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Critique de fanfanouche24


Un roman social qui parle des ouvriers, du déclassement social et des fractures sociales qui s'étendent...partout ! Une chronique sociale dans l'air du temps, me direz-vous ...
mais ce roman a une résonance plus large lorsqu'on prend connaissance des 1ères lignes dédicatoires de l'écrivain, en exergue:

" A mon père, ouvrier gaulliste,
à ses années chez Renault.

A ma mère, ouvrière à 13 ans.

Aux communistes,
qui m'ont fait découvrir les vacances. "

Cette dédicace nous exprime à quel point l'auteur est bien immergé et familier de son sujet...issu lui-même du monde ouvrier...ayant construit ses valeurs, et les fondements de sa vie sur le monde ouvrier où les êtres les plus chers de son milieu familial.., ses parents , ont évolué toute leur existence...

Je connaissais de nom , le photographe, le journaliste et le réalisateur...mais
jusqu'à ce jour, je n'avais jamais eu l'occasion de lire ses écrits...
Lacune à demi réparée et j'en suis très heureuse, car j'ai apprécié grandement la sensibilité et l'oeil acéré de l'auteur sur notre monde, en bouleversement complet et faillites humaines diverses !!..

Je débute cette fiche de lecture en donnant la signification du titre choisi,
qui à lui seul, suggère les thématiques abordées...:

"Le paradoxe d'Anderson est un paradoxe empirique selon lequel l'acquisition par un étudiant d'un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas, nécessairement, une position sociale plus élevée."

Dans le Nord de l'Oise... les paysans ont été remplacés par les ouvriers...
Nous sommes dans une famille unie, où les parents, Christophe et Aline, la quarantaine,(issu tous les deux du milieu paysan) travaille chacun dans une usine: le père dans une manufacture de bouteilles,la mère, dans le textile...


Deux enfants, Mathis, le cadet, qui a besoin de toutes les vigilances, ayant une sorte de maladie orpheline, Léa, qui prépare un bac "économique et social"...les parents travaillent beaucoup... sont très soudés et veulent le mieux pour leurs enfants...

Et puis deux cataclysmes surviennent quasiment simultanément: les deux usines de la région licencient...et c'est le drame absolu de ces travailleurs qui ont donné des années au monde de l'usine, contre des salaires minimum...en bataillant en permanence avec les crédits...

Dans leurs luttes, ces parents ont régulièrement à l'esprit un grand-père
modèle de rebellion et de courage, surnommé "Staline", qui se battait
envers et contre tout, contre les injustices immenses faites déjà aux
plus modestes !!...

Christophe et Aline déploient des trésors d'imagination pour protéger leurs
enfants , surtout Léa, qui révise son bac , se trouvant au seuil de sa vie
d'adulte et professionnelle.... Aline l'aide , trouve la pilule amère, en
parcourant les cours d'économie de sa fille... entre les mots et la réalité
sur le terrain, il y a un monde.... impitoyable, entre le travail des ouvriers,
de moins en moins considéré [ et le travail manuel, tout court]...

Les profits qui vont aux mêmes,le capitalisme triomphant qui broie désormais sans vergogne "les classes laborieuses" !!...Les inégalités sociales qui se démultiplient, et se propagent comme une véritable épidémie !!!

les délocalisations, la mondialisation, la course au profit...la crise économique où le travail n'est plus acquis, même en se qualifiant, en poursuivant des études...

Depuis des années , déjà, une période charnière où les anciennes valeurs basculent... et où le monde nouveau émergeant reste précaire, anxiogène...où "Plus rien n'est acquis. Plus rien ne protège. Pas même les diplômes"...

On s'attache à cette famille vaillante, combattive, qui se transforme en pieds- Nickelés... pour tenter de rééquilibrer les inégalités criantes...tenter
d'agir...pour ne pas subir les événements...ni baisser les bras. Mais la
machine capitaliste est sans états-d'âme... Je n'en dirai pas plus!!!...

J'ai choisi de transcrire quatre extraits parmi les plus significatifs de ce roman social, éminemment bouleversant...aussi plein d'acuité que d'empathie de l'auteur pour ses "anti-héros"...qui ne veulent surtout pas baisser les bras...

"Depuis, comme un cyclone, le chômage a déforesté sa vie, plus un de ses arbres ne tient debout, on dirait les montagnes pelées d'Haïti, rien pour arrêter l'érosion, personne, un Sahel affectif." (p. 222)

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"Elle se demande ce que vont devenir tous ceux qui travaillent avec leurs mains. Où vont disparaître leurs gestes, dans quels musées ? Les terrils et les mines sont déjà classés au Patrimoine de l'Unesco. Quel avenir pour toutes ces usines mortes ? Des cars scolaires y emmèneront peut-être les enfants pour observer des des ouvriers faisant semblant de travailler en tournant en rond autour des machines débranchées comme les singes des zoos font semblant de vivre libres." (p. 222)

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"Aline vient de comprendre la mondialisation : c'est lorsque son travail disparaît dans un pays dont on ne connaît rien. Il n'y a pas mieux aujourd'hui pour enseigner la géographie aux enfants que de leur apprendre où sont passées les usines de leurs parents, se dit-elle." (p. 52)
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"Il ne s'agissait pas de faire le casse du siècle, mais, plus modestement, de riposter symboliquement à un manque d'équilibre dans la répartition des richesses. c'était essentiellement ce qu'elle avait retenu de ses révisions avec Léa. le capitalisme avait été une formidable machine à produire du bonheur pendant deux générations, inventant entre autres merveilles (...) les contrats à durée indéterminée, la Sécurité sociale, les congés payés ou l'assurance-chômage (...) Bref, à vouloir mondialiser l'économie pour continuer à accumuler des profits, le capitalisme tel qu'il nous avait rendus heureux s'était euthanasié, sans laisser de testament à la génération censée l'enterrer. "(p. 245)

Une très émouvante lecture... qui laisse inexorablement des masses de points d'interrogation sur l'avenir des enfants de Christophe et d'Aline...parents aimants et combattifs, mais dont l'impuissance grandit.. le système économique les pressurant, les maltraitant avec une
violence glacialement bureaucratique...En dépit du désespoir grandissant des personnages, on ne peut être qu'admiratif devant leur courage, leur ténacité "à rester debout", à redoubler d'efforts pour trouver un moyen de s'en sortir , et de ne pas subir leur sort !

Je vais regarder rapidement et attentivement les thèmes des autres ouvrages de Pascal Manoukian, me précipiterai dans un premier temps à ma médiathèque pour emprunter, si ils les possèdent, " Les Echoués" et " le Diable au creux de la main"...
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