Dans leur appartement qui surplombe la ville, une famille prend son petit-déjeuner. Tandis que la mère est au téléphone et les gamins ont les yeux plongés sur leur écran, le père, lui, a le regard vide. Il est l'heure pour tous de partir et chacun s'en va de son côté une fois les portes de l'immeuble franchies. le père est entraîné aussitôt dans le flot de la foule. Après un détour au guichet, c'est en métro, le nez dans son journal, où se côtoient guerre, mode, malbouffe, surconsommation, pollution, famine ou encore publicités, qu'il se rend à son boulot. Une journée harassante, entre les coups de fil, les réunions, les consultations, les maquettes, la visite sur le chantier de construction d'un nouvel immeuble. Et c'est là, étonné, portant alors son regard au loin, qu'il aperçoit la mer. Arrive enfin la fin de la journée. Après son sport, il rentre chez lui, laisse les enfants seuls, va au restaurant puis au spectacle avec sa femme avant de finir dans un bar. Malgré la fatigue, il n'arrive pas à dormir. le nez collé à la baie vitrée, il regarde au loin et prend soudainement conscience de ce quotidien qui va trop vite...
Grégory Mardon, par le biais de ce mari et père de famille qui du jour au lendemain décide de changer de vie, interroge sur le quotidien (voire train-train) qui nous emprisonne, sur la vie qui défile si vite et sur le sens que l'on veut justement lui donner. Mais, pour autant, une fois le pas franchi, l'herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs ? Sans parole, cet album, original et pertinent, nous entraîne, depuis le monde industriel en passant par un univers science-fictionnel très lisse, vers une vie sauvage et primitive. Cette quête du bonheur, cette fuite en avant, se révèle finalement bien amère (et vaine ?), quel que soit le monde dans lequel évolue cet homme, chacun ayant ses travers. Graphiquement, le dessin bichromique aux dominantes bien distinctes pour chaque partie de cet album (beige/olive pour la première, bleu pour la deuxième et vert pour la troisième), sert parfaitement cette échappée qui se veut belle...