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Louise Servicen (Traducteur)
EAN : 9782070230136
266 pages
Gallimard (25/11/1980)
4.38/5   36 notes
Résumé :
L'histoire de Jacob et de Joseph occupe une place centrale dans le second mouvement de la Genèse, lui-même consacré aux Patriarches.

La douzième sourate du Coran la tisse de nouveau. Et Thomas Mann encore l'a écrite dans une tétralogie de plus de quinze cents pages . Ces épisodes du récit biblique offrent un exemple parfait entre tous de ce que j'ai déjà évoqué ici comme un appel à l'actuation par l'écriture.

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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Thomas Mann, lorsqu'il entreprit d'écrire sa Tétralogie romanesque non pas wagnérienne mais biblique centrée sur l'histoire de Joseph et ses frères, était l'un des écrivains allemands les plus reconnus après la publication de ses grands romans : Les Buddenbrook et La Montagne magique. Il s'intéressait ainsi aux racines juives de la spiritualité occidentale pour bien montrer que si un livre ne pouvait pas être brûlé dans l'un des autodafés voulus et organisés par les criminels nazis, c'était bien le Livre par excellence, la Bible judaïque, la Torah, le Pentateuque. Il faut dire que cette réaction de Thomas Mann, Prix Nobel de Littérature, s'expliquait aussi en raison de sa vie intime : il était l'époux de Katia Pringsheim, qui était d'origine juive. La monstruosité hitlérienne força le grand écrivain allemand, né à Lubeck et vivant à Munich, à quitter sa patrie et a s'exiler en Tchécoslovaquie, en France, en Suisse, aux États-Unis, puis de nouveau en Suisse, et à laisser derrière lui une bibliothèque patiemment constituée au cours des décennies qui précédèrent l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir (rappelons que Thomas Mann était né en 1875).
Le long prologue du premier volume de Joseph et ses frères plante le décor tout en nous familiarisant avec la pensée monothéiste en rivalité avec les croyances polythéistes au Moyen-Orient, tout cela revu et corrigé après les relectures "mosaïques", "davidiques" et deuteronomistes du mythique récit des origines. Thomas Mann entame logiquement sa fresque par les "Histoires de Jacob", le berger, ses compagnes, Léa et Rachel, la fondation tout à fait légendaire des Douze tribus (d' Israël alors qu' Israël et Judas seront en réalité des États fondés bien plus tard), et parmi les fils nés de cette union, il y a les "enfants de l'amour", ceux de Rachel, Joseph le Songeur et bel éphebe, et Benjamin, le petit protégé, que Rachel met au monde en y laissant la vie. C'est sur Joseph du coup que Jacob focalisera son attention et ses sentiments, et cet enfant s'attirera finalement la jalousie des enfants de Léa.
Bien sûr, Thomas Mann ne manque pas d'évoquer les épisodes les plus connus : rappel de ce que fut la vie des grands ancêtres, Abraham le "Croyant" et Isaac le "sacrifié épargné", le fameux "songe" de Jacob, avec l'échelle dressée vers le ciel, tout un symbole, auquel on devrait opposer l'attrait de Joseph pour la nuit, la Lune et les profondeurs, les forces "chtoniennes", une vie au bord du gouffre. Joseph sera d'ailleurs précipité au fond d'un puits par les fils de Léa et réputé pour mort, version officielle donnée à Jacob, qui éprouva une immense douleur.
Ici c'est le thème du subterfuge et du mensonge, celui de la comédie et du faux-semblant qui est magistralement exploité par Thomas Mann : le mensonge des fils renvoie aux rêves en songe-creux de Joseph et surtout à l'utilisation d'un artifice utilisé par Jacob lui-même pour abuser son père Isaac, non-voyant, et lui arracher sa bénédiction et se faire reconnaître par lui comme héritier.
Thomas Mann a su remodeler la matière biblique pour en tirer des leçons universelles et une interprétation par les rêves et les ambitions des hommes.
Comme on le lit dans la Bible, "les pères ont mangé des raisins verts et les dents des fils en ont été agacées" (lecture transgénarotionnelle).
Une histoire de famille : la famille humaine.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu, 2010.
