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EAN : 9782010089893
257 pages
Hachette (01/01/1978)
3.64/5   7 notes
Résumé :
" Rarement je crois l'influence de Wagner n'aura été dus forte et plus décisive sur un non musicien... qu'elle ne le fut sur moi " écrivait Thomas Mann en 1918

Son œuvre, jusque dans l'écriture, témoigne de cette influence et de la passion qu'il éprouva jusqu'à sa mort pour la musique du " vieil enchanteur ". Mais passion lucide, critique même comme le montrent les textes réunis ici pour la première fois en français.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
S'il est un musicien dont l'oeuvre a marqué Thomas Mann, c'est bien Richard Wagner. Il est envouté, c'est évident, depuis sa jeunesse, par l'oeuvre de cet homme, même si, avec le temps, la lucidité se fait jour dans sa manière de l'apprécier.
Au début, Mann n'est pas loin de ressembler aux jeunes officiers prussiens qu'il décrit et qui sont comme en extase, saisis par la magie de l'oeuvre, toutes armes déposées devant celui qui les rend fiers de leur "germanité", orgueil retrouvé pour une Prusse qui a pris sa revanche sur les défaites humiliantes infligées autrefois par Napoléon 1er et qui est la fédératrice de l'Allemagne, la créatrice d'un nouveau Reich, celui de Guillaume 1er et de Guillaume II, empire dont la naissance s'est faite dans la galerie des Glaces à Versailles, sur les ruines du Second Empire français et dans le prolongement de la défaite de Napoléon III en 1870.
On ne pourrait comprendre Wagner et la formidable audience que reçut sa création musicale si l'on n'avait en tête ce contexte historique.
Mann aimait l'univers musical de Richard Wagner, et s'il a l'air de prendre quelque distance sous le prétexte de mieux analyser, c'est en partie pour cacher une passion qui se vit en secret et sans explication, car comment mettre des mots quand l'émotion vous submerge ?

Ce n'est qu'avec le temps que, sans renier son admiration, il ne cachera plus les défauts et mensonges grossiers de cette oeuvre : le mythe originel de l'apparition du peuple germanique, une "apparition" présentée par Wagner comme une Genèse, le pendant de la création de l'homme par Dieu vue par les membres du premier peuple élu, celui des Juifs, et racontée dans la Bible ; c'est bien un mensonge que cette mise en avant des héros germaniques empruntés aux vieilles traditions nordiques et celtiques, et regardés, ainsi qu'il se doit, comme des demi-dieux. L'Allemagne a besoin de cette mythologie pour se dresser fièrement et orgueilleusement, même si l'on se rend vite compte que les ficelles sont un peu grosses, et que la légende est factice. Les héros de la Tétralogie sont forcément Païens - ils montrent une force égale ou supérieure à celle des promoteurs du Judaïsme et du Christianisme, et le culte de la force brute contrebalance la geste des grands patriarches et des grands prophètes. Ces héros que l'on retrouve dans l'Anneau du Nibelungen, et qui sont promis au Walhalla, couronnent l'oeuvre de Wagner dans ce qui aurait dû être accompli et non précédé par les figures chevaleresques de Lohengrin, de Tristan et de Tannhauser. L'inversion est significative de ce germanisme qui va s'affirmant chez Wagner, avec tous ses travers, et le développement d'une prétention à la supériorité de la race de type germanique, et, simultanément d'un antisémitisme palpable non pas directement dans l'oeuvre mais dans la pensée de Richard Wagner.

Thomas Mann a bien vu la faille et les ténèbres de cette pensée, et deviné le gouffre dans lequel risquait de sombrer l'Allemagne si elle se laissait aller à cette perversion de l'esprit et à ces tendances agressives, de plus en plus mal contenues après la défaite de 1918.

