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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! le billet d'aujourd'hui est sponsorisé par Masse critique et les éditions Les petits Platons. Ces derniers nous ont gentiment envoyé un de leurs ouvrages signé Yan Marchand et illustré par Jérémie Fischer et il s'appelle le rire d'Epicure.

-Oh, laisse-moi deviner ! Cela parle de la détresse des infirmiers qui se détendent en racontant des blagues entre deux cas désespérés. Une dédramatisation du drame de la vie...

-Hein ?

-Ben oui, le rire des piqûres.

-Non, non, tu es hors sujet. Ca parle d'Epicure.

-…

-Epicure, le philosophe.

-Aaaah ! « Epicure ou la luxure ! Alors, pour la luxure, un simple bandage suffit… »

-Vouaalàààà, tu n'as pas oublié le sketch des Inconnus. Et force est de d'avouer… qu'on n'en sait guère plus.

Or donc, Les petits Platons éditent des livres dans le but avoué d'initier nos jeunes à la philosophie tout en les amusant.

-Et donc, il ressemble à quoi, ce bouquin ?

-A plein de choses à la fois : à une pièce de théâtre, à un dialogue de Platon, à un roman jeunesse et à une biographie romancée en même temps. Et j'ai trouvé le résultat fort plaisant !

En -342 naît un homme, Epicure, dont les pensées supprimeront la crainte des dieux. Zeus tente par tous les moyens de l'éliminer, mais rien à faire : le philosophe est obstiné et ses réflexions viendront jusqu'à nous.

Le texte commence fort avec une belle démonstration de la divinité discutable de Zeus et enchaîne sur l'enfance du futur philosophe. Yan Marchand s'y est très bien pris : en donnant un cadre familial concret, en installant un décor familier, il crée un sentiment de proximité avec le lecteur. L'histoire existe, Epicure vit, et de façon amusante en plus : j'ai bien ri du maître d'école !

Et pourtant, tout en rigolant comme une môme, la lectrice adulte reconnaît des ressorts quasiment tragiques dans cette histoire. Pas tragique dans le sens « pièce qui fait pleurer parce que nous pauvres mortels sommes les jouets de dieux cruels et impitoyables », mais dans le sens « Zeus, tu fais tout ce que tu peux, mais tu n'arriveras pas à éviter la catastrophe, c'est fichu on te dit, c'est écrit ». Même le roi des dieux peut devenir le perdant d'une histoire, détruit par une force qui le dépasse. Il est grisant de songer que cette force… c'est nous, les mortels.

-C'est pas possible, Déidamie. Nous ne pouvons rien contre les dieux.

-Baaah… selon Gaiman, si. Ils tirent leur puissance de notre foi. Souviens-toi de Sandman : même les dieux peuvent mourir.

-C'est quand même absurde de faire intervenir des dieux alors qu'il n'y croit pas…

-Non, je ne trouve pas. Ce n'est pas parce que les dieux existent qu'il faut y croire.

-Hein ? Tu m'as perdue, là.

-Allons, rappelle-toi la position des sorcières et des mages sur le sujet chez Terry Pratchett. Ils savent très bien que les dieux existent. Mais ce n'est pas une raison pour leur rendre un culte. Pries-tu la table qui supporte ton repas ou le facteur qui apporte ton courrier ? Non, ils existent, ils accomplissent une fonction. Les dieux aussi, ils font partie de l'univers au même titre que ta table ou ton facteur.

Bon, Epicure va plus loin en niant simplement leur existence dans ce texte, mais l'hypothèse qu'ils puissent exister ne le gêne pas et il en parle.

-Et ça ne parle que religion, donc…

-Pas du tout ! le livre expose d'autres aspects de la philosophie d'Epicure : l'importance de l'amitié, de la modération, la patience pour supporter les coups durs, la joie pendant la paix et la prospérité…

-Je trouve que le livre ne répond pas à une question essentielle, quand même.

-Laquelle ?

-Comment tu expliques « hétaïre » à des enfants ?

-Euuuuuuh…

-Et comment la maman d'Epicure peut-elle se réjouir que son fils puisse entretenir une liaison avec l'une desdites hétaïres ?

-Beeeeeeeen…

-Parce que ça veut dire « prostituée de luxe très très chère » quand même ! Alors quand elle soupçonne son fiston d'être amoureux et qu'elle se demande qui est l'élue, j'ai du mal à imaginer qu'elle envisage l'hypothèse de l'hétaïre avec joie et bonheur. Déjà, ça va ruiner sa famille parce que les entrevues vont coûter un bras, ensuite, je suis pas sûre qu'il puisse l'épouser sans problème pour sa réputation. Grèce antique, machisme, tout ça…

-Et sinon, les illustrations…

-Tu changes de sujet, Déidamie.

-Oui, bon, je sais pas, là ! Et je veux vraiment parler des illustrations !

-Il y a beaucoup de jaune.

-Et des bleus, des gris… J'aime beaucoup la palette chromatique, elle m'évoque le soleil méditerranéen, l'ombre et la lumière des pierres… le jeu sur des contrastes forts entre le gris et l'orange illustre à merveille les enjeux philosophiques qui englobent aussi bien les situations joyeuses de la vie que ses tempêtes.

Cependant, je suis un peu moins convaincue par l'image de cette espèce de planche dans l'oeil du philosophe.

En conclusion, c'est un livre jeunesse fort sympathique, qui initie dans la joie et la bonne humeur à une discipline souvent considérée comme lourde et rébarbative, et il donne envie d'explorer davantage.

Merci Les petits Platons ! »
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