Si jadis le désir d'affirmer quelque chose de soi était le moteur du conflit psychique,de nos jours le besoin persistant de lien social est ce qui,pour l'individu,fait conflit.
On dit d'un fleuve emportant tout sur son passage qu'il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l'enserrent.
Bertold Brecht
Quand, à la naissance, le bébé est conforme aux attentes, quand il est inscrit dans la "normalité", ce qui heureusement est de loin le cas le plus fréquent, les parents attendent de ce bébé, de cet enfant qu'il suive une norme comme s'il était doté d'un logiciel cognitif et développemental se déployant selon un schéma fixé d'avance. (...) Dans ces conditions, grandir n'est plus une surprise source de découvertes, de plaisir et de conquêtes nouvelles pour l'enfant, ce que les parents observaient jadis avec sérénité, détachement relatif et amusement (...) Grandir tend à devenir pour l'enfant comme pour les parents une tâche développementale source d'angoisses et de soucis quand le logiciel semble se ralentir, s'arrêter un instant et plus encore dérailler.
Il doit y avoir frustration parce que c'est par la frustration qu'un écart s'instaure entre le besoin,la pulsion et ce que le sujet pense peu à peu de son désir,c'est-à-dire qu'il puisse se représenter un manque avec l'objet susceptible d'y remédier.
L'enfant est une personne.
Il nous semble qu'à présent l'adulte attend de son enfant le sens de sa propre existence, là où jadis l'enfant cherchait dans son parent ce que sa vie pourrait devenir ( ou ne pas devenir ). N'est-ce pas ce que dit implicitement l'adulte lorsque, à la question de savoir ce que son enfant fera plus tard, on l'entend répondre de façon quasi systématique : "Ce qu'il voudra. L'important, c'est qu'il soit heureux." Ce devoir de bonheur inscrit l'enfant comme comblement du narcissisme parental, là où jadis l'injonction à faire tel ou tel métier projetait l'enfant sur le flèche de l'idéal surmoïque parental.
L'affirmation de soi doit toujours s'évaluer à la reconnaissance de l'autre.C'est en disant "non" au "non' de leur enfant que les parents lui apprennent l'existence d'une nécessaire limite à l'affirmation velléitaire de soi-même.
Si l'enfant ne peut pas compter sur le garde-fou de l'adulte,il se répand dans l'espace et n'aura souvent d'autre limite que la rencontre brutale avec la matérialité violente du monde,qu'il s'agisse du monde inanimé ou du monde vivant,animal ou humain.
Sollicitude et empathie restaurent chez l'individu le sentiment d'appartenance à une communauté qui fait qu'on est plus heureux quand on peut partager sa joie et moins malheureux quand on peut partager sa peine : la bonneveillance définit, selon nous, à la fois la disposition affective et morale des adultes au contact d'un enfant, essentiellement ses parents, mais aussi la manière de le laisser évoluer dans un environnement suffisamment sécurisé pour que ce même enfant ne se mette pas en danger de par sa naturelle curiosité. La bienveillance envers cette naturelle curiosité de l'enfant est un élément de la bonneveillance.
Tout comme les individus, nos sociétés se veulent autocréatrices et n'acceptent plus le passé comme tutelle d'autorité, ce passé n'étant plus ressenti que comme une pesanteur autoritaire.