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EAN : 9782246851677
624 pages
Grasset (12/03/2014)
3.25/5   2 notes
Résumé :
Ce roman fait partie des ouvrages mythiques de la littérature sud-américaine. Avec retard, car l’auteur n’a pas bénéficié du boom des années soixante : à l’époque, si l’on était honoré de s’incliner devant Fidel Castro, on était banni du seul fait d’avoir cru au socialisme péroniste. Commencé en 1930 à Paris, publié à Buenos Aires en 1948, ce roman se déroule sur trois jours du mois d’avril 192…, alors que l’Argentine est encore une image de l’Eldorado.

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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
De chronicart - Par Pierre Jouan - 22 avril 2014

Voici un roman à qui on offre une énième chance de se faire une place au soleil, après avoir trébuché pendant des décennies entre les chaises longues de la renommée, et s’être enduit de ce sable qui plonge les œuvres dans le sommeil, jusqu’à l’oubli. Commencé en 1930, publié en 1948, Adán Buenosayres est une pierre angulaire de l’histoire des lettres argentines, mais son auteur n’avait pas que des amis : bien qu’il ait connu Borges, Casares, Xul Solar et toute la génération de la revue Martin Fierro (dont certains apparaissent sous pseudonyme dans le roman), Leopoldo Marechal semble avoir réussi à se faire détester d’à peu près tout le monde – et semble-t-il, pour des motifs bêtement politiques (ah, le vingtième siècle…) Trop péroniste, pas assez castriste, dit-on. Toujours est-il que le roman est réédité plusieurs fois, et que le mépris des pontes demeure : Adolfo Bioy Casares traite Marechal de «canaille stérile», Borges se tient les côtes à la seule évocation du titre du livre ; seul Cortazar, dans un long article repris ici en préface, semble prendre la mesure de son importance, arguant que dans le style, les thèmes, la composition, Adán Buenosayres définit une littérature radicalement nouvelle, inimitable, enracinée – et pout tout dire, nationale. Le genre d’œuvre dont on dit qu’il y a un avant, et un après.
« Adán Buenosayres » est le nom du personnage principal dont on suit les pérégrinations, moins physiques que spirituelles, selon trois modes : narratif, poétique, allégorique. La première partie, la plus longue, raconte par le menu les vingt-quatre heures d’un Portègne (habitant de Buenos Ayres), de l’éveil au coucher. Réveil métaphysique, comme si on extrayait l’âme des limbes, plongée dans la métropole mondiale de la solitude, dérive, rencontres, mondanités, alcool, expéditions nocturnes, discours à n’en plus finir, alcool, alcool : Marechal nous fait sentir ce que c’était que vivre en Argentine dans les années 1920, entre traditions trop récentes et modernité agressive, recherche d’identité et vagues migratoires permanentes. Dans un style hilarant, et avec une galerie de personnages bien trempés, cette première partie se place sous le patronage d’Ulysse ; et si la seconde est une courte « autobiographie de l’âme » du héros (en fait un essai poético-philosophique écrit pour séduire une jeune fille), la troisième sera une transposition de l’Enfer de Dante à l’échelle de Buenos Ayres : ainsi défilent les pécheurs de la capitale, qui sont les mêmes personnages que ceux de la première partie, élevés au rang de symboles. Et ainsi se présente une des ambitions du roman, celle d’être un conte philosophique universel à l’intention des âmes seules, égarées dans la matière.
En effet, si la composition du livre manque de cohérence, c’est que celle-ci est toute thématique : de la première à la dernière page s’expose une vision néo-platonicienne du monde, où chaque âme a pour tâche de délivrer le réel du multiple et du changeant, en accomplissant pour elle-même le trajet ascensionnel vers l’Un primordial. « Par quels signes était-il parvenu à comprendre l’origine divine de son âme ? Par l’irrésistible tendance de l’âme à l’unité, elle qui vivait pourtant dans le monde de la multiplicité ; par sa notion d’un bonheur nécessaire, possible seulement dans un Autre absolu, immobile, invisible, éternel, elle qui vivait dans le relatif, le changeant, le visible, le mortel ; par sa vocation pour toutes les excellences (Vérité, Bonté, Beauté), attributs divins vers lesquels l’âme tend comme vers son atmosphère naturelle ou sa patrie d’origine. »
Fascinant roman de la mélancolie cosmique, porté par un humour picaresque qui préfigure Joseph Heller et Thomas Pynchon, Adan Buenosayres est sans doute trop singulier pour avoir fait école, mais il n’est pas interdit d’en sentir l’influence chez quelques compatriotes de Leopoldo Marechal, notamment Rodrigo Fresan. Un livre riche, dense, et drôle : à intégrer très vite dans le canon des lettres.


http://www.chronicart.com/livres/leopoldo-marechal-adan-buenosayres/
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Fresque carnavalesque, Adan Buenosayres, narre les pérégrinations urbi et orbi du héros éponyme portègne, poète contrarié, amoureux gnoré, et la geste des personnages hauts en couleur qui gravitent autour de son fanal : astrologue pour rire, philosophe à la manque et autres fumistes, inconditionnels farouches du criollismo.

