Lorsque le plus jeune membre de l'assemblée prit la parole, sa voix résonna dans la pièce comme le roulement d'un tambour. Ce fut ensuite un martèlement ininterrompu de mots qui faisaient vibrer le coeur du pauvre homme jusqu'à le rendre complètement mou.
- J'aurais tant aimé courir dans les bois et m'enivrer d'une pluie de chants d'oiseaux.
- J'aurais tant aimé admirer des fleurs au réveil lorsqu'elles gouttent leur trop plein de rosée.
- J'aurais tant aimé voir les cocotiers aux feuilles frisées, frémir sous la brise crépusculaire.
- J'aurais tant aimé m'asseoir sur le bord de la rivière pour écouter chanter l'eau qui s'écoule avec nonchalance.
- J'aurais tant aimé entendre, au lever du jour, le chant du coq appeler le village au réveil.
- J'aurais tant aimé humer un bouquet de senteurs qu'exhale la terre sous les caresses du soleil levant.
- J'aurais tant aimé voir le soleil couchant étendre sur la montagne son voile tissé de fils d'or.
- J'aurais tant aimé m'étendre sur une plage puis m'abandonner aux caresses et aux romances de la mer langoureuse.
- J'aurais tant aimé m'allonger dans un sous-bois pour voir les premiers rayons de soleil crever la feuillée et se révéler à travers la brume matinale.
- J'aurais tant aimé m'envoler avec une nuée de papillons présentant tout un éventail de couleurs, jusqu'à devenir moi-même papillon.
- J'aurais tant aimé nager avec un banc de poissons revêtus de paillettes d'argent jusqu'à devenir moi-même poisson.
- J'aurais tant aimé forcer
le paradis terrestre pour me rassasier de fruits défendus.
Les douze avaient exprimé leur voeu et Douhala avait été le dernier à parler. Taali, complètement bouleversé, avait encore suffisamment de lucidité pour se demander comment ces gens de leur tombeau pouvaient avoir des mots et des émotions aussi forts sur ce qu'ils n'avaient point connu.