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Critique de montmartin


Prolétaires : Citoyens de la plus basse classe, dont les enfants sont la seule richesse

Aline habite dans l'Oise, près de Beauvais avec son mari Christophe et leurs deux enfants Matthis et Léa. Mathis, parfois l'air lui manque, il quitte brusquement le monde et il revient chaque fois sans l'ombre d'un souvenir. Léa passe le bac cette année et rêve d'aider le monde à changer, d'en arrondir les angles afin qu'il ne blesse plus personne.
Les communistes ont disparu depuis longtemps et le travail aussi laissant la place à des friches industrielles, la commune ne compte pas d'école, pas de café non plus, il ne reste que des fermes. Les lettres de licenciement, les dettes, les pièces jaunes que l'on compte à la caisse du supermarché, l'huissier. le déjeuner sur l'herbe qui se transforme en radeau de la méduse. Deux bouteilles de Meursault, du foie gras, s'offrir une dernière soirée de riches avant de devenir pauvres. Une seule issue, le seul courage qu'il leur reste : se soustraire à la vie.
Une chronique sociale, un livre militant sur la détresse du monde ouvrier face à la mondialisation et aux délocalisations. « Il n'y a pas mieux aujourd'hui pour enseigner la géographie aux enfants que de leur apprendre où sont passées les usines de leurs parents. » Un roman profondément humain qui m'a beaucoup touché. Des portraits saisissants comme Léon, le grand-père, tout le monde le surnomme Staline à cause de ses colères rouges chaque fois que quelqu'un s'en prend aux ouvriers. Il berce sa petite fille en lui chantant tout bas « l'internationale ». Il est mort à 85 ans, d'une crise cardiaque en voulant en découdre avec un militant du Front national, ses derniers mots avaient été « Va te faire foutre ! », il était mort comme il avait vécu, sans mâcher ses mots.
La langue est vivante, simple comme le sont les ouvriers, l'humour fait oublier la triste condition. Pascal Manoukian peint avec justesse la détresse des ouvriers licenciés, perdus comme des abeilles dont on vient de détruire la ruche. Leur seul rêve la réussite de leurs enfants : « C'est pour ça que l'on fait des enfants, pour les hisser sur ses épaules, le plus haut possible, les aider à atteindre ce que l'on n'a pas pu atteindre soi-même. »
Des passages m'ont mis mal à l'aise comme le cynisme dont fait preuve le responsable du recrutement de vendeurs à domicile auquel Aline participe. « Ma cible, ce sont les pauvres, et c'est pour ça que vous êtes là. Parce qu'il n'y a pas mieux que d'autres pauvres pour leur fourguer des choses dont ils n'ont pas besoin. »

Je regrette cependant que l'auteur transforme peu à peu son livre en une sinistre farce lorsqu'Aline et son mari avec l'aide d'autres pieds nickelés décident de braquer le supermarché. La puissance et l'émotion des premiers chapitres retombent un peu et le récit perd de sa crédibilité. Reste un roman qui nous fait réfléchir sur les dérives de notre société où l'auteur aborde des thèmes auxquels je suis très sensible. Malgré une fin terrible, magnifiquement écrite, il faut garder espoir dans notre jeunesse, la génération « 0 » qui saura reconstruire un monde plus juste.


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