Le projet de cette série « transgenre » de critique sociale, située entre l'essai et le roman et initiée avec
L'Éclat du diamant, m'avait tout de suite séduit. J'avais trouvé le premier opus particulièrement bien réussi malgré une très mauvaise publicité affichée sur le bandeau ( « le polar de l'été ») qui prêtait à confusion et laissait penser à un « page tuner », un polar de gare pour tuer le temps à défaut des gens. La (très bonne) surprise avait été réelle et j'avais apprécié le décryptage de notre société de consommation. Bref, j'avais adoré ce mélange qui permet de réfléchir et de se divertir en même temps.
Ici, l'objet littéraire est annoncé sans détour : « essai romancé économico-policier ». Un programme à première vue légèrement indigeste mais, au moins, le contenant est clairement posé et je vous garanti qu'il n'y pas tromperie sur la marchandise. Qu'en est-il exactement ?
J'ai d'abord adoré retrouver les personnages de la partie « romancée », toute l'équipe très attachante et très réelle de la Crim' lancée dans une nouvelle enquête. On continue à explorer leurs identités, on commence vraiment à aimer ces êtres de chairs et de sang, complexes et rugueux, des flics de l'ordinaire en chasse de l'extraordinaire. L'intrigue est là encore bien construite, même si le rythme est un petit peu plus lent que dans l'Éclat. Quant à « l'essai », l'enquête » à proprement parler, mon dieu , nous plongeons aux sources de l'économie et de la politique, de quoi donner quelques sueurs froides à ceux qui, comme moi, ne comprennent pas grand-chose à ces matières. Et c'est là que le talent de l'auteur opère une nouvelle fois : au fil des pages, nous retournons aux sources de nos sociétés, nous découvrons par exemple la croissance depuis… Adam, l'origine des classes sociales (ah, le bon vieux Noé doit se retourner dans son arche !), l'histoire de la révolution industrielle, nous plongeons dans le mécanisme de la monnaie, de l'intérêt financier, de la spéculation. le tout plaisamment, grâce à des expositions intelligentes, sans peiner (ou presque), ni s'ennuyer une seule fois. Moi, je dis : chapeau bas ! Un roman donc, qui nous permet de comprendre le monde tel qui l'est, mais qui, surtout, nous offre d'autres perspectives concrètes pour l'envisager différemment. À lire absolument, surtout en ce moment. Et à faire lire à nos hommes politiques pour qui la fin de l'histoire vient de sonner ! Seul bémol à rajouter : devoir attendre six mois pour lire la deuxième partie de l'enquête. C'est très rageant. Mais rien n'est décidément parfait en ce bas monde.