité les yeux bandés, sauront toujours où ils se trouvent car ils s’y reconnaissent au toucher, à l’odeur ou aux sons et lisent la ville avec les yeux de l’esprit, dans tous ses tours et détours.
Commenter  J’apprécie          92
à chaque livre ouvert, à chaque page tournée, nous renouvelons l’espoir de comprendre un texte littéraire, sinon dans son intégralité, du moins un petit peu mieux que lors de la lecture précédente. C’est ainsi que, d’âge en âge, nous créons un palimpseste de lectures qui ne cessent de rétablir l’autorité du livre, toujours sous un jour nouveau.
Commenter  J’apprécie          92
Je suis curieux de la curiosité.
L’un des premiers mots que nous apprenons dans l’enfance est pourquoi. En partie parce que nous désirons en savoir plus sur le monde mystérieux auquel nous avons accédé malgré nous, en partie parce que nous voulons comprendre comment fonctionnent les choses de ce monde et en partie parce que nous ressentons le besoin ancestral d’entrer en relation avec ses autres habitants, après nos premiers babils et gazouillis, nous commençons à demander “Pourquoi ?”. Et nous ne cessons jamais. Nous nous apercevons très tôt que cette curiosité est rarement récompensée par des réponses significatives ou satisfaisantes, mais plutôt par un désir accru de poser d’autres questions et par le plaisir de converser avec autrui. Comme le sait tout questionneur, les affirmations ont tendance à isoler ; les questions, à relier. La curiosité est un moyen de déclarer notre appartenance à la famille humaine.

(INCIPIT)
Commenter  J’apprécie          90
L’une des expériences communes à la plupart des vies de lecteurs est la découverte, tôt ou tard, d’un livre qui mieux que tout autre favorise l’exploration de soi-même et du monde, qui paraît inépuisable en même temps qu’il concentre l’intelligence d’une manière intime et singulière sur les détails les plus minuscules.
Pour certains lecteurs, ce livre est un classique notoire, une œuvre de Shakespeare ou de Proust, par exemple ; pour d’autres, c’est un texte moins connu, sur lequel les avis divergent mais dont, pour des raisons secrètes ou inexplicables, l’écho résonne en profondeur. Dans mon cas, au cours de ma vie, ce livre unique a changé : pendant des années, ce fut Les Essais de Montaigne ou Alice au pays des merveilles, Fictions, de Borges ou Don Quichotte, Les Mille et Une Nuits ou La Montagne magique. Maintenant que j’approche des soixante-dix ans prescrits par l’auteur des Psaumes (Ps XC, 10), le livre qui englobe pour moi toutes choses est la Commedia de Dante.
Commenter  J’apprécie          80
Ce n’est que bien plus tard que j’ai découvert que poser des questions pouvait être autre chose, proche de l’émotion d’une quête, la promesse d’une chose qui se précisait en chemin, une succession d’explorations qui progressait dans un échange entre deux personnes et n’exigeait pas de conclusion. Il est impossible de surestimer l’importance d’avoir la liberté de telles interrogations.
Commenter  J’apprécie          70
Si l’exil est un état de déplacement, c’est aussi une forme pervertie de voyage dans lequel le but impossible de la quête du pèlerin est l’unique lieu qu’il sait lui être interdit ; son pèlerinage a pour but l’inatteignable. Il n’est guère surprenant que ce soit en exil, cet état dans lequel Dante se définit lui-même, dans le Convivio, comme “une barque sans voile ni gouvernail”, qu’il rêve son poème de l’Outre-tombe comme un voyage initiatique à travers trois royaumes dans lesquels il est l’étranger absolu : un prodige parmi les âmes des disparus, un être étrange encore en possession d’une enveloppe mortelle, un corps projetant son ombre sur les qroyaumes éternels, quelqu’un qui n’est pas encore mort.
Commenter  J’apprécie          60
Le paysage est essentiel dans La Divine Comédie : le lieu où les choses se passent est presque aussi important que ce qui s’y passé. La relation est symbiotique : la géographie de l’Outre-tombe coloré les événements et les âmes qui y sont logés, lesquels colorent les gouffres et les corniches, les forêts et les eaux. Pendant des siècles, les lecteurs de Dante ont compris que les lieux de la vie ultérieure sont censés se conformer à une réalité matérielle, et cette précision ne va pas sans conférer à la Commedia une grande partie de son pouvoir.
Commenter  J’apprécie          60
L’art de lire est à bien des titres le contraire de l’art d’écrire. Lire est un savoir-faire qui enrichit le texte conçu par l’auteur, l’approfondit et le complexifie, le concentre d’une manière qui reflète l’expérience personnelle du lecteur et l’élargit jusqu’aux confins extrêmes de l’Univers et au-delà. L’écriture, elle, est l’art de la résignation. L’écrivain doit accepter le fait que le texte définitif ne sera qu’un reflet imprécis de l’œuvre conçue dans son esprit, moins éclairant, moins subtil, moins poignant, moins précis. L’imagination d’un écrivain est toute-puissante, capable de forger les créations les plus extraordinaires dans toute leur précision rêvée. Alors vient la descente au langage et, dans le passage de la pensée à l’expression, beaucoup – énormément – se perd. Il n’y a guère d’exception à cette règle. Écrire un livre, c’est se résigner à l’échec, si honorable que puisse être cet échec.
Commenter  J’apprécie          60
Pourquoi des êtres exposés à des grossesses et à des indispositions passagères ne pourraient-ils exercer des droits dont on n’a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers et qui s’enrhument aisément ? »
(Le Marquis de Condorcet, cité p. 222)
Commenter  J’apprécie          60
Pétrarque, dans l’une de ses lettres, confesse n’avoir pas lu Virgile, Boèce et Horace une fois mais des milliers de fois, et que s’il arrêtait à présent de les lire (il a quarante ans lorsqu’il écrit), ces livres demeureraient en lui pour le restant de ses jours, “car ils ont plongé leurs racines dans mon cœur si profondément que j’oublie souvent qui les a écrits et, pour les avoir possédés et pratiqués si longtemps, je me crois moi-même leur auteur et les considère comme miens”. Je fais écho à ces mots. Ainsi que le comprenait Pétrarque, l'intime conviction des lecteurs est qu’il n’existe pas de livre écrit individuellement : il n’y a qu’un texte, infini et fragmenté, que nous feuilletons sans nous soucier de continuité ni d’anachronisme, pas plus que de revendications bureaucratiques de propriété. Depuis que j’ai commencé à lire, je sais que je pense en citations et que j’écris avec ce que d’autres ont écrit, et que je ne peux avoir d’autre ambition que de rebattre les cartes et les réarranger.
Commenter  J’apprécie          50






    Lecteurs (59) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

    Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

    amoureux
    positiviste
    philosophique

    20 questions
    846 lecteurs ont répondu
    Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

    {* *}