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Je qualifiais il y a peu Klaus Mann de grand écrivain, intransigeant et fragile. Il a souffert tout au long de son existence d'un syndrome dépressif grave qui le conduisit à absorber une dose mortelle de barbituriques en 1949, à Cannes, à l'âge de quarante-deux ans. Cette fragilité marque toute sa production où se lit un sentiment de désenchantement. Le début de sa carrière littéraire plaça ce jeune homme turbulent et excentrique sous le signe du scandale : homosexualité et toxicomanie. On lui reprocha de profiter du nom de son illustre père pour faire son chemin en littérature. Dès 1930 il montra pourtant une stupéfiante clairvoyance et s'engagea en intellectuel responsable et intransigeant, réfractaire à tout nationalisme, militarisme ou racisme. L'ascension d'Hitler lui rendit l'Allemagne irrespirable et il choisit l'exil, perdant pays, racines et public. Exilé aux États-Unis, un autre renoncement sera celui à sa langue maternelle, instrument idéal pour exprimer toutes les nuances de sa pensée ; il veut écrire ses textes en anglais : «Pénible sentiment d'insécurité. Brusquement on se retrouve à nouveau débutant : chaque phrase est un casse-tête» (Le tournant, récit autobiographie). Speed est la première nouvelle en anglais à laquelle il met un point final en 1940. le recueil comprend quinze textes dont cinq relèvent de cette période, traduits par Dominique Miermont. [...]. Malgré des personnages hauts en couleur dans un monde gris et la diversité des textes «américains», je penche vers ceux du début qui, à l'instar de "Une aventure pieuse", ont des contours plus flous : "Le cinquième enfant" (1926, dédié au surréaliste René Crevel) belle liaison trouble d'une mère veuve ; "Douleur d'un été" (1932), digne des fiévreuses sociétés bourgeoises de Françoise Sagan. le style restera toujours limpide, mais à trop en dire, à trop suggérer – comme si le lecteur n'était pas capable de se poser les bonnes questions – les nouvelles plus tardives perdent leur voile de mystère mais aussi leur sobriété qui est la grâce des textes courts. Je sors de Raymond Carver, ceci explique peut-être cette impression-là ? [...] Compte-rendu complet sur "Marque-pages" (lien c-dessous) Lien : http://christianwery.blogspo.. + Lire la suite |