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Ceci concerne les quatre volumes de ce grand roman. En 1935, en plein nazisme, Thomas Mann volontairement exilé d'Allemagne voyage, rencontre des rabbins, réunit la documentation pour le plus grand roman biblique jamais écrit, et le plus bel hommage d'un Allemand au peuple juif et à ses "histoires". En quatre volumes, le narrateur prendra son temps pour planter le décor de l'histoire de Joseph : l'identité de sa tribu fondée sur une histoire commune ; la présence d'un dieu proche et lointain à la fois ; le problème aigu de tout le livre de la Genèse, celui de la fraternité ; l'Egypte, la magnifique et malheureuse histoire de l'amour non partagé de l'épouse de Putiphar pour le jeune Hébreu esclave, et, non moins pathétique, l'invention d'un personnage touchant, Putiphar, eunuque de Pharaon et maître de Joseph ; l'inévitable "hérétique" Aménophis IV, tel qu'on le voyait dans les années trente du siècle dernier (voir aussi Freud et son "Homme Moïse et le monothéisme"), historiquement faux mais merveilleuse réussite romanesque de jeune mystique exalté. Et comme de juste dans une histoire biblique, la fin heureuse (mais en demi-teinte) avec la réunion de famille dans l'exil. Dans le récit, le narrateur, qui s'appelle parfois "l'ami des hommes" (c'est un titre habituellement donné à Dieu chez les Orthodoxes), maintient à longueur de volumes ce mélange inimitable de sérieux amusé, de tendresse et de respect, d'ironie légère et d'écoute attentive, qui font de ce roman un très grand chef-d'oeuvre. Ce livre n'est pas pour les lecteurs pressés, mais pour ceux qui aiment se prélasser dans un grand fleuve narratif, et même se laisser parfois dépasser et un peu bousculer par des pages et des idées qu'ils ne maîtriseront pas toujours. On reste toujours à flot...
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Sous la lumière argentée de la lune complice, au coeur des moutonnements des collines d' Hébron, sur la margelle d'un puits, Joseph l'enfant adoré, et Jacob son père, le béni du Seigneur - qui ne l'en éprouva pas moins, profitent de l'intimité de la nuit. Ce dernier reproche à son fils la tenue peu modeste qu'il offre complaisamment aux astres, bien trop conscient de sa beauté ineffable. Mais c'est surtout la crainte que la pupille de ses yeux n'attrape mal ou qu'il ne chute malencontreusement dans le vide, qui suscite la réaction du patriarche des douze tribus, lui que l'ange avec qui il lutta toute une nuit, donna le nom d'Israël, gage de la bienveillance d' Adonaï. Il faut dire que Joseph est le premier-né de la Mieux-Aimée Rachel, fille de Laban, arrachée de haute lutte. Comme sa nature méditative et spirituelle l'y incline souvent, et à plus forte raison en présence de celui qui lui rappelle la trop tôt disparue, le vieil homme appuyé sur son bâton se perd ensuite dans ses souvenirs.

Les Histoires de Jacob est le premier opus du cycle littéraire Joseph et ses frères. En grand humaniste qu'il fût Thomas Mann y fait la preuve d'une connaissance encyclopédique des Textes, de leur contexte historique et culturel. Une telle maîtrise du sujet, une telle intelligence a quelque chose d'effrayant . À ce titre, le prélude, la Descente aux enfers, plongée abysalle dans les profondeurs insondables du passé peut donner le vertige voire décourager. Persévérez. le prix Nobel 1929 de littérature reprend la tradition thoranique, apporte une réflexion qui confine à l'exégèse, enrichit et habille la sécheresse factuelle du récit canonique de connaissances de toutes sortes, lui donne vie par son génie romanesque et entraîne le lecteur par un élan poétique proprement biblique, vecteur d'émotions puissantes. C'est passionnant et prodigieux; il nous tarde déjà de poursuivre avec le Jeune Joseph.
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J'ai adoré ce livre et je l'ai lu avec beaucoup d'attention et de curiosité pour ce personnage qu'est Jacob. Je compte amorcer la suite par le deuxième tome qu'est l'histoire du jeune Joseph, fils béni de Jacob et Rachel. Recherche de la Vérité... apparemment elle ne se voit pas avec les yeux du corps mais avec les yeux du coeur. Et si de cette manière on arrivait à mieux-vivre dans le respect de la différence de l'autre. Encore une fois je n'ai pas été déçue par l'auteur. Lecture apaisante.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
C'est Jacob, durant son séjour chez Laban, qui, piégé par celui-ci se trouva dans l'obligation de rendre un service de plusieurs années pour espérer obtenir la main de l'une des filles de son hôte - Léa - puis dut rééditer cet exploit pour conquérir celle vers laquelle son cœur inclinait depuis le début : Rachel, mais que la malice de Laban lui avait interdit de prendre immédiatement pour compagne. C'est durant ce temps de dur labeur qu'il a découvert le moyen de faire s'accoupler plus souvent qu' à leur tour les animaux du troupeau dont il avait la garde en repérant les sujets les plus virils et les plus féconds et il a ainsi accru ses moyens de vivre. Thomas Mann nous apprend que le secret du métier est de repérer certaines couleurs permettant de distinguer ces spécimens prédisposés à la reproduction.
