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Critique de Ambages


« Monsieur peut maintenant tomber amoureux sans crainte. »

Un livre enivrant. Un souffle émane de l'écriture de Thomas Mann que je n'imaginais pas aussi fort. C'est une écriture pleine de sens et magnifique. Comment résister à une telle prose ? Je me suis enroulée dans ses mots, accrochée à certaines phrases, les relisant jusqu'à épuiser toutes les saveurs qu'elles contenaient, ou du moins celles que j'ai pu savourer avec mes sentiments, connaissances et qui peuvent être bien en-dessous de ce que d'autres peuvent goûter. J'en suis pleinement consciente car l'analyse de ce texte est multiple. Pour autant je n'ai eu aucune empathie pour d'Aschenbach, si fier de sa particule.

« le poète n'est pas capable de durable élévation, il n'est capable que d'effusions »

Ce personnage est effrayant. Je n'aime pas son tempérament, alors qu'il est intelligent. Comment voir si loin les choses de la vie et rejeter celles qui ne sont tout simplement plus belles selon ses critères ? Ce vieux contemplateur déteste la vieillesse, juge et critique des vieux « beaux » et se pâme devant cette pureté juvénile. En outre, il a un côté fort désagréable, comme une sorte de jalousie de ce qu'il n'a plus (et n'a peut-être jamais eu) au point d'avoir un petit sentiment de réjouissance en constatant que ce bel éphèbe est fragile, peut-être même malade. Est-ce ainsi que doit finir un homme intelligent ? Dans la contemplation, l'envie et l'aigreur ?

« nous autres poètes, nous ne pouvons suivre le chemin de la beauté sans qu'Eros se joigne à nous et prenne la direction ; encore que nous puissions être des héros à notre façon, et des gens de guerre disciplinés, nous sommes comme les femmes, car la passion est pour nous édification, et notre aspiration doit demeurer amour... tel est notre plaisir et telle est notre honte. »

Non je n'ai vraiment pas apprécié ce voyageur mais j'ai adoré l'écriture de Mann. La description de Venise avec ses petites ruelles et passerelles d'où se dégagent des odeurs rances, sa touffeur qui essouffle et colle les âmes aux pavés. Mais aussi les embruns lorsque l'embarcation vous promène dans ses canaux et délivre une autre vision de la ville. Et puis il y a les méditations d'Aschenbach. Des mots qui touchent ceux qui les lisent. Je ne pense pas que l'on puisse rester indifférent car Mann va loin dans la psychologie humaine, il sonde, il nuance, il étonne et nous questionne. J'ai donc suivi ce petit pull marin au liseré rouge comme un fil conducteur, naviguant de découvertes en découvertes sur les mots de Mann qui avaient le goût de la subtilité, du perspicace et du délicat. Mann évoque d'une manière somptueuse la source du Verbe chez le romancier. Il y a toute une explication très fine et intéressante sur le travail de la création littéraire, qui m'amène à penser à « Arrête avec tes mensonges » dans lequel Philippe Besson livre des informations sur ses précédents livres.

« le spectacle de si complexes destins amène à se demander s'il a jamais existé d'autres héroïsme que celui de la faiblesse, ou si en tout cas ce type de héros n'est pas proprement celui de notre époque ? »
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