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Citations sur Professeur Unrat (L'Ange bleu) (4)

[...] ... Comme son nom était Raat, toute l'école l'appelait Unrat (= ordures, fumier, immondices, chose nauséabonde). Rien de plus simple ni de plus naturel. Les autres professeurs voyaient de temps en temps changer leur surnom : une nouvelle fournée d'élèves arrivait dans la classe, s'acharnait férocement à découvrir un travers du maître qui eût échappé aux anciens, et le baptisait sans ménagement d'un nom inédit. Unrat, lui, portait le sien depuis des générations ; il était familier à la ville entière, ses collègues l'employaient en dehors du collège et même à l'intérieur. Les professeurs qui avaient des pensionnaires à domicile et les faisaient répéter, parlaient devant eux du professeur Unrat. L'esprit éveillé qui eût cherché à faire sur le titulaire de la chaire de seconde de nouvelles observations ou tenté de l'affubler d'un sobriquet nouveau n'y serait jamais parvenu, pour cette raison bien simple que le surnom consacré avait, au bout de vingt ans d'usage, conservé intact son effet sur le vieux professeur.

Lorsqu'il traversait la cour de l'école, il suffisait de l'interpeller en criant :

- "Tu ne sens pas une odeur de fumier ? (= jeu de mots avec le surnom du professeur)"

ou bien :

- "Oh ! la la ! cette odeur de fumier !"

Et aussitôt le vieux, d'un mouvement violent, levait son épaule droite, déjà trop haute naturellement, et dardait à travers ses lunettes un regard oblique et vert que les élèves disaient faux, et qui était en réalité peureux et vindicatif : le regard d'un tyran à la conscience trouble qui flaire des poignards sous les plis de tous les manteaux. Son menton gourd, garni d'une barbe clairsemée, d'un jaune pisseux, se levait et s'abaissait d'un mouvement convulsif. Mais il ne pouvait pas "pincer" l'élève qui avait jeté le cri et il lui fallait se traîner plus loin, sur ses jambes maigres et fléchissantes, tête basse sous son chapeau crasseux de maçon. ... [...]
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[...] ... Unrat était une énigme pour tous ceux que sa femme attirait dans leur voisinage. A table, les trois-quarts des plats, disait-il, le rendaient malade ; il lui arrivait de s'étaler de tout son long au milieu d'une soirée ; il portait ses complets de sport comme des déguisements et à le voir, on l'eût pris pour une divertissante tête de Turc, bien plus que pour un obstacle sérieux. Il avait tout du mari inoffensif. Mais, alors qu'on était en train de flirter de près avec sa femme, il arrivait que l'on surprît à l'improviste certain regard moqueur qu'il dédiait de loin au couple. Lorsqu'il admirait le bracelet-montre qu'on offrait à sa femme, on avait soudain l'impression de s'être fait rouler. Et puis, même après avoir obtenu des résultats presque décisifs, tels qu'une promenade tardive au bord de la mer seul avec madame, tandis que monsieur était resté à boire en bonne compagnie, au moment où il vous disait bonsoir, on se sentait berné et l'on doutait d'arriver jamais au but.

Et ce but, on ne l'atteignait jamais. Car Unrat s'entendait trop bien à déprécier ses rivaux auprès de Lola Fröhlich, à les anéantir. Dès qu'ils se trouvaient en tête-à-tête, Unrat raillait la prétention aux manières anglaises des deux Hambourgeois ; et ce Brésilien qui affectait de lancer des pièces d'argent au lieu de cailloux plats pour faire des ricochets dans l'eau ! Quant au Leipzigois, Unrat contrefaisait ses mouvements de tête et les allures autoritaires qu'il prenait aussi bien pour allumer une cigarette que pour déboucher une bouteille. Alors, Lola Fröhlich éclatait de rire. Elle riait mais sans être bien sûr que leurs compagnons fussent aussi dignes de mépris qu'Unrat se plaisait à le dire. Il n'invoquait au fond qu'un seul argument, toujours le même : un héros grec ne s'y fût pas pris comme telle de ses victimes. Mais Lola était toujours reconnaissante à l'homme qui provoquait son rire. Et surtout elle subissait l'influence de la conviction d'Unrat, si opiniâtre et si entière qu'elle en devenait presque majestueuse, et acceptait comme un fait qu'aucun être humain ne pouvait entrer en ligne de compte à côté de lui et d'elle. Dominée par un homme fort, elle-même y gagna de l'amour-propre et de la tenue. Au Brésilien qui, en se tordant les mains, s'agenouillait à ses pieds dans le sable auprès d'un rocher isolé, elle dit, sur le ton d'une personne dont les yeux se dessillent et qui donne libre cours à ses impressions :

- "Vous n'êtes qu'un Polichinelle !" ... [...]
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Nul banquier, nul monarque n’était plus fortement sollicité par le pouvoir, plus intéressé par la conservation de l’ordre établi que Unrat.. Il voulait que les fondements soient forts : un clergé influent, un sabre solide, une obéissance stricte et des mœurs rigides.
Kein Bankier und kein Monarch war an der Macht stärker beteiligt, an der Erhaltung des Bestehenden mehr interessiert als Unrat. Er wollte (die Grundlagen) stark: eine einflussreiche Kirche, einen handfesten Säbel, strikten Gehorsam und starre Sitten.
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Autour de lui, il faisait régner l'avidité, la luxure, la rage de se détruire, la bassesse et la peur : autant de sacrifices qui s'allumaient en son honneur. Et tous venaient d'eux mêmes, empressés à se laisser gagner par la flamme expiatoire.
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