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Critique de Sachenka


Début choc : Teresa Aguilera, une jeune mariée de retour de son voyage de noces à Cuba, s'enlève la vie lors d'un repas de famille. Ranz s'en remettra (après tout, il a perdu déjà sa première épouse dans des circonstances nébuleuses quelques années auparavant) et trouvera le réconfort dans les bras de Juana, sa belle-soeur, déjà mère du jeune Juan. Cinq pages. C'est tout et, en même temps, suffisant pour accrocher, laisser le lecteur en plan avec une intrigue ahurissante et des questions en suspens… Toutefois, Javier Marias ne nous donne pas de réponses. du moins, pas tout de suite. Il laisse planer le mystère, nous en propose plus. En effet, plusieurs décennies plus tard, Juan épouse Luisa. Lors de son propre voyage de noces à Cuba (l'histoire se répète ?), il est témoin d'un drôle d'événement : en pleine nuit, alors qu'il est appuyé sur son balcon de sa chambre d'hôtel, une dame dans la rue le prend à partie, l'invective. Après un certain temps, il se rend compte qu'elle s'adresse à un type dans la chambre d'à côté. Toute cette scène est assez surréelle, elle donne le ton. Étrangeté. Malaise. Lyrisme. Tous les ingrédient que l'auteur utilise à souhait.

Malaise, oui. À commencer par les propos de son beau-père Ranz lors du mariage de Juan. « Eh bien, te voilà marié. Et maintenant ? » Cette question indiscrète et inapropriée fait tout de même écho à une incertitude (pour ne pas dire crainte) chez le jeune homme. Mais il y a pire : lors du voyage de noces des jeunes mariés, je me suis demandé si Juan aimait réellement Luisa. Puis on entre dans la vie de couple de Juan et Luisa. Tous les deux traducteurs, pris par leur métier, voyageant régulièrement. La génèse de ce couple. Les débuts de leur relation. C'est un peu ça, Un coeur si blanc. Et puis il y a ce passé de Ranz qui le travaille, qui le hante. Il a perdu ses deux premières épouses. Y a-t-il un lien ? Marias est une brute, il ne laisse pas de répit au lecteur qui doit ramer fort pour trouver un sens à tout cela. Certains ne feront que se laisser emporter et attendre le dénouement. C'est aussi une tactique. À vous de choisir.

Un coeur si blanc, c'est beaucoup de considérations psychologiques-philosophiques sur le mariage. Peut-être un peu trop, qu'en sais-je ? Certains détesteront pour cette raison (et je peux les comprendre) mais, moi, j'ai adoré précisément pour cela. Et aussi pour la longueur des phrase. On n'est pas chez Proust mais c'est tout comme. Et, au-delà de la longueur des phrases elles-mêmes, il y a les idées. Parfois, on se demande où l'auteur veut nous amener avec ses digressions et circonlocutions, et c'est à la toute fin d'un paragraphe qu'on saisit cette idée secondaire (ou tertiaires !) qui se déroule à l'infini. En d'autres mots, Javier Marias a un style qui ne laisse personne indifférent. Un seul bémol : toute cette histoire avec la collègue et ex-fiancée de Juan, Berta (lors d'un contrat pour lequel il doit s'installer à New York un certain temps et pendant lequel on perd Luisa). Non pas qu'il se passe quelque chose entre eux deux, non, mais elle s'inscrit sur des réseaux de rencontres et s'intéresse à un type qui a répondu à son annonce. Cette histoire est très bizarre. Digression, oui. Complètement à côté, non : il y a un lien avec l'amour, le mariage, les relations de couple, mais ça ajoutait du mystère inutle à une histoire qui en contenait déjà beaucoup.

Pour en revenir à l'intrigue, à la toute fin, Juan et Luisa apprennent certaines informations sur son beau-père, sur ce qui est arrivé à ses deux premières épouses. Mais veulent-ils seulement le savoir. Un coeur si blanc… blanc, innocent. Vraiment ? C'est une allusion à Shakespeare et sa pièce Macbeth. D'abord, le titre lui-même, Un coeur si blanc, y fait référence. Ce coeur, il s'agit bien sûr de celui de lady Macbeth. Mais est-ce une erreur de traduction, l'auteur demande. le blanc fait habituellement référence à l'innocence mais il ne saurait être question de cela… Lost in translation ? Une autre référence de la pièce, cette citation « so brainsickly of things » Tout ces jeux de mots, ces questionnement,s ces considérations… Bref, Javier Marias nous propose une oeuvre aux intrigues bien imbriquées, complexes et saisissantes qu'il faut se donner le temps et la patience de lire. Si ça ne fonctionne pas à une première lecture, mettez le bouquin de côté un (long) moment puis retournez-y plus tard.
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