Mann a dû se régaler à écrire ces pages-là.
Et il a aussi parfaitement décrit et embelli l'épisode du "combat avec l'ange", une nuit de lutte qui lui vaudra le nom d' Israël (celui qui a su se mesurer à Dieu).
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Ceux qui sont beaux se croient tenus d'augmenter leurs avantages naturels en "s'embellissant", sans doute par soumission au rôle séduisant qui leur est dévolu. Ils dédient aux dons qu'ils ont reçus une sorte de culte qu'on peut assimiler à une pieuse ferveur - par conséquent tolérable, alors que les déploiements d'artifice des laiderons son insensés et piteux. La beauté, d'ailleurs, n'est jamais parfaite ce qui, précisément, l'incite à la coquetterie; toutefois elle tombe également dans l'erreur en se faisant un devoir de présenter le type achevé de l'idéal qu'elle suggère, car c'est précisément en ce qu'elle offre d'imparfait que réside le secret de sa puissance d'attraction.
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L'Histoire se compose des événements accomplis et de ceux qui ne cessent de se dérouler dans le temps. Mais elle est faite aussi de couches stratifiées superposées, y compris celle qui est sous le sol que nous foulons ; et plus les racines de notre être plongent profondément dans les couches insondables de ce qui réside en dehors et au-dessous des limites physiques de notre moi, mais qui pourtant le détermine et l'alimente (en sorte qu'à nos heures de moindre lucidité, nous pouvons en parler à la première personne, comme si c'était partie intégrante de notre chair), plus chargée de sens est notre vie, et plus se trouve accrue la dignité de l'âme captive en notre corps.
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"Ces vingt-cinq ans s'écoulèrent pour Jacob comme un rêve, comme s'écoule la vie des vivants, en convoitises et réussites, en espoirs, déceptions, accomplissements, en jours qu'ils ne comptent pas et dont chacun apporte sa contribution, en attentes et en efforts, en patiences et en impatiences, tous morcelés, mais finissant par s'amalgamer en gros blocs pour former les mois, les années, les groupes d'années, qui à la fin apparaissent comme un seul jour. On peut discuter au sujet de savoir de quelle façon le temps se passe le plus vite et le mieux, si c'est dans l'uniformité ou le changement, mais il est certain que tout aboutit à la fuite du temps. Tout ce qui vit s'efforce vers l'avenir, cherche à avancer dans le temps, se hâte, en somme, vers la mort, croyant se hâter vers des buts et des tournants de la vie. Et même si pour l'homme, le temps est fractionné et divisé en époques, il est néanmoins uniforme, parce que c'est son temps à lui, inclus dans les conjonctures de son moi, en sorte que pendant que s'écoulent le temps et la vie, deux forces sont à l’œuvre simultanément : l'uniformité et le fractionnement.
La division arbitraire du temps n'est pas sensiblement autre chose que de tirer des lignes sur l'eau : qu'on les tire dans un sens ou l'autre, pendant qu'on les trace tout s'est reformé en une vaste unité."
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"Pourquoi blêmir ? Pourquoi notre cœur bat-il à grands coups, non seulement depuis le départ mais depuis l'instant où il nous fut ordonné, non seulement d'allégresse mais de violente angoisse physique ? Le passé n'est-il pas l'élément et l'atmosphère du conteur, ce mode de temps ne lui est-il pas familier et ne lui convient-il pas comme l'eau au poisson ? En effet. Mais pourquoi ces raisons judicieuses n'apaisent-elles pas notre cœur curieux et lâche ? C'est que l'élément du passé qui d'habitude nous entraîne au loin, toujours plus loin, n'est pas le même que ce passé vers lequel nous nous dirigeons en surmontant notre répugnance physique, passé de la vie, monde qui fut, monde défunt, auquel notre propre vie, dont les commencements se perdent déjà dans une certaine profondeur, s'intégrera un jour, de plus en plus profondément. Mourir, c'est en effet perdre le Temps, en sortir, mais aussi gagner l'éternité et l'omniprésence, par conséquent acquérir la véritable vie. Car l'essence de la vie, c'est le Présent, et ce n'est que par une affabulation mythique que son mystère nous apparaît au mode passé et au mode futur, façon populaire dont use la vie pour se révéler, alors que le mystère n'appartient qu'aux initiés."
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« La montagne magique », de Thomas Mann, c'est à lire au Livre de poche.
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