À toi de jouer

C’est vrai que les napperons en crochet, les fleurs sur la terrasse et le thé dans des tasses en porcelaine évoquent sans doute plutôt Chopin, ou à la rigueur Beethoven. Mais tout devrait commencer par du Bach, c’est la base, ou peut-être le sommet. Il parle directement à l’âme. C’est un peu difficile à expliquer. Chaque note est irremplaçable et choisie selon une logique que je n’arrive pas à saisir tout à fait mais qui rend sa musique merveilleuse, impitoyable et fondamentale. Et puis jouer du Bach, ça compte pour prière.

C’est tellement doux le refuge des bras d’un homme. Tellement chaud, la caresse du regard et des mains d’un homme. Tellement bon, le sexe d’un homme…

À son crédit, je crois qu’il s’est retenu longtemps de me dire que je n’étais pas à la hauteur. Mais ça se sent, ça se lit dans les non-dits, les petits gestes, la bouche qui s’ouvre puis se referme, dans un serrement de dents, dans les tâches que l’autre se met à faire pour toi parce que tu n’y arrives plus. En plus, pas besoin de le démontrer par a + b. Je le savais, que j’étais insuffisante, tous les mois en regardant mon ventre plat avec mes ovaires « un peu fatigués ».

Apprendre à apprécier sa propre compagnie, renouer avec sa féminité et affirmer son indépendance, et blablabla. Ça serait si simple ! Je n’y crois pas une seule seconde. La vérité, c’est que je donnerais n’importe quoi pour retrouver cette sensation, le frisson du plaisir partagé, le petit feu d’artifice dans mon corps. Je crève du manque de sexe et de tendresse et de compagnie.

Un orgasme, c’est un début, mais on est bien loin de la vie, la vraie, la grande. Celle qui brûle, qui te coupe le souffle. Je voudrais que ma vie soit semblable à celle de ces romans écrits dans une urgence qui économise les mots, jette les images dans ton esprit, et arrive à te convaincre un instant que tu brûles, toi aussi.

Les petits bouts de mon rêve cousus de quelques souvenirs se déroulaient dans mon esprit. Sa silhouette sur moi me promettait mille plaisirs, sa voix trouvait les mots pour me faire vibrer, je lui demandais de me prendre, encore, jusqu’au basculement. Lorsque l’orgasme m’a emmenée, j’ai été surprise, presque déçue dans un sens. C’était mort pour le rôle de l’héroïne tragique. L’appétit était bien là, aussi primitif que la faim de l’estomac. Tant pis, tant mieux.

Retour à la vie », c’est un peu grandiloquent peut-être, mais c’est comme ça que je l’ai ressenti sur le moment. C’était le retour de la petite flamme, une toute petite bougie allumée, tremblante.

Avec le recul, ça paraît un chouïa dramatique. Ces semaines m’avaient semblé durer une éternité, s’amalgamant les unes aux autres dans un espèce de brouillard de peine. J’étais allée travailler comme une bonne fille, j’avais fait fonctionner mes bras, mes jambes et mes mâchoires. Je ne me serais pas sentie plus martyre en sortant d’une greffe de cœur.