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Critique de Eric75


Le premier Mankell de l'après Wallander !
Dans ce nouveau roman, Henning Mankell est plus que jamais dans la dénonciation politique, avec le risque d'en faire cette fois un peu trop. L'ennemi mortel est tout désigné, et il vient bien sûr de Chine.
Tout commence pourtant à la manière d'un policier classique, bon, à l'exception peut-être de la dimension du carnage : un dix-neuf-uple meurtre a été commis dans un petit village isolé, coincé entre un lac et une forêt du nord de la Suède. Un loup facétieux a semé la pagaille dans l'agencement des cadavres, à la grande consternation des enquêteurs qui n'en reviennent pas d'une telle sauvagerie. Il y a néanmoins quelques survivants, mais ceux-ci n'ont rien vu ni rien entendu, le mystère reste total. La première partie – la découverte de la scène de crime et le démarrage de l'enquête – est époustouflante. La suite malheureusement parvient moins bien à convaincre.
La construction du roman, en plusieurs parties un peu étanches, impose le grand écart entre la Suède de 2006 et la Chine de 1863, on devine que le flot d'hémoglobine prend sa source dans de très lointaines contrées et à une époque très reculée. Mais là n'est pas le problème. Une juge de Helsinborg, Birgitta Roslin, mène une enquête parallèle à titre privé, plutôt couronnée de succès comparée au piétinement des investigations officielles. Or les ficelles utilisées par Henning Mankell sont plutôt grosses. La ficelle la plus énorme prend la forme d'un mystérieux ruban rouge, retrouvé sur les lieux du drame et montré à la télé. Il n'en faut pas plus à notre enquêtrice amateur pour retrouver la trace de l'assassin dans le restaurant chinois où il a déjeuné, dans l'hôtel où il a passé la nuit, et miracle, cet hôtel pourtant miteux est pourvu d'un matériel high-tech de vidéosurveillance dernier cri, et l'assassin oublie malencontreusement dans sa corbeille à papier des documents, curieusement mis de côté par l'hôtelier. Comme si cela ne suffisait pas, Birgitta découvre pilepoil une lettre de 1896 et des carnets anciens en ouvrant par hasard un tiroir chez l'une des dix-neuf victimes, et ce journal lui est gracieusement prêté par les enquêteurs, bien qu'elle l'ait dans un premier temps subtilisé sur la scène de crime !
Un voyage à Pékin sert de prétexte pour dénoncer les excès du capitalisme à la chinoise et de la mondialisation en marche. En fait, la plupart des personnages du roman sont des allégories : Birgitta Roslin est la digne représentante du vieillissant modèle social suédois ; Hong Qiu représente la Chine communiste idéalisée, faisant la promotion de la solidarité et de l'entraide entre les peuples ; son frère Ya Ru symbolise au contraire la Chine cynique et ultralibérale, sans scrupules et prête à tout pour conquérir le monde.
Or Mankell nous met en garde : la colonisation du monde par la Chine a déjà commencé, à partir de l'Afrique, et l'Europe va suivre. Plusieurs allusions évoquent les restrictions budgétaires et le service public suédois mis à mal (le manque d'effectifs dans la police et dans la justice suédoise, etc.) Et si Ya Ru symbolise la Chine provocante, agressive, et même, selon Mankell, animée par un certain esprit de vengeance, l'anéantissement de Hesjövallen, petit village tranquille aux dix-neuf cadavres, symbolise évidemment la destruction des emplois en Suède, sous les coups de sabre d'une économie chinoise envahissante, mondialisée et revancharde.
Un roman assez démonstratif, sacrifiant parfois la crédibilité de l'enquête policière à la théorie du complot. On aurait aimé un final renouant avec la maestria mankellienne à l'oeuvre dans la première partie.
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