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Critique de frconstant


« Quitter la mer » est un recueil de nouvelles dues à la plume de Ben MARCUS (Editions du Sous-sol, 2017). Je n'avais jamais lu Ben MARCUS auparavant. Il semblerait qu'on lui reconnaisse un certain talent et même un talent certain, notamment avec son livre « L'alphabet de flammes ». Je tâcherai donc, un jour, de le rencontrer sur ce terrain.
Mais cette fois, j'offre ma lecture critique et, croyez-moi bienveillante, aux quinze nouvelles qui donnent à Ben MARCUS le champ libre pour s'interroger sur l'absurdité de la vie, de la mort et des questions qu'on peut se poser tant sur l'une que sur l'autre.
Selon le Littré, la « Nouvelle » est un genre littéraire qui produit ‘une sorte de roman très court'. Encore que la longueur, tout le monde l'admet, ne constitue pas un argument décisif pour justifier l'étiquette ‘Nouvelle' à un récit produit. le plus souvent, la nouvelle se développe autour d'un fait, (fût-il futile !) et de très peu de personnages ou lieux, le tout se déroulant en un laps de temps assez court. La Nouvelle n'a pas pour vocation de tirer des conclusions, encore moins une « Morale de l'histoire ». Simplement, elle se termine d'habitude de manière abrupte, la chute invitant le lecteur à revisiter l'histoire contée à partir d'un autre point de vue, avec un autre regard.
Dans « Quitter la mer », les récits mis en phrases par Ben MARCUS tournent autour de la vie banale, celle qui se laisse encombrer, au quotidien, par des heurts, des provocations, des pulsions inavouables, des envies déplacées, des rêves brumeux, des petits matins désenchantés, des illusions trompeuses, des désillusions amères et des croyances aussi absurdes qu'inutiles ou des espoirs aussi futiles qu'improbables à réaliser. Ben MARCUS nous propose tout en vrac, à travers des personnages anti-héros se mouvant dans la vie quotidiennement contrariée. Il y laisse lourdement traîner sa plume, tournant et retournant en ronds improductifs et digressions multiples comme les paumés de l'existence laissent traîner leurs savates et construisent des plans qu'ils n'appliqueront jamais par impuissance, découragement, ennui ou dégoût d'eux-mêmes.
Son écriture parvient à agencer grammaticalement parlant des mots que tout le monde connaît en poussant des idées que, pour ma part, je n'arrive pas à comprendre, à classer. Ses phrases, parfois, me paraissent aussi longues qu'inutiles :
« Les costumes de mon père étaient gris et longs et des plus élégants, parfois suffisamment transparents pour que nous puissions voir à travers, bien qu'il n'y eût aucune raison de regarder le corps de cet homme de trop près. Il aimait mieux ne pas bouger. Les excursions n'étaient pas ce qu'il préférait. Mon frère et moi accomplissions la plupart des mouvements nécessaires pour lui : nous recueillions et décrivions la nourriture quotidienne, huilions le Pistolet à Costumes, ramassions le fil chaque matin après un orage, et faisions don de toutes bandes d'étoffe restantes au trou assassin de notre mère, dehors, sur la plateforme arrière » … Que le lecteur qui peut comprendre l'idée fondamentale de ce début de 9e nouvelle n'hésite pas à m'envoyer ses clés de lecture en message privé. J'ai essayé de saisir le fil, il s'est rompu !
« Alors, quelles nouvelles ? », me direz-vous. Pour moi, elles ne sont pas bonnes. Lourdes, tristes, opaques et fermentées, elles n'apportent que le plaisir de les voir se terminer, même sans chute, même sans proposition de changement de regard. La seule fin, pour chacune d'elles, chaque fois a constitué une délivrance pour le lecteur que j'étais.
Il n'y a, dans ce recueil « Quitter la mer » que quelques très, trop rares moments d'embellies. Çà et là, on trouve une pointe d'humour, souvent caustique mais elle peut nous renvoyer à nous-mêmes et nous poser question : « -Votre famille vous manque-t-elle ? – Je ressens du soulagement. du soulagement et de la gratitude. de la gratitude parce que je peux éprouver des sentiments puissants à l'égard de ces gens. […] Les sentiments sont un don, et j'ai de la chance. En un certain sens, mes sentiments envers mon épouse et mes enfants sont plus intenses quand ils ne sont pas compliqués par leur présence. » On aurait presqu'envie de se mettre en mode pause pour savourer la formulation, l'inédit de la situation et de son traitement. Mais ces temps suspendus sont très, trop rares.
Je reste donc déçu.
En ouvrant ce livre, je pensais pouvoir me laisser emporter en haute mer, voguer avec des rêves, surfer sur des éléments, mêmes déchaînés, qui me griseraient. J'espérais une expérience de vie… Je n'ai guère ressenti qu'une expérience de mots, le plus souvent de mort ce qui alimentait, chez moi, une envie profonde de me détacher du récit et de « quitter la mer… »
Comme quoi, sur le titre, au moins, personne ne m'a trompé !
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