Ce roman est unanimement trompeté ouvrage mythique de la littérature sud-américaine. Publié en 1948 c'est peut-être sa dimension séminale qui est remarquable ici, ouvrant la voie au réalisme magique si cher aux écrivains latinos. le récit, qui balance allègrement entre le poétique nébuleux et alambiqué et le ton barroque de la franche bouffonnerie, se permet même, irrévérence ultime, de revisiter sur le mode parodique la Divine Comédie. Loufoque, déroutant, passablement long et qui finit néanmoins et fort paradoxalement de façon abrupte. Une somme dans son genre, qu'on imagine bien objet d'exégèse, qui s'adresse quand même à un lectorat averti, rompu aux classiques de la littérature d'Amérique latine.

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le blanc petit mouchoir
que je t'ai offert,
brodé de mes cheveux...

Tempérée, riante, (comme le sont celles d'automne dans la très gracieuse ville de Buenos Aires) resplendissait la matinée de ce 28 avril : dix heures venaient de sonner aux horloges et, à cet instant, éveillée, gesticulant sous le soleil matinal, la Grande Capitale du Sud était un épi d'hommes qui se disputaient à grands cris la possession du jour et de la terre. Lecteur agreste, si, paré des vertus de l'oiseau, tu avais jeté de l'altitude un regard de moineau sur la cité, je sais que, à la vue offerte à tes yeux de loyal Portègne, la mécanique de l'orgueil aurait gonflé ta poitrine. Des cargos noirs et sonores, mouillant dans le port de Buenos Aires, déversaient sur les quais la moisson industrielle des deux hémisphères, la couleur et le son des quatre races, l'iode et le sel des sept mers ; au même moment, regorgeant de la faune, de la flore et du minerai de notre terre, des cargos hauts et solennels prenaient leur cap, dans les huit directions de la mer, salués par l'âpre adieu de sirènes navales. Si, de tes hauteurs, tu avais remonté le cours du Riachuelo jusqu'aux installations frigorifiques, tu te serais émerveillé des enclos débordant de taurillons et de génisses qui, serrés, beuglant au soleil, attendaient le coup de massue assené entre les deux cornes, l'habile lame des bouchers de l'abattoir, prêts à offrir une hécatombe au monde vorace. Des trains, faisant orchestre, entraient dans la ville, en partaient vers les contrées boisées du nord, les vignobles de l'ouest, les géorgi-ques du centre, les pastorales du sud. D'Avellaneda la manufacturière à Belgrano, une ceinture de cheminées entourait la métropole, leurs fumées griffonnaient dans le ciel viril des faubourgs de valeureuses sentences de Rivadavia ou de Sarmiento. Rumeurs de pesées et de mesures, tintements de caisses enregistreuses, voix et gestes se croisant comme des armes, talons fugitifs, c'était le pouls de la ville tonnante : ici, les banquiers de la rue Reconquista lançaient la roue folle de la Fortune ; là, des ingénieurs graves comme la Géométrie méditaient les nouveaux ponts et chemins du monde. Buenos Aires en marche riait : Industrie et Commerce lui tenaient la main.
Pourtant, refrène le lyrisme qui t'a cabré, lecteur, descends de la région suprême où t'a placé mon stylographe et accompagne-moi jusqu'au quartier de Villa Crespo, au 303 de la rue Monte Egmont : là, balayant le trottoir à grands traits, Irma chantait à tue-tête les premiers vers du Mouchoir. Soudain elle se tut, campée sur son balai, échevelée et ardente, sorcière de dix-huit ans : son ouïe saisit en un seul accord la chanson des maçons italiens, le claquement des marteaux au garage «La Joven Cataluña», le caquet des grosses femmes qui se chamaillaient avec Ali le marchand des quatre-saisons, les juifs grandiloquents vendant leurs couvertures, la clameur des mioches s'essoufflant derrière une balle de chiffon. Confortée dans son exaltation matinale, Irma se remit à chanter :

Il était pour toi
tu l'as oublié
mouillé de pleurs
il est devant moi.
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Vidéo de Leopoldo Marechal
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