AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de karmax211


- La montagne magique - fait partie de mes, disons, cent livres préférés. Que de belles heures passées au Berghof en compagnie d'Hans Castorp, de son cousin Joachim, de Settembrini et surtout de Clawdia Chauchat... dont je m'étais énamouré et dont j'attendais à chaque fois un nouveau séjour dans ce sanatorium hors du temps !
- La Mort à Venise - est, elle, une nouvelle d'un peu plus de cent pages, qui nous transporte de Munich à Trieste pour finir à Venise.
Elle met en scène un artiste, un écrivain reconnu - son oeuvre est enseignée aux écoliers -, honoré - il a été anobli -, veuf et embourgeoisé, répondant au nom de Gustav Aschenbach. Celui-ci, lors d'une longue promenade se retrouve aux abords du cimetière du nord, où en attendant son tramway, il s'amuse à déchiffrer les inscriptions gravées sur le fronton de la chapelle des morts. de manière tout à fait inattendue, il aperçoit un étrange individu coiffé d'un chapeau de Manille, qui lui donne un air exotique, un air de voyage qui va susciter chez Aschenbach une irrépressible envie de voyager. le temps de s'organiser, il prend le train pour l'Italie, fait un court séjour à Trieste, avant de se décider à aller à Venise et de poser ses valises au Lido. Dans cet hôtel séjournent une mère polonaise, ses quatre enfants et leur gouvernante. Parmi ces quatre enfants figure un éphèbe de quatorze ans, Tadzio, d'une extraordinaire beauté.
L'écrivain succombe alors à ce qu'Armand Nivelle qualifie de " réveil pubertaire et de tentation pédérastique".
Un regard et un sourire emporteront la raison d'Aschenbach, lui feront braver une épidémie de choléra et le mèneront à...
Je m'arrête là pour ceux qui n'auraient pas lu le titre de la nouvelle, n'auraient pas non plus vu le film de Visconti et ne connaîtraient donc pas la fin de cette histoire.
Histoire que l'on peut lire, comme toutes les histoires me semble-t-il, c'est-à-dire comme bon nous semble.
De manière prosaïque, et n'y voir que la passion d'un homme vieillissant pour un très beau très jeune adolescent, ou de manière plus réfléchie, voire plus érudite et s'arrêter sur tous les questionnements littéraires, philosophiques, psychologiques et autres.
En ce qui me concerne, j'ai surtout été subjugué par l'éblouissante écriture de Mann, par l'excellence de sa structure narrative, dans laquelle rien n'est laissé au hasard ( l'apparition au cimetière, l'étrange gondolier, le chanteur de la troupe de Bohémiens, le vieux beau, le rêve avant le départ pour l'Italie... ), et où les références à la mythologie, si elles peuvent servir d'alibi à l'homosexualité de l'écrivain, n'en constituent pas moins pour autant une merveilleuse musique d'accompagnement, digne à la fois de Mahler et de Wagner.
- La Mort à Venise -, si elle symbolise la victoire de Dionysos sur Apollon, est avant tout une transposition Manienne du mythe de Ganymède, ledit mythe oscillant entre ce que nous en dit Platon dans son - Phèdre - et ce que nous en raconte Xénophon dans son - Banquet -.À savoir que pour le premier, les sentiments de Zeus pour Ganymède ( amant de Zeus, dont la beauté est proverbiale ) relèvent du désir, mais que pour Xénophon il s'agit d'un amour spirituel.
Si par l'entremise de son journal, on sut tardivement que Thomas Mann avait des pulsions homosexuelles, - La Mort à Venise - ne se limite pas à cette vision par trop étriquée et par trop simpliste, même si sa présence ne peut être balayée d'un revers de mépris ou d'ignorance.
Je crois que le mieux placé pour en parler, c'est peut-être l'auteur lui-même.
« Rien n'est inventé, le voyageur dans le cimetière de Munich, le sombre bateau pour venir de l'Ile de Pola, le vieux dandy, le gondolier suspect, Tadzio et sa famille, le départ manqué à cause des bagages égarés, le choléra, l'employé du bureau de voyages qui avoua la vérité, le saltimbanque, méchant, que sais-je… Tout était vrai... L'histoire est essentiellement une histoire de mort, mort considérée comme une force de séduction et d'immortalité, une histoire sur le désir de la mort. Cependant le problème qui m'intéressait surtout était celui de l'ambiguïté de l'artiste, la tragédie de la maîtrise de son Art. La passion comme désordre et dégradation était le vrai sujet de ma fiction. Ce que je voulais raconter à l'origine n'avait rien d'homosexuel ; c'était l'histoire du dernier amour de Goethe à soixante-dix ans, pour une jeune fille de Marienbad : une histoire méchante, belle, grotesque, dérangeante qui est devenue "La Mort à Venise".À cela s'est ajoutée l'expérience de ce voyage lyrique et personnel qui m'a décidé à pousser les. choses à l'extrême en introduisant le thème de l'amour interdit. le fait érotique est ici une aventure anti-bourgeoise, à la fois sensuelle et spirituelle. Stefan George a dit que dans "La Mort à Venise" tout ce qu'il y de plus haut est abaissé à devenir décadent et il a raison ».
Une nouvelle à lire et à relire !
Commenter  J’apprécie          565



Ont apprécié cette critique (52)voir plus




{* *}