Autant la musique de Wagner est captivante parce que résolument moderne et capable de synthétiser l'expression dramatique, la mise en scène, la novation musicale et la verbalisation poétique dans une optique d'art total dont le centre géographique aurait été le théâtre lyrique de Bayreuth, dédié à son oeuvre, grâce à la générosité et à l'excentricité de Louis II de Bavière, autant le discours est sombre et menaçant, à la limite du supportable, et seule la modernité de l'enveloppe semble pouvoir sauver cette oeuvre d'un rejet total, car la fascination continue d'opérer, chez Thomas Mann, qui ne va pas tarder à disputer Wagner au terrible chancelier Adolf Hitler. Mann n'arrêtera pas de défendre Wagner le Moderne contre Wagner l'apôtre du mal. Wagner continuera à l'obseder : la modernité du dodécaphonisme post-wagnérien et post-romantique lui fait imaginer, dans le docteur Faustus, un musicien demeuré en Allemagne sous le totalitarisme nazi, le personnage d'Adrian Leverkuhn, et qui fait un compromis avec l'épouvantable dictature parce qu'il ne veut pas cesser de créer et de se faire applaudir, et il est évident que cela inspire de la souffrance à Thomas Mann, car il devine que son idole, Richard Wagner, se serait peut-être sentie comme un poisson dans l'eau dans l'ultra-antisémite IIIe Reich, et nous comprenons très vite que c'est bien Wagner qui se dissimule sous ce portrait de musicien qui mélange les deux figures de Richard Strauss et de Wilhelm Furtwangler, tout en empruntant des traits à Arnold Schoenberg, curieux paradoxe puisque le père de la musique à douze sons était juif et avait dû se réfugier aux États-Unis pour fuir les persécutions nazies.

Thomas Mann semble reconnaître sur le tard que Richard Wagner et son épouse Cosima avaient du venin dans leur sang et qu'il était impossible de leur trouver, pour cela, la moindre circonstance atténuante, car ils annoncèrent, dans la forme et sur le fond, ce que l'Allemagne devait finir par adopter comme programme sous Hitler : l'antisémitisme comme moyen et comme fin première et dernière.

Des souvenirs de sa jeunesse, lorsqu'il vibrait en entendant le prélude de Lohengrin, Thomas Mann voulut préserver jusqu'au bout la fascination devant ce qui lui paraissait être l'expression la plus haute en musique d'une germanité porteuse de grandeur, ce qui pouvait à la fois s'entendre positivement et négativement. Mann s'efforça longtemps de scruter cette oeuvre pour elle-même, avec une "objectivité" qui n'était pas totale et qui voulait sauver ce qui lui paraissait ne pas pouvoir être séparé du "génie" allemand, que ce génie fût employé à bonne ou à mauvaise fin. C'est donc sous l'angle artistique qu'il se plaça résolument, oubliant apparemment que l'humaniste qui était en lui ne pouvait pas s'aveugler totalement. Mann aborda dans ses écrits les thèmes d'une oeuvre qui avait des côtés "révolutionnaires" (Wagner fut d'ailleurs obligé de quitter Dresde et de venir se réfugier un temps à Paris après les événements de 1848), et il s'enthousiasma pour ce qui lui semblait être un miroir pour l'Allemagne qui se construisait sous l'impulsion des Prussiens.
La figure de Wagner resta longtemps centrale pour Mann (autant que celles de Luther, de Goethe, de Schopenhauer et de Nietzsche). N'est-ce pas déjà allusif dans La Mort à Venise, où se situe l'action qui conduit son héros, Gustav von Aschenbach, vers son destin : on pense à Wagner, qui s'eteignit à Venise en 1883, et l'actualité de 1911, qui poussa Mann à écrire cette superbe nouvelle, si elle lui donnait cette idée à l'annonce de la mort du compositeur Gustav Mahler, ne faisait au fond que lui fournir un prétexte pour rendre un hommage déguisé à Wagner.

Mann écrivit beaucoup de textes sur Richard Wagner, cela à l'occasion ou en vue de conférences et de célébrations d'anniversaire, et il le fit chaque fois avec un évident plaisir. de sorte que l'on ne peut que se laisser gagner en partie par ce qu'il éprouvait lorsqu'il parlait de ce compositeur, en raison de sa musique et non vraiment pour l'individu, sur lequel on ne peut qu'être très réservé, et dont les options politiques sont totalement inacceptables.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
"Vous servirez la cause de celui que l'avenir sacrera le plus célèbres des maîtres",écrivait Baudelaire en 1849 à un jeune critique musical allemand enthousiaste de Wagner.Cette prédiction d'une étonnante sûreté vient d'un amour passionné,d'une passion née d'affinités électives,et c'est à l'honneur du génie critique de Nietzsche qu'il est reconnu cette affinité sans en connaître les manifestations.
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O du mein holder Abendstern
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