J'ai battu des jambes, j'ai gardé la tête hors de l'eau et je suis restée en vie. Alors, une sensation de chaleur m’envahit et me fait découvrir des réserves d'énergie insoupçonnées. Je rouvre les yeux et je sais que rien ne pourra plus jamais m'abattre. Quoi qu'il arrive, je me relèverai. Je nagerai je survivrai. Et j'émergerai de ma chrysalide sous la forme d'un papillon.
Nous sommes partis pour essayer d’avoir une vie meilleure, dis-je. Tout vaut mieux que cette existence au jour le jour en attendant la mort, ou la fin de la guerre, selon ce qui se produira en premier.
Rien n'est facile à moins que tu ne l'aies décidé, dis-je tout bas.
Tu peux aplanir toutes tes difficultés quand tu le veux.
Alors, s'il te plaît, Dieu, rend moi la cours facile.
Il y a beaucoup de malentendus à propos de l'argent. C'est parfois difficile à entendre, mais tous ceux qui parviennent jusqu'en Europe menaient une vie relativement aisée dans leur pays. Tous ceux que je connais et qui ont fait le voyage depuis la Syrie ont dépensé au moins trois mille dollars.
Ne renoncez jamais à ce qui vous tient à coeur. Essayez, et si vous échouez , essayez encore. Battez-vous jusqu'à votre dernier souffle.
Je ferme les yeux et j’imagine les poings rageurs tendus en l’air au milieu des slogans. Pourquoi ne nous laisse-t-on pas partir ? Nous ne voulons pas rester, et personne ne veut de nous ici. Pourtant, c’est un piège qui s’est refermé sur nous. Nous ne pouvons ni avancer, ni rebrousser chemin. J’enfouis mon visage dans mes mains et lutte contre les larmes.
Je souris et me concentre sur mon message : personne ne choisit d'être réfugié. Nous sommes des êtres humains comme tout le monde. Nous aussi nous pouvons accomplir de grandes choses.
Je débranche mon cerveau et la voix se tait. De longues minutes s’écoulent. Je m’accroche à la corde, tourne le bateau, bats des jambes ... je survis. Et puis, tout à coup, je suis frappée par l’absurdité de la situation. Je me retiens d’éclater de rire. La Voix pourrait peut-être m’expliquer. Que fait-on ici, me dis-je, à affronter une mer houleuse à bord d’une embarcation aussi dérisoire ? Comment en sommes nous arrivés là ? A quel moment nos vies ont-elles perdu toute valeur ? Etait-ce vraiment la seule issue , le seul moyen d’échapper aux bombes ?
- Nous sommes les ambassadeurs des autres réfugiés, déclare-t-il au micro. Nous n'oublierons jamais cette chance que vous nous avez donnée. Nous ne sommes pas des mauvaises personnes. Réfugiés, ça n'est qu'un nom.
Des larmes s’échappent de mes paupières closes. Je reste parfaitement immobile pour que personne ne le remarque. Je ne veux surtout pas que l’on voit ma détresse. Je dois rester forte. Je m’enfonce enfin dans le sommeil, tandis que les courants d’air sèchent les larmes sur mes joues.